COP27 : quelques avancées, mais un échec global à protéger l’humanité de l’urgence climatique

Bilan de COP27 : quelques avancées, mais un échec global à protéger suffisamment l'humanité de l'urgence climatique

Le document final de la 27e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27) comporte plusieurs décisions positives dans certains domaines, mais présente des progrès insuffisants en ce qui concerne d’autres axes de négociations.

En premier lieu, la décision d’adopter un fonds pour les pertes et les préjudices et d’autres dispositifs de soutien financier pour aider les pays et les populations les plus touchés par le changement climatique est une avancée non négligeable en faveur de la justice climatique. La création d’un « programme de travail » consacré à la « transition juste » pourrait donner l’occasion, lors des futures conférences des parties (COP), de débattre des actions des États en faveur d’une transition juste et de les faire avancer. Par ailleurs, la décision politique finale de la COP27 reconnaît que le dialogue social et la protection sociale doivent être au centre des préoccupations pour qu’une transition soit réellement juste. Dans la décision politique finale de la COP27, appelée « plan de mise en œuvre de Charm el-Cheikh », la reconnaissance, pour la première fois, des enfants comme agents du changement dans l’action pour le climat, l’adoption d’un plan de travail pour l’action pour l’autonomisation climatique qui comporte des activités liées aux droits humains, et la référence au droit à un environnement propre, sain et durable favoriseront l’adoption et la mise en œuvre de politiques conformes aux droits humains.

Alors que les références aux principes et aux normes en matière de droits humains dans les décisions adoptées aux termes de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et de l’Accord de Paris sont bienvenues et nécessaires, elles ne remplacent pas une action efficace pour le climat qui respecte, protège et met en œuvre les droits humains.

Néanmoins, ces résultats positifs ont été ternis par l’échec des gouvernements à adopter toute autre mesure significative pour protéger l’humanité et les droits humains contre l’accélération du réchauffement de la planète et ses conséquences dévastatrices. Alors que la conférence était présentée dès le départ comme la « COP de la mise en œuvre », aucune nouvelle mesure décisive n’a été adoptée pour garantir que le réchauffement climatique ne dépasse pas 1,5 ºC. En particulier, les États n’ont pas entériné l’abandon de tous les combustibles fossiles et de toutes les subventions dont ils peuvent bénéficier.

Amnesty International plaidait en faveur d’un document final de la COP27 qui fasse progresser les droits humains, en mettant l’accent en particulier sur quelques domaines clés : les pertes et préjudices, l’atténuation du changement climatique, les marchés internationaux du carbone, le financement climatique destiné à l’atténuation et à l’adaptation, et le programme de travail de Glasgow relatif à l’action pour l’autonomisation climatique (AAC). La présente déclaration publique fournit une brève analyse du bilan de la COP27 dans ces domaines. Elle ne prétend pas proposer une évaluation exhaustive des résultats de la COP27.

Importants progrès en faveur de la prise en compte des pertes et des préjudices

La décision adoptée à la COP27 d’instaurer un fonds pour les pertes et les préjudices constitue un progrès important pour que la justice climatique soit rendue aux populations des pays du Sud et des pays les plus exposés au changement climatique. Les conséquences de la crise climatique ont porté préjudice à leurs droits humains, alors que leur pays n’a pas beaucoup contribué aux émissions de carbone. Cette décision fait suite à une demande adressée depuis 30 ans par les petits États insulaires et d’autres pays à faible revenu mais qui se heurtait jusqu’alors à la résistance des pays riches, alors que leur part de responsabilité dans la crise climatique est la plus grande, historiquement. La création du fonds pour les pertes et les préjudices à la COP27 a été le résultat de la présentation d’un front uni par les pays du Sud et du travail persistant de plaidoyer et de campagne d’un large éventail de groupes de la société civile. Beaucoup reste à faire et à préciser avant que les populations les plus touchées puissent avoir accès à une aide financière tangible, mais la décision de la COP27 de créer un fonds transmet un signal politique important et attendu depuis longtemps, en même temps qu’elle témoigne du pouvoir de la constance du travail de plaidoyer.

Plus précisément, les États ont pris les décisions suivantes :

  • créer un fonds pour les pertes et les préjudices dans le cadre de la mise en place de « nouveaux dispositifs de financement », à savoir, divers mécanismes et diverses mesures visant à fournir et à mobiliser des fonds pour tenir compte des pertes et des préjudices dans « les pays en développement particulièrement exposés aux conséquences néfastes du changement climatique ». Point essentiel, la décision précise que ces dispositifs de financement ont pour but de fournir et de mobiliser « des ressources nouvelles et supplémentaires ». Il ne s’agit donc surtout pas d’une simple réattribution de l’aide humanitaire ou de l’aide au développement existantes, ni des financements déjà attribués à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à celui-ci [1]. ;
  • instaurer un « comité de transition » qui émette des recommandations sur la mise en œuvre du fonds et des autres nouveaux dispositifs de financement [2]. Les recommandations du comité seront examinées et adoptées à la COP28. Reconnaissant la nécessité de recueillir le soutien d’un large éventail de sources différentes, y compris parmi les plus innovantes [3], le comité de transition est chargé notamment d’« identifier et d’élargir les sources de financement [4] ». Le comité sera composé de 24 membres : 10 de pays développés et 14 de pays en développement. Malheureusement, il ne comportera aucun représentant de la société civile et la décision ne précise pas si les réunions du comité seront ouvertes aux observateurs/observatrices de la société civile ;
  • inviter le secrétaire général des Nations unies et les institutions financières internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international à étudier la manière dont ils peuvent contribuer aux dispositifs financiers d’indemnisation des victimes de pertes et de préjudices.

