Ces mesures doivent comprendre la mise en œuvre de toute urgence d’un abandon progressif des combustibles fossiles et un financement climatique fondé sur les droits humains, ces deux mesures étant cruciales pour garantir le droit à l’eau dans la région MENA.
« Bon nombre de pays de la région MENA sont confrontés à des crises, notamment une dette colossale, des destructions et des dommages provoqués par les conflits, qui sont exacerbées par le manque d’eau dû à la crise climatique dans une région où l’eau est déjà très rare », a déclaré Kristine Beckerle, conseillère d’Amnesty International sur les droits économiques, sociaux et culturels au bureau régional du Moyen-Orient et Afrique du Nord.
« Jusqu’ici, la réponse des gouvernements de la région MENA pour garantir le droit à l’eau a été totalement inadéquate. »
Le respect ou non du droit à l’eau des populations ne dépend pas seulement de la quantité d’eau, mais aussi de la façon dont les gouvernements gèrent, distribuent et protègent l’eau disponible. Dans ce contexte de crise climatique, les gouvernements de la région MENA doivent intensifier leurs efforts pour protéger et garantir un approvisionnement en eau suffisant, y compris en s’assurant que les groupes défavorisés et marginalisés qui seront touchés de manière disproportionnée par cette crise, tels que les communautés rurales, les personnes qui pratiquent une agriculture de subsistance, les pêcheurs et les travailleurs et travailleuses migrants, puissent véritablement participer à la planification, aux propositions et au suivi en la matière.
Les spécialistes des droits humains ont à plusieurs reprises établi que la négligence, la mauvaise gestion, la discrimination et les attaques des points d’eau nuisent au droit à l’eau des populations de la région. Cependant, il faut aussi admettre que la capacité à faire face au défi commun de la crise climatique varie grandement entre les pays de la région MENA. Certains sont confrontés à de graves difficultés financières et économiques tandis que d’autres, comme le pays hôte de la COP28, enregistrent des revenus par habitant parmi les plus élevés au monde. Ainsi, le Yémen est l’un des pays les moins développés de la planète alors que ses voisins, comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar, tirent des profits énormes de leurs entreprises nationales de l’industrie des combustibles fossiles. Ces entreprises aggravent déjà la crise climatique de par leur vaste production d’énergies fossiles, mais elles prévoient pourtant d’accroître encore davantage cette production, allant ainsi à contre-courant des mesures qui s’imposent pour faire face à la crise climatique.
Ce décalage, de même que le triste bilan de ces pays en matière de droits humains, offre une sombre perspective pour la capacité des générations actuelles et futures à jouir de leur droit à l’eau dans la région MENA.
« Les gouvernements présents à la COP28, deuxième Conférence d’affilée organisée dans un pays de la région MENA, ont une occasion de prendre des mesures vitales pour aider à garantir le droit à l’eau dans cette région, aujourd’hui et dans le futur »
Les États du Golfe qui tirent des revenus élevés de l’exploitation des combustibles fossiles ne sont pas les seuls à échouer sur ce front. Aux quatre coins du globe, les gouvernements, et en particulier dans les pays industrialisés qui, historiquement, sont les plus responsables des émissions, ne prennent pas les mesures adéquates pour protéger l’humanité contre l’accélération du changement climatique et ses effets dévastateurs, notamment en refusant d’abandonner progressivement l’intégralité des énergies fossiles et des subventions dans ce domaine.
« Les gouvernements présents à la COP28, deuxième Conférence d’affilée organisée dans un pays de la région MENA, ont une occasion de prendre des mesures vitales pour aider à garantir le droit à l’eau dans cette région, aujourd’hui et dans le futur. Ils doivent écouter l’appel des militants et militantes et des groupes de la société civile et associer l’abandon progressif des énergies fossiles de manière totale, rapide, équitable et dotée de financements, avec une approche du financement climatique fondée sur les droits humains, notamment en accroissant et en améliorant les fonds offerts pour aider les pays à revenu faible et moyen à s’adapter au changement climatique », a déclaré Kristine Beckerle.
« Les populations de la région MENA font déjà face aux répercussions sur les droits humains des sécheresses, des canicules et du manque d’eau exacerbé. La COP28 ne doit pas se transformer en plateforme à fausses promesses où les gouvernements peuvent prétendre prendre des mesures, sans rien faire dans la réalité. »
Amnesty International appelle également les gouvernements à respecter et protéger le droit à l’eau de toute personne sur leurs territoires, y compris en empêchant et en condamnant les attaques visant les ressources en eau, et à garantir un accès équitable à une quantité suffisante d’eau potable.
Complément d’information
Même en cas de crise, les gouvernements ont l’obligation de faire respecter le droit à l’eau. En outre, les législations et normes internationales relatives aux droits humains donnent aux gouvernements de la région MENA des indications importantes sur les points à prioriser dans les politiques et les pratiques relatives à l’eau, afin de garantir qu’ils puissent protéger le droit à l’eau pour les générations actuelles et futures, en particulier dans le contexte de la crise climatique.
La crise climatique exacerbe fortement le manque d’eau dans la région MENA. Les études sur l’attribution du changement climatique concluent que l’occurrence et/ou la gravité croissante des récentes vagues de chaleur et des sécheresses répétées, année après année, dans la région MENA étaient plus probables en raison du changement climatique provoqué par les activités humaines.
Les niveaux d’assèchement des points d’eau au MENA devraient augmenter en raison des niveaux plus élevés de réchauffement climatique à travers le monde, selon les études menées par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Si la température s’élève de plus de 1,5 °C, la Méditerranée, qui inclut des portions de la région MENA, devrait devenir « une zone particulièrement sujette à une sécheresse accrue » et être témoin de « l’expansion des sols et de la végétation désertiques […] provoquant des changements sans précédent au cours des 10 000 dernières années », selon le GIEC.