Conseil des droits de l’homme. Session commémorative célébrant le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme

Déclaration publique

12 décembre 2008
Déclaration d’Irene Khan
Secrétaire générale d’Amnesty International

Monsieur le secrétaire général, Madame la Haut-commissaire, Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Depuis l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), il y a soixante ans, la promotion et la protection des droits humains se sont grandement améliorées. Il existe une riche mosaïque de normes internationales, régionales et nationales en matière de droits humains et une multitude d’institutions chargées de les mettre en application. Une société civile dynamique mobilisée en faveur des droits humains a désormais pris une ampleur inimaginable en 1948. L’égalité entre hommes et femmes, et entre personnes de couleur de peau différente, les droits des enfants, la liberté de la presse ou l’équité au sein des systèmes judiciaires ne sont plus contestés. Il s’agit désormais de normes reconnues, appliquées dans de nombreux pays, en passe de l’être dans d’autres.

La plus belle réussite de la DUDH réside dans le fait que les droits humains sont maintenant profondément ancrés dans la conscience collective de l’humanité. Ils constituent un critère à l’aune duquel sont jugés les comportements des gouvernements.

Pourtant, ce n’est pas le moment de se reposer sur des lauriers. Tout en célébrant les réussites, nous devons également prendre acte des échecs et des défis qui restent à relever en matière de droits humains. Un gouffre sépare les promesses de la DUDH et la réalité vécue aux quatre coins du globe. Notre époque reste profondément marquée par l’injustice, l’impunité et l’inégalité.

Parmi les atteintes aux droits humains les plus visibles figurent celles commises dans le cadre des conflits armés et de la répression étatique. En quel endroit de la planète ? Il est inutile de citer des noms, tant il suffit d’allumer son poste de télévision ou de lire les journaux.

Le récent attentat de Bombay nous a rappelé à quel point les droits humains sont vulnérables face au terrorisme. Amnesty International condamne les violences terroristes dans les termes les plus vifs. Il incombe aux gouvernements de protéger les populations contre ces attentats – mais au sein d’un système de défense des droits humains et non à ses dépens. Si nous restreignons les libertés au nom de la sécurité, nous concédons une victoire au terrorisme.

Il s’agit là de la partie émergée de l’iceberg. Bien d’autres atteintes aux droits humains ne retiennent guère l’attention des médias – notamment la discrimination généralisée fondée sur la couleur, la religion, l’orientation sexuelle et d’autres critères liés à l’identité et à l’opinion. Parmi ces scandales cachés, citons la violence contre les femmes, les jeunes filles et les fillettes, qui s’exerce dans leur foyer, sur leur lieu de travail et dans les écoles, en temps de guerre comme en temps de paix. Le viol est, de manière ignominieuse, devenu une arme de guerre dans nombre de conflits. Il est plus qu’urgent de faire des droits des femmes et des fillettes une réalité.

Actuellement, la crise la plus grave en matière de droits humains est la pauvreté, qui touche des milliards de gens dans le monde. Au regard de la conjoncture économique actuelle, des millions de personnes risquent fort de retomber dans la pauvreté. Les plus démunis et les plus vulnérables paient pour l’avidité des riches et des puissants.

L’apport de la DUDH réside dans l’universalité et l’indivisibilité. Les droits humains sont universels : tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Et ils sont indivisibles : qu’ils soient civils, culturels, économiques, politiques ou sociaux, ils ont tous la même importance et ne sauraient être hiérarchisés. L’adoption ce mercredi 10 décembre 2008 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels réaffirme de manière hautement symbolique et extrêmement pragmatique le caractère indissociable et universel des droits. Le présent Conseil a joué un rôle important dans l’élaboration de ce Protocole.

Nous l’encourageons à faire en sorte que les droits humains se trouvent au cœur de la mise en œuvre des Objectifs du millénaire pour le développement. La table ronde consacrée à la mortalité maternelle et aux droits des femmes lors de la session de juin s’est imposée comme un événement lourd de sens. Pourtant, malgré la promesse faite il y a soixante ans d’un accès à l’éducation primaire pour tous, plusieurs générations de fillettes et de garçons ont vu leurs rêves s’envoler. Ce Conseil doit mettre l’accent sur le fait que les promesses de la DUDH, qui n’opèrent aucune distinction entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels, seront tenues.

Les droits humains internationaux relèvent de la responsabilité première des Nations unies. Ce Conseil, principal organe de défense des droits humains de l’ONU, a un rôle fondamental à assumer en tant que voix morale de la communauté internationale. Il doit faire face aux violations de ces droits avec force, clarté et cohérence. À cette fin, il importe que tous les États membres jouent pleinement leur partition. Dans le domaine des droits humains, il n’y a pas de place pour des spectateurs. Nous engageons les gouvernements, particulièrement les plus influents, à promouvoir ensemble au sein de ce Conseil des mesures visant à concrétiser les droits humains sur le terrain.

Monsieur le Président,

Partout dans le monde, des millions de personnes célèbrent ce 60e anniversaire. Dans cette salle, ce matin, des enfants ont joint leurs voix aux attentes en matière de droits humains. Dans dix ans, que diront-ils de l’héritage que nous construisons aujourd’hui ?

En 1948, face à d’énormes difficultés, les dirigeants mondiaux ont fait preuve de courage et de prévoyance dans leur vision de la DUDH. Aujourd’hui, les dirigeants doivent transposer leur courage et leur détermination en actes.

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