À la COP27, les États ont aussi convenu de mettre en œuvre le Réseau de Santiago pour la prise en compte des pertes et préjudices, organisme de conseil technique créé à la COP25, en 2019, pour apporter des conseils et un soutien scientifiques et techniques aux pays qui subissent des pertes et préjudices liés au changement climatique. En particulier :

  • les États ont décidé de la structure du Réseau de Santiago. Il sera composé d’un secrétariat technique, d’un conseil consultatif assurant l’orientation et la surveillance, d’un réseau de membres composé d’organisations, d’organes, de réseaux et de spécialistes couvrant un large éventail de sujets relatifs à la prévention, la réduction et la prise en compte des pertes et préjudices [5] ;
  • en plus des représentant·e·s des États, le conseil consultatif comportera des représentant·e·s des circonscriptions de la CCNUCC [6] : un·e représentant·e de la circonscription Femmes et genre, un·e représentant·e des organisations des peuples autochtones et un·e représentant·e des organisations non gouvernementales consacrées à l’enfance et la jeunesse. Les réunions du conseil consultatif seront ouvertes aux observateurs/observatrices de la société civile [7]. L’inclusion de représentant·e·s de trois groupes essentiels de parties concernées de la société civile est encourageante, mais il est dommage que les États n’aient pas également inclus de représentant·e·s oficiel·le·s des autres circonscriptions officielles et des autres groupes de parties concernées les plus affectés par la crise climatique, comme les personnes handicapées, les agriculteurs et agricultrices, les syndicats et les groupes de défense de l’environnement ;
  • bien que, dans le mandat du Réseau de Santiago, les États n’aient malheureusement pas affirmé explicitement que leur travail serait guidé par les principes relatifs aux droits humains, ils ont déclaré que l’assistance technique apportée par le Réseau de Santiago tiendrait compte « des questions transversales du onzième paragraphe du préambule de l’Accord de Paris » – au nombre desquelles figurent les droits humains [8]. La décision établit également que l’assistance technique fournie par le Réseau de Santiago sera accordée en fonction de la demande et « mise en place à travers une procédure inclusive et impulsée par les pays, en fonction des besoins des populations vulnérables, des peuples autochtones et des populations locales ».

Pendant la COP27, plusieurs pays riches ont annoncé des engagements financiers décrits comme une prise en compte des « pertes et préjudices ». Or, en attendant qu’une analyse complète soit menée, les responsables des campagnes en faveur de la justice climatique ont fait remarquer que le montant global engagé représente une goutte d’eau dans l’océan, compte tenu des besoins. Par ailleurs, la majorité des engagements ne sont ni nouveaux, ni supplémentaires, car ils proviennent de la réaffectation de fonds déjà engagés auparavant sous des appellations différentes [9]. Enfin, la majorité des fonds ont été engagés pour financer soit le Réseau de Santiago, soit le « bouclier mondial », nouvelle initiative pilotée par l’Allemagne et le G7 dont l’objectif principal est de financer des dispositifs d’assurance climatique dans un certain nombre de pays en développement exposés au changement climatique, au lieu de fournir une aide directe aux populations les plus touchées [10].

À l’avenir, Amnesty International demande à toutes les parties à la CCNUCC de veiller à ce que les populations touchées puissent effectivement avoir accès en temps voulu à une aide financière et technique et à des réparations réelles en adoptant les mesures suivantes :

  • concevoir le fonds pour les pertes et les préjudices et autres dispositifs de financement de manière inclusive et transparente, en permettant la participation réelle des populations en première ligne de la crise climatique ;
  • garantir que toutes les ressources canalisées par ce fonds ou fournies et mobilisées par d’autres « dispositifs de financement » soient des subventions nouvelles, supplémentaires, appropriées et fondées sur les besoins auxquelles aient accès les personnes et les populations, notamment autochtones, dont les droits humains ont été bafoués à cause de pertes et de préjudices engendrés par la crise climatique ;
  • veiller à ce que le financement et l’assistance technique accordés pour tenir compte des pertes et préjudices soient tributaires d’évaluations inclusives et participatives des besoins découlant des pertes et préjudices et de réponses prenant en compte les effets adverses du changement climatique sur l’exercice de tous les droits fondamentaux et indemnisant leurs victimes ;
  • faire en sorte que ces évaluations des besoins et leurs réponses soient adaptées à l’échelle locale, tiennent compte des spécificités hommes/femmes et reposent sur la participation réelle des populations touchées.

Amnesty International exhorte également les États riches à :

  • accorder des ressources nouvelles, appropriées et supplémentaires, sous la forme de subventions, pour financer le fonds pour les pertes et les préjudices et permettre le fonctionnement total du Réseau de Santiago ;
  • tenir compte des pertes et des préjudices par d’autres dispositifs de financement qui servent directement les intérêts des populations dont les droits humains ont été bafoués à cause de pertes et de préjudices engendrés par la crise climatique.

Absence de mesures appropriées pour maintenir la hausse de la température mondiale en dessous de 1,5°C

Globalement, à la COP27, les gouvernements n’ont pas été à la hauteur de l’urgence de la riposte à la catastrophe climatique imminente. Alors que la conférence était présentée dès le départ comme la « COP de la mise en œuvre », aucune nouvelle mesure décisive n’a été adoptée pour garantir que le réchauffement climatique ne dépasse pas 1,5 ºC. En particulier, aucun nouveau mécanisme n’a été mis en place pour faire en sorte que les États fixent des objectifs de réduction des émissions plus exigeants et adoptent des mesures adaptées dans tous les secteurs pour atteindre ces objectifs. Ce constat est particulièrement inquiétant compte tenu de la multitude de rapports publiés en amont de la COP27 pour dénoncer l’écart énorme entre les objectifs collectifs des États et la limite de 1,5 ºC, ainsi que l’insuffisance des politiques nationales visant ne serait-ce qu’à atteindre les objectifs insuffisants que les États ont fixés. En somme, les pays ne respectent pas les objectifs les moins ambitieux qu’ils ont fixés.

