Communiqué de presse

Corée du Sud. La liberté d’expression est la cible d’attaques motivées par des considérations politiques

En Corée du Sud, on assiste à une hausse très nette de la fréquence à laquelle les autorités utilisent les lois relatives à la sécurité nationale dans le but politique de bâillonner le débat, a déclaré Amnesty International.

Dans son nouveau rapport, l’organisation assure que le nombre de personnes interrogées parce qu’elles étaient soupçonnées d’avoir enfreint la Loi relative à la sécurité nationale a augmenté de 95,6 % au cours des quatre dernières années – de 2008 à 2011.

D’après les chiffres publiés par le bureau du procureur national, les nouvelles affaires de ce type sont passées de 46 en 2008 à 90 en 2011. La majorité des accusations portaient sur la mise en ligne de contenus pro nord-coréens. En 2009, 18 sites Internet ont été fermés pour ce motif, chiffre qui est passé à 178 en octobre 2011.

Le rapport met en lumière le fait que les autorités s’appuient fréquemment sur la Loi relative à la sécurité nationale pour empiéter sur un nombre toujours croissant de facettes de la vie publique et privée, sans aucune justification.

Des dispositions formulées en termes vagues leur permettent de prendre pour cibles de manière arbitraire des personnes et des organisations considérées comme opposées à la ligne de conduite officielle du gouvernement, s’agissant notamment de sa position sur la Corée du Nord.

Les personnes qui utilisent les médias sociaux comme plateforme de discussion sur des questions comme la Corée du Nord risquent de plus en plus de faire l’objet d’enquêtes et d’actions judiciaires.

« La Loi relative à la sécurité nationale sert d’écran de fumée pour traquer les détracteurs du gouvernement, ce qui a des conséquences graves pour les personnes visées, a expliqué Rajiv Narayan, chercheur sur l’Asie de l’Est à Amnesty International.

« Personne ne nie le droit de la Corée du Sud à garantir la sécurité de ses citoyens. Mais ce n’est pas le but recherché avec l’élargissement de l’application arbitraire de ce texte de loi. Ces abus doivent cesser. »

Amnesty International a écrit à tous les candidats à l’élection présidentielle imminente, pour qu’ils s’engagent à abroger cette loi ou à la réformer de manière radicale, dans le respect des normes internationales.

Les Nations unies demandent à la Corée du Sud de la réformer depuis 1992.

Depuis des décennies, les autorités s’en servent de manière arbitraire contre ceux qu’elles considèrent comme des sympathisants de la Corée du Nord.

Pourtant, le rapport d’Amnesty International aborde la tendance qui se dessine actuellement, à savoir le recours accru à la Loi relative à la sécurité nationale contre des personnes ou des groupes qu’il est difficile de décrire comme ayant une position favorable à la Corée du Nord.

Cette évolution vise à restreindre l’espace du débat public et met en péril la liberté d’expression et la liberté d’association dans le pays.

Cette loi a récemment été invoquée pour limiter le débat politique et intellectuel et endiguer toute critique des investigations officielles.

De telles atteintes aux droits humains imputables aux services de police et de sécurité sont rendues possibles par le manque de clarté de certaines clauses. L’article 7 est le plus controversé : il prévoit jusqu’à sept ans de prison pour toute personne qui « glorifie, encourage ou soutient les activités d’une organisation hostile à l’État … ».

Même si les tribunaux ont rejeté de nombreuses requêtes déposées par les procureurs pour des mandats de dépôt au titre de la Loi relative à la sécurité nationale, il est inquiétant que son application se développe à ce point.

Dans son rapport, Amnesty International présente le cas de Park Jeonggeun, 24 ans, dans le collimateur des autorités désireuses d’étouffer tout débat en ligne. Le 21 novembre, il a été condamné par le tribunal de district de Suwon à une peine de 10 mois de prison assortie de deux ans de sursis. Il va probablement faire appel de sa condamnation.

Park Jeonggeun a déclaré à Amnesty International : « J’ai relayé sur Twitter quelques lignes empruntées à un compte Twitter nord-coréen. Mon intention était de parodier les dirigeants nord-coréens pour faire une blague. »

Sur le mandat autorisant la fouille de son domicile en octobre 2011, on pouvait lire : « Park Jeonggeun s’est servi du réseau social Twitter comme d’un outil de propagande très efficace. » Dans le jugement rendu le 21 novembre, le juge a reconnu que certains des messages qu’il avait postés sur Twitter tenaient de la parodie, mais a statué que l’ensemble de son action constituait « un soutien et un ralliement à une entité hostile à l’État ».

Pourtant, Park Jeonggeun n’est pas un sympathisant de la Corée du Nord. Il est membre du Parti socialiste, très virulent envers ce pays. La police l’a questionné sur ses opinions politiques à cinq reprises et lui a demandé s’il avait conscience que Twitter était un puissant outil de propagande pour le Nord. Chaque interrogatoire a duré cinq heures.

Park Jeonggeun a expliqué : « Même si je suis en désaccord avec le communisme nord-coréen, la culture nord-coréenne m’intéresse et j’ai le droit de m’informer sur celle-ci et d’exprimer ma liberté ».

Ployé sous une enquête écrasante menée au titre de la Loi relative à la sécurité nationale, Park Jeonggeun a l’impression que « [son] cerveau appartient à l’État ». Toute la procédure l’a épuisé tant physiquement que mentalement. Il a des problèmes de sommeil, est très anxieux et doit se soigner pour le stress.

En février, le libraire Kim Myeong-soo a été condamné à six mois de prison assortis de deux ans de sursis pour avoir enfreint la Loi relative à la sécurité nationale, parce qu’il possédait et vendait les « mauvais » livres.

Lors d’une enquête et d’un procès qui ont duré cinq années, le Bureau des enquêtes spéciales (Boan Susadae) de la force de police de la province de Gyeonggi a condamné les livres qui traitaient de la Corée du Nord, du marxisme et du socialisme, ou comportaient le terme « révolution » dans le titre.

Tous les livres ont été stockés dans la bibliothèque de l’Assemblée nationale ou vendus dans de grandes librairies. Toutefois, la cour a estimé que Kim Myeong-soo avait possédé et vendu ces livres « dans l’intention de mettre en danger l’existence et la sécurité de l’État ».

Selon des témoignages livrés à Amnesty International, des personnes soupçonnées d’avoir enfreint la Loi relative à la sécurité nationale ont subi des mauvais traitements aux mains des autorités, tout comme leur famille.

Amnesty International demande que le gouvernement ouvre sans délai des enquêtes indépendantes et transparentes sur ces allégations.

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