Communiqué de presse

Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il faut créer une Commission d’enquête pour le Yémen

Les organisations ci-après demandent au Conseil des droits de l’homme des Nations unies de créer une commission internationale qui mènera des enquêtes sur les atteintes graves au droit international humanitaire et au droit international relatif aux droits humains attribuées à toutes les parties au conflit depuis septembre 2014, lorsqu’un groupe armé houthi a pris le contrôle de Sanaa, la capitale du Yémen.

Le 26 mars 2015, une coalition dirigée par l’Arabie saoudite a lancé une campagne aérienne contre les forces houthies. Depuis lors, les parties au conflit ont commis de graves violations du droit international humanitaire, dont certaines sont susceptibles de constituer des crimes de guerre.

La coalition emmenée par l’Arabie saoudite a effectué des frappes aériennes aveugles, en violation du droit international humanitaire, qui ont tué des dizaines de civils et touché des biens de caractère civil et des infrastructures. Le 24 juillet, par exemple, des avions de la coalition ont bombardé de manière répétée deux lotissements rattachés à la centrale électrique à vapeur de Mokha. Ces frappes ont tué à elles seules au moins 65 civils, dont 10 enfants.

Les forces houthies et alliées ont enfreint à maintes reprises le droit international humanitaire, notamment en tirant sans discrimination sur des zones habitées par des civils dans le sud du Yémen et de l’autre côté de la frontière, en Arabie saoudite, et en recrutant des mineurs pour grossir leurs rangs. Le 19 juillet, lors d’une des attaques les plus meurtrières qu’aient menées les forces pro-Houthis, des tirs de mortier ont coûté la vie à plusieurs dizaines de civils dans le quartier de Dar Saad, à Aden.

Des groupes armés non étatiques ont porté atteinte à la neutralité de centres médicaux, de professionnels de la santé et de travailleurs humanitaires.

Au 4 août, les combats au Yémen avaient fait au moins 1 916 morts parmi les civils, la plupart à la suite de frappes aériennes, selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies. Au moins 207 biens de caractère civil ont été complètement ou partiellement détruits par le conflit armé.

La situation humanitaire continue à se dégrader de manière ahurissante : 21 millions de Yéménites - soit 80 % de la population - ont ainsi besoin d’une assistance humanitaire. Les importations représentant 90 % des réserves de nourriture et de carburant au Yémen, le blocus imposé par la coalition a eu de graves répercussions sur la situation humanitaire, et pourrait constituer un crime de guerre dans la mesure où le recours à la famine contre des civils peut être considéré comme un moyen de guerre. La moitié de la population est désormais menacée par l’insécurité alimentaire ; plus de 15,2 millions de personnes sont privées de soins de santé de base, et plus de 20 millions ne peuvent se procurer d’eau propre, ce qui contribue à la propagation de maladies évitables, telles que la dengue, la polio et les diarrhées aiguës.

Le haut-commissaire aux droits de l’homme a exprimé la vive inquiétude que lui inspire le nombre élevé de victimes civiles au Yémen, et a indiqué au Conseil des droits de l’homme lors de sa 29e session, en juin 2015, que le Haut-Commissariat avait « reçu des informations selon lesquelles des attaques aveugles et disproportionnées sont menées contre des zones densément peuplées. »

Aux termes du droit international humanitaire, les États parties au conflit armé sont tenus d’enquêter sur les crimes de guerre que leurs forces sont accusées d’avoir commis, et de traduire en justice, dans le cadre de procès équitables, les personnes dont la responsabilité pénale serait engagée. À la connaissance d’Amnesty International, aucun des membres de la coalition ne l’a fait. D’autres États sont par ailleurs autorisés à exercer leur compétence universelle dans le cas de crimes de guerre présumés ou d’autres crimes de droit international commis au Yémen. Le 14 avril 2015, le haut-commissaire aux droits de l’homme a demandé que toute atteinte présumée au droit international donne lieu en urgence à une enquête, et a réitéré son appel en faveur d’enquêtes rigoureuses dans son discours d’ouverture de la session de juin du Conseil des droits de l’homme.

Le Conseil des droits de l’homme, dans sa résolution 27/19 adoptée en septembre 2014 sur le Yémen, a demandé à l’unanimité qu’« une enquête soit ouverte sur tous les cas de violations des droits de l’homme et d’atteintes au droit international humanitaire. » Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a également encouragé la création d’un mécanisme international chargé d’enquêter sur les violations des droits humains ayant eu lieu durant le soulèvement de 2011. Le refus des acteurs nationaux et internationaux de suivre ces recommandations n’a fait qu’alimenter la culture de l’impunité au Yémen.

La réticence de l’Arabie saoudite, d’autres membres de la coalition, et du gouvernement yéménite, à enquêter sur des frappes aériennes semble-t-il illégales au Yémen, ainsi que l’absence de mesures d’obligation de rendre des comptes au sein des autres parties au conflit, démontrent la nécessité pour le Conseil des droits de l’homme d’agir de toute urgence.

Lors de sa 30e session, en septembre 2015, le Conseil des droits de l’homme devra agir afin d’en finir avec la culture de l’impunité qui prévaut au Yémen, et adopter une résolution dans le but d’établir une commission d’enquête internationale chargée d’examiner les atteintes au droit international humanitaire et au droit international relatif aux droits humains imputées à l’ensemble des parties depuis septembre 2014, notamment en relation avec les blocus aérien et maritime imposés par les forces de la coalition. L’enquête doit permettre d’établir les faits, de recueillir et conserver des informations liées aux abus et violations, et d’identifier les personnes soupçonnées de responsabilité pénale, dans l’objectif de garantir qu’elles soient traduites en justice dans le cadre de procès équitables.

Signataires :

La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme
Amnesty International
La Coalition arabe pour le Darfour
La Fondation arabe pour la société civile et le soutien aux droits humains
L’Institut arabe pour la démocratie
Le Réseau arabe des ONG pour le développement
L’Organisation arabe des droits de l’homme - Libye
L’Organisation arabe des droits de l’homme - Mauritanie
Le Programme arabe pour les militants des droits humains
L’Institut du Caire pour les études des droits de l’homme
Le Centre d’éducation aux droits des femmes - Maroc
Le Centre mondial pour le devoir de protection
Human Rights Watch
La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme
L’Initiative internationale pour les droits des réfugiés
Le Centre Khatim Adlan pour l’instruction et le développement humain
Le Réseau de la non-violence dans les pays arabes
Le Mouvement permanent pour la paix
Le Centre Phenix pour l’étude de l’économie et de l’informatique
Progressio
Saferworld
Le Premier groupe pour la démocratie au Soudan
L’Observateur des droits humains au Soudan

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