En particulier, le document final de la COP27 ne reconnaît ni ne remet en cause le principal moteur de la crise climatique : la production et l’utilisation des combustibles fossiles. Les demandes d’un nombre croissant de groupes de la société civile et de gouvernements en faveur d’un accord sur l’obligation d’abandonner absolument tous les combustibles fossiles n’a pas fait le poids face à un puissant lobby des énergies fossiles, à l’opposition catégorique des pays producteurs d’hydrocarbures et à la position ambiguë de certains autres pays. Pour comble, des lobbyistes de l’industrie des énergies fossiles figuraient parmi les membres de plusieurs délégations nationales [11].

Compte tenu des catastrophes climatiques extrêmes survenues cette année et de la liste de plus en plus longue de rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – entre autres entités – détaillant les causes et les conséquences du changement climatique, cette absence de progrès en faveur de l’obligation d’abandonner les énergies fossiles est un renoncement monumental au respect des droits humains. Les gouvernements ont fait fi des droits de toutes les personnes touchées, ainsi que des générations futures.

Amnesty International déplore que la décision politique finale de la COP27 – le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh – reprenne en grande partie le Pacte de Glasgow pour le climat adopté à la COP26, sans apporter de solution aux limites de ce texte. En particulier, dans le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh, la conférence des parties :

  • répète que les conséquences du changement climatique seront bien moindres avec une hausse des températures de 1,5 °C qu’avec une hausse de 2 ° [12] et reconnaît qu’il est nécessaire de réduire les émissions de 43 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019 pour atteindre l’objectif de ne pas dépasser une hausse des températures de 1,5 °C [13]. Toutefois, elle ne s’engage pas à mettre en œuvre cette réduction ni à maintenir la hausse en dessous de 1,5° C, se contenant de « s’engager à poursuivre les efforts » pour y arriver [14] ;
  • prie les États de revoir et de renforcer les objectifs à l’horizon 2030 de leurs contributions déterminées au niveau national (CDN [15]) fin 2023 au plus tard [16]. Cependant, le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh ne leur impose pas de le faire dans le but de maintenir la hausse des températures en dessous de 1,5 °C, mais seulement en vue de répondre à l’objectif de 2 °C fixé par l’Accord de Paris, tout en les invitant à « poursuivre leurs efforts » pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C ;
  • continue d’inviter les États à communiquer et/ou mettre à jour régulièrement leurs stratégies à long terme [17] en fonction des meilleures données scientifiques disponibles, sans toutefois exiger que ces stratégies soient conformes à l’objectif de 1,5 °C [18]. Par ailleurs, le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh fait toujours référence aux stratégies à long terme pour parvenir à « zéro émission nette d’ici au milieu du siècle environ », ce qui laisse une possibilité aux États de repousser l’abandon des énergies fossiles au profit de méthodes non établies, voire dommageables, de captage ou d’absorption du carbone. Il ne reconnaît pas non plus que, pour que la neutralité carbone soit atteinte collectivement d’ici au milieu du siècle environ, il faut que les pays riches [19] atteignent cet objectif avant les autres, afin de ne pas faire peser une charge excessive sur les pays à faible revenu ;
  • ne demande pas aux États d’abandonner tous les combustibles fossiles (pétrole et gaz dit « naturel »), malgré les preuves scientifiques incontestables que cet abandon est nécessaire pour maintenir la hausse de la température en dessous de 1,5 ºC, les obligations des États de protéger les droits humains contre la crise climatique et la multiplication des appels adressés par la société civile et plus de 80 États [20]. Dans le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh, la conférence des parties se contente de répéter l’appel de la COP précédente à « accélérer les efforts pour réduire progressivement la production d’électricité au charbon sans dispositif de réduction des émissions » et « éliminer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles, tout en apportant un soutien ciblé aux plus pauvres et aux plus vulnérables en fonction des circonstances nationales et en reconnaissant le besoin d’aide pour parvenir à une transition qui soit juste [21] » ;
  • emploie des formulations floues qui permettent la poursuite de l’utilisation des subventions au charbon et aux énergies fossiles. Elle se contente de parler d’une réduction progressive, plutôt que d’un abandon, de l’électricité au charbon, et ne fixe pas d’échéance pour l’arrêt total de l’utilisation du charbon. Par ailleurs, en citant la production d’électricité au charbon « sans dispositif de réduction des émissions », elle donne aux États une excuse pour continuer de recourir à cette énergie sur la foi de technologies de captage et de stockage du carbone censées « réduire » les émissions du charbon, mais qui n’ont pas fait leurs preuves et sont néfastes. Le document final permet également aux États de maintenir leurs subventions aux énergies fossiles dès lors qu’elles sont jugées « efficientes ». Les subventions aux énergies fossiles pourraient être maintenues uniquement dans le cadre des programmes fournissant des foyers de cuisson améliorés aux personnes sans accès abordable à l’électricité, qui doivent rester des mesures provisoires. Par ailleurs, le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh ne prévoit aucune mesure d’obligation de rendre des comptes pour garantir que les États mettent en œuvre cet engagement, pourtant dérisoire, à réduire progressivement la production d’électricité au charbon sans dispositif de réduction des émissions et les subventions aux énergies fossiles non efficientes.

