Le Conseil de sécurité des Nations unies manque à ses obligations envers les civils pris au piège des conflits

Le Conseil de sécurité des Nations unies doit honorer son engagement, pris il y a des décennies, visant à réduire au minimum les souffrances causées par la guerre aux populations civiles, a déclaré Amnesty International en amont d’un débat ouvert sur la protection des civil·e·s dans les situations de conflit armé devant avoir lieu mercredi 27 mai.

« Il y a 21 ans, le Conseil de sécurité promettait de protéger les civil·e·s pris dans les conflits armés. Un tour d’horizon rapide des conflits en cours dans le monde révèle que les membres du Conseil n’ont pas vraiment de quoi être fiers de ce qui a été accompli jusqu’à présent », a déclaré Sherine Tadros, responsable du Bureau d’Amnesty International auprès de l’ONU.

« Certains bombardent sans discernement des hôpitaux, des écoles et des habitations, tandis que d’autres sont dans le déni quant à leur rôle dans l’homicide de milliers de civil·e·s, ou fournissent à d’autres pays des armes qui sont utilisées dans des crimes de guerre et qui alimentent les pires crises humanitaires du monde »

« Loin d’arriver à prévenir les souffrances des populations civiles, les cinq membres permanents du Conseil en sont même en partie responsables. Certains bombardent sans discernement des hôpitaux, des écoles et des habitations, tandis que d’autres sont dans le déni quant à leur rôle dans l’homicide de milliers de civil·e·s, ou fournissent à d’autres pays des armes qui sont utilisées dans des crimes de guerre et qui alimentent les pires crises humanitaires du monde. »

Au cours de l’année écoulée, Amnesty International a continué à recueillir des informations montrant que ce sont les civil·e·s qui paient le plus lourd tribut aux conflits dans le monde ; certains groupes, comme les personnes âgées [1], les personnes souffrant de handicaps [2], ainsi que les femmes et les mineur·e·s, sont en outre exposés à des risques spécifiques. Des dizaines de milliers de civil·e·s ont été tués et plus de 70 millions de personnes sont actuellement déplacées par le conflit [3] - le chiffre le plus élevé depuis la Deuxième guerre mondiale.

Un nouveau rapport publié par Amnesty International mercredi 27 mai montre que dans le nord-est du Nigeria, le conflit continuant à opposer Boko Haram et l’armée nigériane a déjà eu un impact terrible sur une génération entière d’enfants.

En Afghanistan, de récentes attaques [4] meurtrières contre une maternité et une cérémonie funéraire illustrent une nouvelle fois la cruauté d’un conflit continuant à faire jusqu’à 10 000 victimes civiles par an.

Ce mois-ci, Amnesty International a recueilli des informations sur 18 frappes syriennes et/ou russes contre des centres médicaux et des écoles dans le nord-ouest de la Syrie, dans le cadre d’une offensive ayant mené au déplacement de près d’un million de personnes, avec en toile de fond une crise humanitaire déjà très grave.

En Libye, l’organisation a montré que les transferts d’armes et le soutien militaire en provenance de divers pays, en violation de l’embargo sur les armes instauré par les Nations unies, tuaient et mettaient en danger des civil·e·s tandis que des milices se livrent des combats sans relâche pour le contrôle de Tripoli.

Dans le Soudan du Sud, ce mois-ci, des affrontements entre l’armée et des rebelles ont causé le déplacement de milliers de personnes, et des civil·e·s ont été tués et violés.

Même une urgence mondiale telle que la pandémie de COVID-19 n’a pas suffi pour galvaniser le Conseil de sécurité et l’inciter à tout faire pour protéger les civil·e·s.

Agir pour protéger les civil·e·s

Le Conseil de sécurité des Nations unies peut et doit faire beaucoup plus. Des votes devant avoir lieu le 29 mai pourraient avoir des effets positifs, en débouchant sur le renouvellement du mandat de la force hybride de maintien de la paix déployée par l’Union africaine et les Nations unies dans le Darfour, au Soudan, et de l’embargo sur les armes dans le Soudan du Sud.

Lors d’un vote prévu pour juillet, les membres du Conseil doivent faire en sorte que l’acheminement de l’aide humanitaire provenant d’autres pays puisse se poursuivre dans le nord-ouest de la Syrie.

Et ils doivent veiller à ce que les États soient montrés du doigt et amenés à répondre de leurs actes, sans craindre de les froisser, ni accorder de faveur, lorsque ces pays mettent des vies civiles en danger dans le cadre d’un conflit. Tous les États sont tenus de respecter les lois de la guerre, mais les membres du Conseil de sécurité et leurs alliés continuent à commettre des violations ou à s’en rendre complices, comme par exemple :

* les forces russes, qui commettent des crimes de guerre et apportent leur concours à la Syrie dans sa campagne de crimes contre l’humanité ;

* les bombardements aériens effectués par les États-Unis en Somalie, qui ont tué et blessé des dizaines de civils depuis 2017. Il a été établi que plus de 1 000 personnes ont été blessées en Somalie l’an dernier ; la plupart des attaques responsables, parfois aveugles, parfois ciblées, ont été attribuées au groupe armé Al Shabaab.

* la France et le Royaume-Uni, qui se cachent derrière la coalition menée par les États-Unis afin de minimiser l’importance de leur rôle dans la mort de plus de 1 600 civil·e·s à Raqqa, en Syrie [5], et ailleurs en Syrie et en Irak ;

* l’assaut dévastateur de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unies contre les civil·e·s au Yémen [6], aidé par les transferts d’armes et le soutien militaire de nombreux pays, notamment plusieurs membres du Conseil de sécurité ;

* et le Myanmar [7], qui a été accusé de génocide et qui, selon le dernier Rapporteur spécial [8] des Nations unies, pourrait de nouveau être responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le Myanmar est un allié proche de la Chine et un de ses principaux clients dans le cadre du commerce des armes.

Les recherches effectuées par Amnesty International sur le terrain en Irak, en Libye, en Syrie, au Yémen et au-delà, ces dernières années, ont montré que le recours à des armes explosives dans des zones peuplées a eu pour effet une forte augmentation du nombre de victimes civiles et des destructions d’infrastructures civiles. L’organisation soutient le processus diplomatique en cours demandant aux États de s’engager clairement et strictement contre l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’impact dans des zones peuplées.

« Il est grand temps que le Conseil de sécurité dépasse les mesquineries politiques sur la scène mondiale, et qu’il défende réellement ce à quoi il dit croire - protéger les civil·e·s dans les situations de conflit armé », a déclaré Sherine Tadros.

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