CONSEIL DE L’EUROPE : Le projet de Convention européenne sur la lutte contre la traite des êtres humains doit être renforcé

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Soixante-dix organisations non gouvernementales (ONG) d’Europe et du monde,
dont Amnesty International et Anti-Slavery International, appellent les 45
États membres du Conseil de l’Europe à renforcer la protection des personnes
victimes de la traite des êtres humains. Cet appel intervient à l’heure où
le Comité ad hoc sur la lutte contre la traite des êtres humains (groupe
composé de représentants des gouvernements des 45 États membres, connu sous
le nom de CAHTEH) va se réunir pour l’avant-dernière fois afin de rédiger
une proposition de Convention européenne sur la lutte contre la traite des
êtres humains. Cette réunion se tiendra à Strasbourg, en France, le 28
septembre 2004.

Le nombre de personnes touchées par cette forme contemporaine d’esclavage
dans la région couverte par le Conseil de l’Europe a considérablement
augmenté ces dix dernières années.

« La traite des êtres humains est, en soi, une grave violation des droits
humains. Elle constitue une atteinte à la dignité et à l’intégrité de l’être
humain et bafoue les droits fondamentaux des personnes qui en sont victimes
en raison de sa nature même, qui implique le recours à la contrainte ou à la
tromperie et l’exploitation. Or, trop souvent, les personnes ayant fait
l’objet de la traite sont considérées à tort par les autorités comme des
migrants clandestins ou dépourvus de titre de séjour ; elles sont souvent
traitées comme des délinquantes plutôt que comme des victimes de graves
atteintes aux droits humains et sont rapidement renvoyées dans leur pays
d’origine, où beaucoup risquent de subir des représailles ou d’être de
nouveau victimes de la traite. Ce type de réaction met aussi en échec les
efforts destinés à traduire en justice les responsables de la traite », a
déclaré Mary Cunneen, directrice d’Anti-Slavery International.

« Les États ont la responsabilité, individuellement et en coopération les
uns avec les autres, non seulement de prendre des mesures pour empêcher la
traite et engager des poursuites contre ses auteurs, mais aussi de protéger
et de respecter les droits humains des personnes qui en sont victimes », a
affirmé Jill Heine, conseillère juridique d’Amnesty International, qui va
s’exprimer devant les participants à la réunion du CAHTEH à Strasbourg.

Amnesty International et Anti-Slavery International ont salué l’attention
particulière accordée par le Conseil de l’Europe à la traite des êtres
humains, et en particulier la décision des ministres des Affaires étrangères
des 45 États membres de charger le CAHTEH de rédiger un traité européen qui
renforce la protection des droits fondamentaux des personnes victimes de la
traite.

Toutefois, après examen de la dernière version de ce traité, les deux
organisations estiment que, lors de ses deux dernières réunions, le CAHTEH
va devoir renforcer certaines des dispositions de la Convention s’il veut
respecter son mandat en rédigeant un traité qui conçoive « un cadre assurant
une protection et une aide complètes aux victimes et aux témoins ». Si une
telle convention est adoptée, les États auront de nouvelles obligations qui
iront plus loin que celles inscrites dans les normes internationales et
régionales et dans leur droit national.

Dans la déclaration conjointe signée par 70 ONG travaillant sur la traite
des êtres humains et sur des questions liées en Europe et au-delà, les
organisations demandent au CAHTEH de faire le nécessaire pour que le texte
de la Convention européenne sur la lutte contre la traite des êtres humains
définisse la traite comme une violation des droits humains et impose aux
États de veiller aux points suivants :

 les victimes de la traite doivent être identifiées avec exactitude et dans
les plus brefs délais par des personnes qualifiées et formées ;

 les victimes de la traite ne doivent pas être incarcérées, inculpées ou
poursuivies pour leur entrée ou leur séjour illégaux dans un pays ou pour
leur participation à des activités illégales résultant de leur situation de
personnes exploitées ;

 différents services et mesures d’aide et de protection, tels que des soins
médicaux et psychologiques, une aide juridique et un hébergement convenable
et sûr, doivent être mis à la disposition des victimes de la traite, en
fonction de leurs besoins ;

 toute personne dont il est raisonnable de croire qu’elle a été victime de
la traite doit se voir accorder un délai d’au moins trois mois (dit délai de
réflexion et de rétablissement) pendant lequel elle est autorisée à rester
dans le pays afin de pouvoir, en toute sécurité, commencer à se remettre,
échapper à l’influence de ceux qui l’ont exploitée et prendre des décisions
sur son avenir en connaissance de cause, notamment en ce qui concerne son
éventuelle coopération avec les autorités policières et judiciaires ;

 à la suite du délai de réflexion et de rétablissement, les victimes de la
traite doivent recevoir des permis de séjour renouvelables d’une durée de
six mois et des permis de séjour permanents attribués sur la base d’une
évaluation périodique de leurs besoins et des risques qu’elles courent, sans
que l’attribution de ces permis soit subordonnée à leur volonté de coopérer
avec les autorités policières et judiciaires ;

 aucune victime ne doit être renvoyée dans un pays quel qu’il soit s’il
existe un risque pour sa vie ou sa sécurité, notamment un risque qu’elle
soit de nouveau victime de la traite des êtres humains.

Amnesty International et Anti-Slavery International appellent aussi les
gouvernements des 45 États membres à consulter la société civile au sujet de
ce projet de traité, et en particulier les personnes et les organisations
qui travaillent avec les victimes de la traite ou en leur faveur.

Complément d’information

Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a chargé le Comité ad hoc sur
la lutte contre la traite des êtres humains (CAHTEH) de rédiger, d’ici à
décembre 2004, une Convention européenne sur la lutte contre la traite des
êtres humains. Lors de sa prochaine réunion, qui se tiendra du 28 septembre
au 1er octobre, le CAHTEH va terminer son examen en deuxième lecture de ce
projet de traité.

Le Comité des ministres a demandé spécifiquement au CAHTEH de concevoir un
dispositif exhaustif de protection des droits humains des victimes de la
traite qui tienne compte des questions liées au genre et qui mette l’accent
sur la prévention, les enquêtes, l’exercice de poursuites pénales et la
coopération internationale.

Le Conseil de l’Europe, basé à Strasbourg, en France, a été fondé en 1949
pour défendre les droits humains, la démocratie parlementaire et l’état de
droit. Dans le cadre de cette mission, cette organisation
intergouvernementale a adopté 196 traités, dont la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et a créé
plusieurs organismes de surveillance, tels que la Cour européenne des droits
de l’homme. Ses États membres sont actuellement les suivants : Albanie,
Allemagne, Andorre, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Belgique,
Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie,
Ex-République yougoslave de Macédoine, Fédération de Russie, Finlande,
France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie,
Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Moldavie, Norvège, Pays-Bas,
Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Saint-Marin,
Serbie-et-Monténégro, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie, Ukraine.
Monaco devrait devenir le 46e membre du Conseil de l’Europe en octobre 2004.

Pour plus de renseignements, vous pouvez consulter les documents suivants
(en anglais) sur le site d’Amnesty International :

Amnesty International’s and Anti-Slavery International’s General
Recommendations on the draft European Convention against Trafficking in
Human Beings <http://web.amnesty.org/library/inde...> (index
AI : IOR 61/018/2004)

Enhancing the Protection of the Rights of Trafficked Persons : Amnesty
International and Anti-Slavery International’s Recommendations to strengthen
provision of the July 2004 draft European Convention against Trafficking in
Human Beings <http://web.amnesty.org/library/inde...> (index
AI : IOR 61/016/2004)

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