À la COP26, les États avaient créé un mécanisme pour intensifier les mesures de réduction du changement climatique, appelé « programme de travail visant à renforcer l’ambition et la mise en œuvre des mesures d’atténuation ». Or, à la COP27, les gouvernements n’ont adopté aucun mécanisme solide de reddition de comptes obligeant les États à renforcer leurs objectifs de réduction des émissions et à adopter des mesures pour les atteindre. En particulier, ils ont décidé d’adopter une approche « non prescriptive » et « non punitive » et de « ne pas imposer de nouveaux buts ou objectifs », s’abstenant ainsi de s’obliger à présenter des promesses de réduction des émissions plus ambitieuses après le cycle quinquennal normal des CDN prévu par l’Accord de Paris. Qui plus est, ils n’ont aucunement demandé que les émissions mondiales fléchissent le plus vite possible, en 2025 au plus tard, alors que le GIEC a déclaré qu’une telle inflexion est nécessaire pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5 ºC [22].

Ces limites sont particulièrement préoccupantes, étant donné qu’au 6 décembre 2022, seuls 29 pays avaient réagi à la décision de la COP26 priant tous les gouvernements de revoir et de renforcer les objectifs à l’horizon 2030 de leurs CDN fin 2022 au plus tard [23]. En outre, aucun des pays riches et industrialisés et des autres gros émetteurs du G20 qui ont mis à jour leur CDN n’ont adapté leurs objectifs pour les rendre conformes à l’obligation de maintenir la hausse de la température inférieure à 1,5 ºC [24]. Le programme de travail sur l’atténuation devrait comporter des mécanismes concrets et efficaces pour garantir la mise en œuvre des engagements pris aux COP et à l’échelon national.

Bien que le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh ne comporte pas d’engagement en faveur de l’abandon des combustibles fossiles, il fait une nouvelle référence explicite à l’énergie renouvelable et reconnaît que « la crise énergétique mondiale sans précédent souligne l’urgence de la transformation des systèmes énergétiques, qui doit les rendre rapidement plus sûrs, plus fiables et plus résilients, notamment en accélérant les transitions propres et justes vers des énergies renouvelables pendant ces dix années d’action cruciales [25] ». Autre point positif, la décision souligne « le besoin urgent de réductions immédiates, radicales, rapides et durables des émissions mondiales de gaz à effet de serre par les parties dans tous les secteurs concernés [26] ».

Néanmoins, le fait que plusieurs documents finaux contiennent toujours des failles et des mesures explicites susceptibles de laisser libre cours à de fausses solutions pouvant même aggraver la crise climatique est extrêmement préoccupant. En particulier :

  • la juxtaposition des termes « énergie à faible émission » et « énergie renouvelable [27] » est un problème, car le terme « énergie à faible émission » n’est pas défini et pourrait être utilisé pour justifier la mise en valeur d’énergies fossiles, comme le gaz dit « naturel », que de nombreux États veulent promouvoir comme énergie de transition malgré les indications claires de l’Agence internationale de l’énergie, selon lesquelles la mise en valeur de combustibles fossiles est incompatible avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 [28] ;
  • l’activité 5 du plan de travail du Forum sur l’impact des mesures de riposte mises en œuvre [29] comporte plusieurs références à des technologies qui permettraient de poursuivre l’exploitation du pétrole et du gaz, comme le captage, l’utilisation et le stockage du dioxyde de carbone (CUSC). Les technologies de CUSC consistent à recueillir le dioxyde de carbone produit par la combustion des ressources fossiles et à le transporter vers d’autres sites, où il est utilisé dans des processus industriels ou séquestré dans le sol. Les sites de stockage se trouvent généralement sur le territoire de populations à bas revenu, le transport du dioxyde de carbone comporte des risques importants pour la santé et la sécurité, et l’utilisation de technologies de CUSC prolonge notre dépendance aux énergies fossiles [30] . L’activité mentionne l’élimination des obstacles et le renforcement de l’aide des pouvoirs publics pour que les technologies de CUSC favorisent l’innovation, ainsi que l’intensification de leur déploiement [31]. Ces mesures sont particulièrement inquiétantes en l’absence d’appel à abandonner le recours au pétrole et au gaz ;
  • l’issue des négociations sur la mise en œuvre des marchés internationaux du carbone en application de l’article 6 de l’Accord de Paris est préoccupante à bien des égards. La décision donne aux États la possibilité de décider de ne pas divulguer les détails de leurs échanges de carbone, notamment le type et la quantité des compensations opérées, sans même devoir justifier le bien-fondé de cette confidentialité [32]. Par ailleurs, il est certes positif que la recommandation initiale adoptée par l’organe de supervision au sujet de la définition de l’élimination du carbone ait été rejetée [33], mais le fait que les États l’aient prié d’élaborer de nouvelles recommandations pour la COP28 sur le même sujet sans lui demander de tenir compte des droits humains, notamment des droits des peuples autochtones, du droit international ou des meilleures données scientifiques disponibles est problématique [34].

De manière plus positive, Amnesty International salue les nombreuses références à une transition juste que contient le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh, en particulier la reconnaissance du fait que « des solutions durables et justes à la crise climatique doivent reposer sur un dialogue social et une participation de toutes les parties intéressées qui soient réels et efficaces » et qu’une transition juste et équitable inclut une protection sociale [35]. La création d’un programme de travail consacré à une transition juste [36] est également une avancée appréciable, qui doit déboucher sur une transition rapide et conforme aux droits humains vers des économies décarbonées.

