Conseil de l’Europe. Lettre ouverte conjointe au bureau de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

Déclaration publique

IOR 30/012/2006

Nous demandons à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) de reprendre, sans délai, son travail de surveillance et d’information indépendante sur la situation des droits humains en Tchétchénie et dans les républiques voisines de la Fédération de Russie.

Nous sommes très préoccupés par la décision prise la semaine dernière par le bureau de l’Assemblée parlementaire, consistant à référer à sa commission de suivi la question des réparations juridiques relatives aux violations des droits humains dans le Caucase nord, afin, selon les termes du bureau, que cette question soit prise en compte dans la préparation du rapport de surveillance actuel relatif à la Fédération de Russie. Cette décision affaiblirait la surveillance et diminuerait la fréquence des rapports sur la situation des droits humains dans cette région en proie aux troubles. En effet, la commission de suivi, dotée de ressources limitées, est déjà chargée de surveiller un grand nombre de questions relatives aux droits humains et aux réformes politiques dans toute la vaste région de la Fédération de Russie et d’autres États membres du Conseil de l’Europe. Nous estimons qu’il est irréaliste d’attendre de cette commission qu’elle consacre d’importantes ressources et beaucoup de temps à évaluer et à signaler la crise des droits humains dans la région du Caucase nord, qui pourrait bien être la pire d’Europe et nécessite donc plus qu’une réponse générale, simple chapitre dans le cadre des rapports et des évaluations ordinaires.

Considérant la gravité de la crise actuelle des droits humains dans cette région, il est malavisé et prématuré de fusionner un tel travail avec une tâche de surveillance plus vaste - plutôt que de continuer une évaluation spécialisée. Les actions des autorités fédérales et locales chargées du maintien de l’ordre continuent de provoquer des violations graves et généralisées des droits humains des personnes, civiles pour la plupart. Des personnes sont notamment victimes de détentions et d’homicides illégaux, soumises à la torture ou d’autres mauvais traitements, ou « disparaissent ». De fait, dans un rapport adopté la semaine dernière par l’APCE sur les détentions secrètes et les transferts entre États illégaux (« restitutions ») de personnes, impliquant des États membres du Conseil de l’Europe, il était fait référence explicitement à des centres de détention secrets et officieux en république tchétchène. Des combattants rebelles continuent également à commettre de graves atteintes aux droits humains, notamment en prenant des civils pour cible.

Comme le signalent régulièrement les rapports de l’APCE, notamment celui adopté en janvier 2006, les responsables de ces violations de la Convention européenne des droits de l’homme jouissent de l’impunité, car il n’existe aucune responsabilité ou presque dans la Fédération de Russie pour ces violences. En outre, un nombre considérable de personnes ayant demandé des réparations pour de telles violations des droits humains en déposant un dossier devant la Cour européenne des droits de l’homme – quand aucune réparation ne pouvait être obtenue dans la Fédération de Russie – ont subi des représailles allant du harcèlement et des menaces de mort à la « disparition ».

Le Conseil de l’Europe a été l’un des rares organes intergouvernementaux à avoir régulièrement abordé la question des droits humains en Tchétchénie avec la Fédération de Russie, de manière constructive et critique. La surveillance et l’information relatives à la situation des droits humains dans cette région, par la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire, constituent un élément essentiel de l’action de cette organisation. Ce travail a notamment fourni à d’autres organes du Conseil de l’Europe, ainsi qu’au public, des analyses franches et fiables sur la situation des droits humains en Tchétchénie.

Nous estimons que toute décision ayant pour effet d’affaiblir la surveillance et l’information relatives à la situation des droits humains au Caucase nord serait en contradiction avec le rôle que doit jouer l’Assemblée parlementaire dans ces circonstances.

Aux milliers de victimes de torture, de disparition forcée, de détention secrète, d’homicides illégaux et d’enlèvement en Tchétchénie, cette décision envoie un signal terrible : leur sort ne mérite plus d’attention particulière.

Avec nos sincères salutations,

Amnesty International (AI), Londres

Centre Demos, Moscou

Centre des droits humains Memorial, Moscou, Nazran et Grozny

Comité d’assistance civique, Moscou

Comité Helsinki Norvège, Oslo

Comité Helsinki Suède, Stockholm

Comité tchétchène de salut national, Nazran

European Human Rights Advocacy Centre (EHRAC), Londres

Fédération internationale d’Helsinki pour les droits de l’homme (IHF), Vienne

Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), Paris

Groupe Moscou Helsinki, Moscou

Human Rights Watch (HRW), New York

Russian Justice Initiative, Utrecht

Société d’amitié russo-tchétchène, Nijny-Novgorod et Grozny

Société pour les peuples menacés, Berne et Göttingen

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