COP21. Les droits humains mis à mal

Une poignée de pays fait barrage à l’inclusion de références aux droits humains dans des sections importantes de l’accord sur le changement climatique, alors que les ministres se réunissent à Paris le 7 décembre pour poursuivre les négociations, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch lundi 7 décembre 2015.

Certains pays et certaines organisations non gouvernementales (ONG) ont critiqué les tentatives de la Norvège, de l’Arabie saoudite et des États-Unis visant à supprimer du projet d’accord final des références clés portant sur les droits humains. En revanche, le Chili, le Costa Rica, le Mexique et les Philippines préconisent d’inclure ces références.

« Le projet d’accord rendu public samedi engage les États à respecter les droits humains et l’égalité entre hommes et femmes dans toutes leurs actions liées au changement climatique, a déclaré Joe Amon, directeur de la division Santé et droits humains à Human Rights Watch. Cependant, certains pays tentent de supprimer ces références de l’article 2, qui précise l’objectif de l’accord, et d’atténuer l’importance accordée aux droits humains dans l’ensemble du document. »

L’importance du respect, de la protection et de la réalisation des droits humains dans le contexte de l’impact du changement climatique sur les populations vulnérables est de plus en plus reconnue dans les négociations internationales sur ce sujet. Lors des négociations, les syndicats et les coalitions représentant les peuples autochtones, les femmes, les jeunes et les habitants des petites nations insulaires, ont particulièrement insisté sur l’inclusion de références explicites aux droits humains dans le traité.

Toutefois, certains pays comme la Norvège, l’Arabie saoudite et les États-Unis, s’opposent à l’inscription de telles références dans l’article 2, alors qu’elles figuraient dans les précédentes versions de l’accord négociées lors des réunions de Genève et Bonn. Les partisans de ce langage font valoir que cela guiderait les États vers une réponse efficace au changement climatique.

Selon certaines ONG, tous les pays participant aux négociations sur le climat sont déjà liés par au moins un traité relatif aux droits humains et l’inclusion de références solides à ces droits dans l’objectif de l’accord renforce l’idée selon laquelle faire face au changement climatique signifie non seulement protéger la planète, mais aussi ses habitants. Inscrire les droits dans l’article 2, affirment-elles, contribuerait à garantir qu’ils sont pris en compte dans la mise en œuvre de l’accord.

« La Norvège, l’Arabie saoudite et les États-Unis risquent d’être perçus comme des " sceptiques " niant les effets du changement climatique sur les droits humains, a déclaré Ashfaq Khalfan, directeur du programme Droit et politique d’Amnesty International. La Norvège, qui se targue de bâtir des ponts en matière de droits humains, semble plutôt vouloir rompre un lien vital entre protection de l’environnement et droits humains. »

Plusieurs États de toutes les régions du globe se sont exprimés en faveur d’un regain d’attention accordée aux droits humains, en particulier le Canada, le Chili, le Costa Rica, le Mexique et les Philippines. Lors des négociations, de nombreux délégués ont souligné que l’inclusion de ces droits reflète les principes fondamentaux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, et guiderait les gouvernements quant au respect de leurs obligations en matière de protection des droits humains dans la mise en œuvre de l’accord.

Ils ont fait valoir que les droits humains sont primordiaux pour assurer le succès de l’accord et doivent donc figurer dans l’article 2. Le projet actuel met également l’accent sur l’égalité entre hommes et femmes, la sécurité alimentaire, l’équité intergénérationnelle, l’intégrité des écosystèmes naturels et une juste transition pour la main d’œuvre.

Le texte actuel de l’article 2.2 dispose : «  Le présent Accord est appliqué sur la base de l’équité et des connaissances scientifiques, et conformément au principe de l’équité et des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, compte tenu des situations nationales différentes, et sur la base du respect des droits de l’homme et de la promotion de l’égalité des sexes et du droit des peuples vivant sous occupation. »

John Knox, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits humains et l’environnement, a également souligné l’obligation des États de prendre en compte la dimension humaine du changement climatique.

« Il est désormais indiscutable que le changement climatique menace l’exercice d’un vaste éventail de droits fondamentaux, a-t-il déclaré le 3 décembre. En affectant particulièrement ceux qui ont le moins contribué à l’émergence du problème, le changement climatique est en outre profondément discriminatoire. »

Amnesty International et Human Rights Watch sont membres du Groupe de travail sur les changements climatiques et les droits de l’homme.

Positions des opposants

Sous la pression des ONG, la Norvège a publié une déclaration dans laquelle elle affirme soutenir l’inclusion d’une référence aux droits humains dans la section principale de l’accord, mais pas dans l’article 2. Toutefois, sa déclaration ne permet pas d’identifier la partie dans laquelle inclure une telle référence, et il est presque trop tard pour l’inclure dans une autre section qui refléterait sa pertinence pour l’ensemble des problématiques du changement climatique.

Les États-Unis se sont prononcés en faveur de références aux droits humains, tout en s’opposant à leur inclusion dans l’objectif de l’accord, ce qui affaiblit le rôle central joué par le respect de ces droits dans la réponse au changement climatique.

L’Arabie saoudite a déclaré que la référence aux droits humains dans l’article 2 devait être supprimée, à moins d’ajouter dans la même phrase une référence au « droit des peuples sous occupation ». Cependant, veiller au respect des droits humains engloberait les droits de tous, y compris des personnes sous occupation, ainsi que de tous les groupes défavorisés.

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