À l’avenir, Amnesty International encourage toutes les parties à la CCNUCC à :

  • veiller à ce que le programme de travail visant à renforcer l’ambition et la mise en œuvre des mesures d’atténuation et autres décisions pertinentes de la COP27 aboutissent à des mesures qui réduisent efficacement l’écart entre les émissions et la mise en œuvre des mesures, afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 ºC ;
  • revoir leurs objectifs de réduction des émissions à l’horizon 2030 afin de garantir qu’ils répondent pleinement à l’impératif de ne pas dépasser 1,5 ºC, ainsi qu’adopter et mettre en œuvre des politiques sectorielles adaptées.
    • Les pays riches et industrialisés doivent aussi décarboner leurs économies plus vite que les autres, notamment en adoptant des objectifs ambitieux de réduction de leurs émissions qui tiennent compte de leur responsabilité historique dans la crise climatique et du niveau plus élevé de leurs revenus. Ces objectifs doivent leur permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % bien avant 2030 et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2030 ou dès que possible après cette date ;
  • abandonner rapidement la production et l’utilisation de tous les combustibles fossiles – charbon, pétrole et gaz – et toutes les subventions aux énergies fossiles, en évitant le recours aux marchés du carbone et aux mécanismes d’élimination du dioxyde de carbone.
    • Les pays riches et industrialisés doivent abandonner les énergies fossiles plus rapidement et fournir aux pays en développement un financement adéquat de l’action pour le climat afin de parvenir à l’abandon des combustibles fossiles de manière contrôlée et équitable, sans nuire aux droits humains ;
  • instaurer des mécanismes concrets pour garantir que les activités des marchés du carbone pour la réduction des émissions n’enfreignent pas les droits humains des personnes concernées, ainsi qu’une procédure accessible, transparente et totalement indépendante de règlement des griefs, avant d’autoriser toute activité, qu’elle dépende des marchés ou non ;
  • adopter des mesures visant à garantir que seules soient autorisées sur les marchés les activités permettant des réductions rapides et véritables des émissions et ne faisant pas appel à des technologies d’élimination du dioxyde carbone qui n’aient pas fait leurs preuves et soient potentiellement dommageables ;
  • garantir que le programme de travail en faveur d’une transition juste adopté à la COP27 et les plans nationaux pour une transition juste facilitent une transition rapide et conforme aux droits humains vers des économies décarbonées, y compris l’accès à une énergie propre, fiable et bon marché produite dans le respect des droits humains de tous et toutes ;
  • faire en sorte que le programme de travail se traduise par des mesures efficaces de protection des travailleurs/travailleuses et des populations, notamment en se centrant sur les droits humains, y compris les droits du travail, en privilégiant la création d’emplois décents dans les communautés et les zones affectées, au moyen d’investissements suffisants, de reconversions, de formations et d’autres formes d’assistance aux demandeurs et demandeuses d’emploi, ainsi qu’en veillant à ce que les mesures de protection sociale soient suffisamment vastes et solides pour atténuer les répercussions négatives sur les populations locales.

Des engagements insuffisants au titre du financement climatique de l’atténuation et de l’adaptation

Amnesty International regrette qu’une fois encore, les pays riches n’aient pas pris de décisions conformes aux obligations qui sont les leurs au titre de l’Accord de Paris et de la législation en matière de droits humains d’apporter aux pays plus pauvres un soutien financier et technique suffisant pour qu’ils réduisent leurs propres émissions de carbone et s’adaptent face aux impacts du changement climatique.

En particulier, dans le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh adopté à la COP27, la Conférence des parties :

  • n’oblige pas les pays à préparer une feuille de route pour atteindre et dépasser l’objectif fixé à la COP26 jusqu’à doubler, au moins, le financement des mesures d’adaptation entre 2019 et 2025. Dans sa décision, la COP27 se contente de demander au Comité permanent du financement de la CCNUCC de préparer un rapport sur le doublement du financement de l’adaptation [37] ;
  • souligne que les besoins des pays en développement pour concrétiser leurs CDN sont actuellement estimés à 5,8-5,9 milliards de dollars des États-Unis pour la période s’achevant en 2030 et « note avec inquiétude » l’écart croissant entre les besoins des pays en développement, compte tenu en particulier de l’intensification des retombées du changement climatique et de l’augmentation de leur endettement, et le soutien apporté [38] ;
  • « exprime de graves inquiétudes » suscitées par le fait que l’objectif des pays développés de mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an entre 2020 et 2025 n’a pas encore été atteint et « exhorte » les pays développés à atteindre cet objectif [39]. Néanmoins, la décision ne précise aucun calendrier pour y parvenir. Il est aussi particulièrement préoccupant que les États riches se soient opposés à la demande que leur ont adressée les pays en développement de s’engager à combler le déficit existant et à fournir le montant cumulé de 600 milliards de dollars pour la période 2020-2025 [40] ;
  • ne prévoit pas d’engagement clair des pays riches à fournir aux pays à faibles revenus un financement climatique principalement sous forme de subventions, et non de prêts, bien qu’elle note qu’un « renforcement des subventions publiques accordées aux régions vulnérables, en particulier à l’Afrique subsaharienne, au titre de l’atténuation et de l’adaptation offrirait un rendement élevé, en particulier sur le plan social car il améliorerait fortement l’accès à l’énergie pour répondre aux besoins de base. Or, les prêts ont pour effet un alourdissement insurmontable de la dette des pays pauvres – qui sont les moins bien armés pour affronter la crise climatique.

Les négociations autour de l’adoption d’un nouvel objectif annuel collectif et quantifié plus exigeant pour le financement climatique international à partir de 2025 n’ont donné aucun résultat significatif, mais seulement des décisions de procédure, remettant les débats importants à l’an prochain.

Fait intéressant, le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh adopté à la COP27 comporte un appel dirigé aux États qui agissent en tant qu’actionnaires des banques multilatérales de développement et des institutions financières internationales à réformer les pratiques et les priorités des banques multilatérales de développement afin de mobiliser plus de fonds pour l’action climatique, d’aligner les flux financiers sur les objectifs de l’Accord de Paris et de faciliter l’accès au financement. Il incite également les banques multilatérales de développement à déployer une vaste gamme d’instruments, « allant des subventions aux garanties et aux instruments non créateurs d’endettement, en tenant compte du niveau d’endettement [41] ». La décision a également lancé un processus de dialogue officiel sur l’article 2.1c de l’Accord de Paris, qui fait référence au fait de « [rendre] les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques [42] ».

