Conseil de l’Europe. Amnesty International appelle à agir contre les « restitutions ».

Déclaration publique

IOR 10/003/2007

Les dirigeants politiques de l’Europe doivent prendre position contre les « restitutions » et les détentions secrètes, où qu’elles aient lieu. Ces faits ont été établis à de nombreuses reprises ; pourtant, les organes décisionnaires du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne n’ont toujours pas condamné publiquement le programme de détentions et de « restitutions » secrètes des Etats-Unis, et se sont encore moins engagés à cesser la complicité de l’Europe avec les violations des droits humains liées aux pratiques contre-terroristes illégales. Certains efforts crédibles ont été accomplis pour enquêter sur des violations commises par le passé et demander des comptes à leur sujet, mais ces évolutions se sont largement produites en dépit des gouvernements, plutôt qu’avec leur soutien.

Les dénégations persistantes, face à l’accumulation des preuves, nuisent à la crédibilité des gouvernements européens et aux représentants de leurs États. Leur silence et leur inaction au sein du Conseil de l’Europe constituent une trahison de ses objectifs fondateurs : la protection des droits humains, l’état de droit et la démocratie pluraliste.

Les États sont obligés de prendre des mesures légales pour protéger les populations des attentats terroristes. Les « restitutions » et les détentions secrètes mettent à mal ces mesures en restreignant la capacité des États à traduire en justice les responsables d’actes de terrorisme. Le soutien à des activités conçues pour échapper à la surveillance publique affaiblit l’état de droit, qui est le fondement d’une réelle sécurité. Ces actes ne trahissent pas seulement les valeurs sur lesquelles repose l’Europe, mais les victimes du terrorisme elles-mêmes.

Les éléments concernant les vols de la CIA et les centres secrets de détention en Pologne et en Roumanie – révélés par le rapport adopté ce 8 juin par le Comité des affaires juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – doivent faire l’objet d’une étude approfondie et transparente, non seulement de la part des deux gouvernements concernés, mais de tous les États membres. Les dénégations de ces deux gouvernements, cette semaine, sonnent creux, en l’absence d’enquêtes indépendantes, impartiales et approfondies sur les nouveaux éléments présentés par le rapport.

Amnesty International exhorte les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, du Comité des ministres et les 47 États membres à prendre des mesures concrètes pour que la vérité sur leur implication dans les détentions secrètes et les transferts illégaux de détenus soit révélée au public, que les responsables de violations des droits humains soient traduits en justice, et qu’un contrôle efficace soit établi sur les services de sécurité nationaux et étrangers, afin que ces abus ne se reproduisent plus jamais.

Amnesty International demande en particulier que soient prises les mesures suivantes :

*Le 27 juin 2007, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) doit adopter sans amendement substantiel le projet de résolution et de recommandations sur les « restitutions » et la détention secrète accompagnant le dernier rapport du sénateur Dick Marty, son rapporteur :
http://assembly.coe.int/Documents/WorkingDocs/Doc07/edoc11302.pdf

*Les gouvernements doivent révéler la vérité sur les activités illégales menées sur leur territoire ou ailleurs par les représentants de leur pays ou d’autres, dans le contexte du programme de « restitutions » et de détention secrète dirigé par les Etats-Unis. Les dénégations en bloc et l’obstruction d’enquêtes judiciaires et/ou parlementaires, par les États et l’OTAN, doivent céder à la place à des enquêtes indépendantes, impartiales et approfondies. Le secret d’État et la sécurité nationale ne doivent pas servir de prétexte pour empêcher la révélation d’éléments attestant des implications officielles dans de graves violations des droits humains.

*Les États membres du Conseil de l’Europe doivent s’assurer que les accords multilatéraux et bilatéraux, ainsi que leurs mesures d’application, notamment dans le cadre de l’OTAN, respectent leur devoir de protection des droits humains.

*Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe et le Conseil de l’Union européenne doivent sortir de leur silence, devant les éléments révélés grâce aux enquêtes menées par l’APCE, le secrétaire général du Conseil de l’Europe et le Parlement européen, en
*condamnant publiquement les « restitutions », les détentions secrètes, les disparitions forcées, la torture et autres mauvais traitements.
*exigeant des États membres qu’ils ouvrent des enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces, et traduisent en justice les responsables d’agissements illégaux, en octroyant des réparations suffisantes aux victimes de « restitutions » et de détentions secrètes.

*Le Comité des ministres doit également prendre des mesures pour combler des lacunes existantes en droit international, susceptibles d’avoir facilité ces pratiques. Les ministres doivent en particulier donner immédiatement mandat à des groupes de travail pour rédiger de manière transparente les normes recommandées un an plus tôt par le secrétaire général. Ces normes visent à
*assurer une supervision et une responsabilité démocratiques et efficaces de tous les services de renseignements : civils, militaires, nationaux et étrangers :
*faire respecter les droits humains par les appareils civils et étatiques en transit ;
*créer un cadre pour lever l’immunité de responsables d’États raisonnablement soupçonnés d’implication dans des graves violations des droits humains.

Le Conseil de l’Europe doit aussi élaborer des normes claires pour que les éléments relatifs à l’implication d’agents de l’État dans de graves violations des droits humains ne puissent être protégées comme « secret d’État », ou pour des raisons de sécurité nationale.

*Le Comité des ministres doit également prendre des mesures pour appliquer la recommandation 1754 (2006) relative à l’implication des États européens dans les « restitutions » et détentions secrètes, votée il y a un an par l’Assemblée parlementaire.

*Le Conseil de l’Europe doit établir un mécanisme d’enquête parlementaire européen doté de ressources suffisantes, pour enquêter sur des violations graves et systématiques des droits humains, comme celles qui ont eu lieu dans le cadre du programme de « restitutions » et de détention secrète dirigé par les États-Unis.

Ces mesures sont essentielles pour démontrer l’engagement réel – en action comme en paroles – du Conseil de l’Europe et de ses États membres en faveur des principes fondateurs du Conseil de l’Europe. Le respect des droits humains et de l’état de droit est à ce prix. Notre sécurité future, collective et individuelle, en dépend.

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