À l’avenir, Amnesty International encourage toutes les parties à la CCNUCC à :

  • convenir de principes clairs et conformes aux droits humains pour guider l’adoption, en 2024 au plus tard, d’un nouvel objectif quantifié annuel plus élevé pour le financement international de l’action pour le climat à partir de 2025. À la COP28, les États devront également adopter une décision qui précise que le nouvel objectif concernera non seulement les mesures d’atténuation et d’adaptation, mais aussi les pertes et les préjudices ;
  • instaurer, dans le cadre de la réforme prévue des pratiques et des priorités des banques multilatérales de développement et du processus de dialogue sur l’article 2.1c de l’Accord de Paris, des mécanismes clairs d’obligation de rendre des comptes pour garantir que les institutions financières cessent tout financement ou investissement accordé à de nouveaux projets, de nouvelles activités et de nouvelles industries qui entraînent l’expansion des énergies fossiles, et abandonnent le financement et les investissements existants en faveur des énergies fossiles dans un délai compatible avec la nécessité que le réchauffement ne dépasse pas 1,5 °C. Les processus de réforme doivent aussi permettre la mobilisation de financements climatiques supplémentaires à base de subventions, au profit de l’atténuation, de l’adaptation et de la prise en compte des pertes et des préjudices.

Par ailleurs, Amnesty International exhorte les États riches à :

  • présenter un plan clair pour mettre en œuvre et dépasser l’objectif fixé à la COP26 jusqu’à doubler, au moins, le financement des mesures d’adaptation entre 2019 et 2025, en sachant que ce doublement du niveau du financement de l’adaptation de 2019 serait néanmoins insuffisant pour permettre aux pays en développement d’aider suffisamment la population à s’adapter au changement climatique.
    • Il revient à chaque pays riche de compléter ce plan par des engagements financiers concrets en faveur des mesures d’adaptation ;
  • consacrer des financements nouveaux et supplémentaires de l’action pour le climat aux pays moins riches pour qu’ils mettent en œuvre des mesures d’atténuation et d’adaptation conformes aux droits humains, afin d’atteindre l’objectif annuel de 100 milliards de dollars cette année et de fournir le montant cumulé de 600 milliards de dollars pour la période 2020-2025 afin de compenser les écarts des années antérieures ;
  • prendre l’engagement clair à la COP28 de fournir aux pays à bas revenu des financements de l’action pour le climat essentiellement sous la forme de subventions, et non de crédits, afin de garantir que le financement climatique ne les contraigne pas à augmenter leur endettement à un niveau insoutenable pour leur budget.

Intégration du droit à un environnement sain mais mesures limitées pour garantir l’inclusion et la participation des groupes les plus touchés à la prise de décisions relatives au climat

Amnesty International salue le fait que le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh reprenne non seulement le paragraphe de l’Accord de Paris relatif aux obligations des États de respecter, protéger et promouvoir les droits humains dans le cadre de l’action climatique, mais l’étoffe par ailleurs en lui ajoutant le droit à un environnement propre sain et durable [43]. Déjà reconnu par de nombreux États dans leur Constitution et leur législation, ainsi que dans des instruments régionaux relatifs aux droits humains, ce droit a été reconnu par l’Assemblée générale des Nations unies en juillet 2022 et auparavant par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies en octobre 2021 [44]. Pour la première fois, un processus de négociation centré sur l’environnement a évoqué ce droit, renforçant la cohérence entre les politiques relatives à l’environnement et celles relatives aux droits humains et promouvant des approches des politiques environnementales qui soient conformes aux droits humains. L’intégration de ce droit dans la version finale de la décision, après sa suppression d’une version antérieure, est également le résultat de la pression constante exercée par un groupe de diverses organisations de la société civile et populations autochtones.

Amnesty International salue également le fait qu’à la COP27, pour la première fois, les États aient reconnu les enfants, et non simplement les jeunes, comme des agents du changement jouant un rôle moteur dans la prise en compte du changement climatique et la riposte contre celui-ci. En particulier, en reconnaissant l’importance de l’équité entre les générations et du maintien de la stabilité du système climatique pour les générations futures, le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh encourage les États à inclure les enfants et les jeunes dans leurs processus de conception et de mise en œuvre de la politique et de l’action climatiques, ainsi qu’à envisager d’inclure de jeunes représentant·e·s et négociateurs/négociatrices dans leurs délégations nationales [45].

À la COP27, les États ont aussi adopté un plan d’action quadriennal [46] qui comporte un ensemble d’activités aux échelons national et international afin de mettre en œuvre le Programme de travail de Glasgow sur l’action pour l’autonomisation climatique (AAC), destiné à renforcer l’éducation, la formation, la sensibilisation à l’opinion publique, la participation du public, son accès à l’information et la coopération internationale en matière de lutte contre le changement climatique. Malheureusement, le plan d’action ne comporte pas d’activités destinées explicitement à respecter les droits à l’accès à l’information, à la participation aux affaires publiques, aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique, ainsi que le droit des peuples autochtones de donner leur consentement préalable, libre et éclairé. Il ne reconnaît pas non plus le rôle des défenseur·e·s de l’environnement dans la promotion d’une action pour le climat efficace et ambitieuse et ne comporte pas d’activités visant à les protéger conformément à la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme. Néanmoins, le plan d’action comporte des avancées :

  • une reconnaissance du fait que les actions doivent être mises en œuvre de manière inclusive, en tenant compte de considérations liées aux générations et au genre ;
  • une activité ayant pour but d’identifier les bonnes pratiques pour intégrer les considérations relatives aux droits humains comprises dans le préambule de l’Accord de Paris dans les politiques, les plans, les stratégies et l’action d’envergure nationale contre le changement climatique ;
  • des activités qui favorisent l’éducation et le renforcement des capacités des jeunes en matière de prise de décisions relatives au changement climatique aux échelons national et international, ainsi que la participation des jeunes aux forums internationaux ;
  • le recensement et la compilation des directives et des bonnes pratiques existantes en ce qui concerne l’éducation des enfants et l’autonomisation en matière d’action climatique, « en accordant une attention particulière à l’égalité entre les genres et à l’inclusion des personnes en situation de handicap ».

Amnesty International est toutefois préoccupée par le fait que le plan de mise en œuvre de Charm el Cheikh contient moins de références au rôle et aux droits des populations autochtones que la décision de la COP26. En particulier, alors qu’il reconnaît, comme l’année précédente, le rôle important des peuples autochtones, avec les populations locales, les villes et la société civile, notamment les jeunes et les enfants, dans la prise en compte du changement climatique et la riposte à celui-ci, il ne réaffirme pas la reconnaissance spécifique, qui figurait dans la décision de la COP26, du fait que « la culture et le savoir des peuples autochtones et des populations locales contribuent grandement à l’efficacité de la lutte contre les changements climatiques [47] ». Fait inquiétant, l’appel aux États à « faire activement participer les peuples autochtones et les populations locales à la conception et à l’exécution des mesures en faveur du climat » qui figurait dans la décision politique de la COP26 n’a pas non plus été repris. La formulation de la COP26 n’était déjà pas à la hauteur des normes internationales car elle ne rappelait pas l’obligation des États et la responsabilité des entreprises de respecter le droit des peuples autochtones au consentement préalable, libre et éclairé. Le fait que même cette formulation imprécise et limitée n’ait pas été reprise dans la décision de la COP27 est préoccupant. De même, le plan d’action en faveur de l’AAC ne comporte qu’un seul résultat attendu relatif aux peuples autochtones et se limite à organiser une séance « pour débattre des moyens de renforcer la compréhension du rôle des enfants et des jeunes ainsi que des peuples autochtones dans l’accélération de l’exécution de l’AAC et la promotion du partage intergénérationnel de connaissances dans le contexte de leur travail ».

À l’avenir, Amnesty International encourage toutes les parties à la CCNUCC à :

  • placer les personnes et leurs droits humains, y compris les droits du travail et les droits des peuples autochtones, au centre des négociations et des décisions de la CCNUCC. Toutes les décisions doivent mentionner la législation, les principes et les normes pertinents en matière de droits humains et garantir la promotion, le respect, la protection et l’application des droits humains ;
  • veiller à ce que les références aux droits humains figurant dans les décisions de la COP27 et des COP précédentes se traduisent par des mesures efficaces garantissant le respect, la protection et la mise en œuvre des droits fondamentaux dans le cadre de l’action climatique, notamment par des mesures ambitieuses de limitation du réchauffement climatique et la mise à disposition par les pays riches d’un financement approprié pour aider les pays en développement à réduire les émissions, s’adapter au changement climatique et prendre en compte les pertes et les préjudices ;
  • inclure des spécialistes des droits humains et des questions liées au genre et aux peuples autochtones dans toutes les délégations des parties présentes aux réunions de la CCNUCC et les consulter à part entière ;
  • faciliter la participation réelle et l’accès complet et équitable aux réunions de la CCNUCC des représentant·e·s des peuples autochtones, des enfants, des jeunes et des organisations de la société civile, y compris de groupes de défense des droits humains et de la justice sociale.

Surveillance et harcèlement d’observateurs/observatrices et restrictions des manifestations pacifiques pendant la COP27

La COP27 s’est tenue en pleine crise des droits humains en Égypte, où les autorités ont réprimé sévèrement les droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al Sissi [48]. Elles ont fermé l’espace civique dans le pays et ont érigé en infraction toute forme de dissidence pacifique. Des milliers de personnes sont maintenues en détention arbitraire dans des conditions cruelles et inhumaines, à l’issue de procès d’une iniquité flagrante ou pour le seul fait d’avoir exercé leurs droits humains. Les autorités ne font rien pour protéger les femmes, les filles et les personnes LGBTI contre la discrimination, les violences sexuelles et les violences liées au genre. Les manifestations sur la voie publique ont été éradiquées par un arsenal de mesures répressives.

Le premier jour de la COP27, le militant britannico-égyptien Alaa Abdel Fattah a durci sa grève de la faim, commencée en avril 2022, en refusant désormais de boire, afin de protester contre son emprisonnement injuste et contre le refus de lui accorder des visites consulaires. Les autorités égyptiennes l’ont maintenu en détention au secret pendant deux semaines, lui interdisant toute visite et toute correspondance écrite. Les forces de sécurité ont empêché son avocat de lui rendre visite à trois reprises entre le 10 et le 14 novembre, faisant fi des autorisations délivrées par le parquet. Au cours de cette période, il a tenté de s’automutiler, a été immobilisé par les agents des forces de sécurité et a été alimenté de force par voie intraveineuse [49]. Malgré une multitude d’appels en faveur de sa libération sans condition, il est toujours maintenu en détention arbitraire avec l’avocat défenseur des droits humains Mohamed Baker, qui a également été arrêté en septembre 2019.

Avant la COP27, les autorités égyptiennes ont exclu tous les groupes indépendants de défense des droits humains de leur procédure permettant d’accorder une accréditation à la COP27 aux organisations de la société civile égyptienne qui n’avaient pu l’obtenir auprès de la CCNUCC. En amont de la COP27 et pendant celle-ci, les forces de sécurité égyptiennes ont arrêté des centaines de personnes en lien avec des appels à manifester pendant la COP27. La plupart d’entre elles sont toujours maintenues en détention arbitraire, en attendant que des enquêtes soient menées sur les charges liées au terrorisme, dénuées de fondement.

Les autorités ont aussi cherché à intimider et à discréditer les militant·e·s égyptien·ne·s dans les espaces réservés aux Nations unies pour la COP27. Des défenseur·e·s des droits humains participant à la COP27 ont signalé avoir été suivis par des agents des forces de sécurité égyptiennes à l’intérieur de la Zone bleue. L’ambassade d’Allemagne au Caire a fait part de ses préoccupations au sujet d’agents des forces de sécurité égyptiennes qui surveillaient et filmaient les événements au pavillon allemand. Au moins deux membres du Parlement européen ont été stoppés à l’aéroport du Caire et interrogés sur leurs badges réclamant la libération des prisonniers détenus pour des raisons politiques en Égypte. Au moins un défenseur des droits humains dont la participation à la COP27 était programmée s’est vu refuser l’entrée dans le pays [50]. Des rapporteurs spéciaux et rapporteuses spéciales des Nations unies ont fait part d’inquiétudes similaires au sujet d’actes d’intimidation et de harcèlement à l’égard de la société civile. Ils ont noté avoir reçu « de multiples signalement et preuves que des acteurs de la société civile, notamment des membres de peuples autochtones, étaient stoppés et interrogés par les agents des forces de sécurité égyptiennes, et que du personnel local d’appui et de sécurité avait surveillé et photographié de manière répétée des acteurs de la société civile dans l’enceinte de la COP27 [51] ».

Les autorités égyptiennes ont désigné une petite zone éloignée pour les manifestations hors de l’enceinte de la COP, que les acteurs de la société civile ont refusé d’accepter car elle ne respectait pas les critères requis pour l’exercice de leur droit à la liberté de réunion pacifique. Associée à la criminalisation, dans les faits, du droit à la liberté de réunion pacifique par le gouvernement depuis 2013, cette décision signifiait que les actes de manifestation pacifique en dehors de l’enceinte de la COP27 n’étaient pas possibles, y compris la marche traditionnelle pour le climat qui a lieu habituellement le premier samedi de chaque COP dans les rues de la ville d’accueil et qui réunit les participants de la conférence avec les mouvements locaux pour le climat. En raison de ces conditions répressives, les rassemblements de la société civile n’ont pu avoir lieu qu’à l’intérieur de l’enceinte de la COP27.

Alors que les militant·e·s pour la justice climatique et pour les droits humains ont refusé d’être réduits au silence et ont utilisé les espaces gérés par les Nations unies dans la Zone bleue pour exercer leur liberté d’expression et de manifestation pacifique, les restrictions pesant sur l’espace civique en Égypte ainsi que le harcèlement et l’intimidation des participant·e·s de la société civile à la COP27 par les agents égyptiens ont limité considérablement la capacité de mobilisation des militant·e·s et leur possibilité de faire entendre leur voix en faveur d’une action pour le climat plus ambitieuse et conforme aux droits humains.

Les représentant·e·s de la société civile et des peuples autochtones pourraient se heurter à des obstacles semblables à la COP28, qui se tiendra aux Émirats arabes unis en décembre 2023. Le gouvernement émirien ne respecte pas le droit à la liberté d’expression ou de réunion pacifique ; il réprime les dissident·e·s dans le pays depuis 2012. Par exemple, les autorités émiriennes maintiennent toujours en prison au moins 26 personnes parce qu’elles ont critiqué pacifiquement le gouvernement. Le nouveau Code pénal émirien, entré en vigueur en 2022, fait de la critique pacifique du gouvernement une infraction passible d’emprisonnement [52]

À l’avenir, Amnesty International invite le président égyptien de la COP27 et les autres autorités égyptiennes à :

  • libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes maintenues en détention arbitraire au seul motif d’avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux ou parce qu’elles subissent une forme de discrimination liée notamment à leur religion, leur identité de genre ou leur orientation sexuelle ;
  • éviter tout acte de représailles à l’égard des défenseur·e·s des droits humains égyptiens ayant participé à la COP27 ou ayant saisi l’occasion de la conférence pour exiger des réformes réelles et efficaces des droits humains en Égypte ;
  • garantir un environnement sûr et favorable pour les organisations de défense des droits humains, notamment par la modification de la loi no 149 de 2019 sur les ONG afin de la rendre conforme au droit international relatif aux droits humains et aux normes en la matière, à propos du droit à la liberté d’association ;
  • lever la censure des médias indépendants et des sites web consacrés notamment aux droits humains en mettant un terme aux blocages arbitraires qui empêchent d’y accéder.

Amnesty International engage en outre les Émirats arabes unis, en tant que pays assumant la prochaine présidence de la COP28, à prendre les mesures suivantes :

  • libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes maintenues en détention arbitraire au seul motif d’avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux ou parce qu’elles subissent une forme de discrimination ;
  • veiller à fournir en temps voulu des visas à tous/toutes les participant·e·s, en particulier aux personnes des pays du Sud qui ont besoin de visas à l’avance pour entrer sur le territoire émirien ;
  • faciliter l’organisation d’événements parallèles par les organisations de la société civile et les peuples autochtones avant et pendant la COP28, tant dans son enceinte qu’à l’extérieur ;
  • garantir que toutes les personnes puissent s’exprimer librement et manifester pacifiquement avant, pendant et après la COP28, dans son enceinte et à l’extérieur.

Amnesty International demande au secrétariat de la CCNUCC de prendre les mesures suivantes :

  • mener une enquête dans les plus brefs délais sur les cas de surveillance et de harcèlement de militant·e·s écologistes et de défenseur·e·s des droits humains dans l’enceinte de la COP27 et rendre ses conclusions publiques sans attendre ;
  • instaurer des procédures claires et transparentes pour assurer l’accréditation des organisations nationales de la société civile par les pays d’accueil de la COP ;
  • élaborer des principes et des critères clairs applicables aux pays d’accueil en matière de droits humains, qui doivent être pris en compte lors de la sélection de la présidence des COP.
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