Corée du Sud. Le gouvernement doit respecter le droit à la liberté d’association de tous les travailleurs migrants

Déclaration publique

Index AI : ASA 25/009/2008 – ÉFAI

Le refus des autorités de Corée du Sud de légaliser le Seoul-Gyeonggi-Incheon Migrants Trade Union (MTU, Syndicat des travailleurs migrants de Séoul-Gyeonggi-Incheon) est une violation du droit de constituer un syndicat ou d’y adhérer, droit qui est reconnu par la législation sud-coréenne et par le droit international relatif aux droits humains.

Statut légal du MTU

Fondé le 24 avril 2005, le MTU s’adresse à tous les travailleurs migrants, quelle que soit leur situation au regard de la loi. La plupart de ses membres sont des travailleurs étrangers en situation irrégulière. Le 3 juin 2005, le ministère sud-coréen du Travail a rejeté la déclaration de constitution du MTU, au motif que la législation ne reconnaît pas aux migrants en situation irrégulière les mêmes droits qu’aux autres travailleurs, en particulier le droit à la liberté d’association. Le 1er février 2007, la haute cour de Séoul a toutefois rendu une décision en faveur du MTU, indiquant que la Constitution et la Loi relative aux syndicats protégeaient le droit à la liberté d’association de toutes les personnes concernées par une relation d’emploi, y compris les étrangers en situation irrégulière (décision 2006 NU 6774 de la haute cour de Séoul).
Continuant de nier l’existence légale du syndicat, le ministère du Travail a fait appel de cette décision devant la Cour suprême, qui doit se prononcer cette année. Le refus de reconnaissance de la part du ministère constitue une discrimination et porte atteinte au droit des travailleurs en situation irrégulière de s’affilier à une organisation en général, et à un syndicat en particulier.

Législation nationale et normes internationales

La position du ministère du Travail est contraire à la législation nationale et aux conventions internationales auxquelles la Corée du Sud est partie. L’article 6, alinéa 1 de la Constitution de la Corée du Sud prévoit par exemple que les « traités dûment conclus et promulgués en vertu de la Constitution et les règles de droit international généralement reconnues produisent les mêmes effets que les lois de la République de Corée », ce qui implique que la Corée du Sud a l’obligation de protéger les droits énoncés dans les conventions internationales qu’elle a ratifiées.

Le droit des travailleurs à la liberté d’association, quelle que soit leur situation au regard de la législation sur l’immigration, est reconnu dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). La Corée du Sud a certes formulé une réserve à l’article 22 du PIDCP (liberté d’association), mais celle-ci indique simplement que les dispositions de cet article seront appliquées « en conformité des lois de la République de Corée, y compris sa Constitution ». Comme il a été démontré que le droit à la liberté d’association reconnu dans la Constitution s’étendait aux travailleurs étrangers en situation irrégulière, cette réserve ne peut être invoquée pour les exclure du bénéfice de ce droit. L’article 8 du PIDESC prévoit, entre autres, que :

« Les États parties au présent pacte s’engagent à assurer :

a) Le droit qu’a toute personne de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix, sous la seule réserve des règles fixées par l’organisation intéressée, en vue de favoriser et de protéger ses intérêts économiques et sociaux. L’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d’autrui. »

La répression des droits des travailleurs migrants viole cette disposition, et ne peut être justifiée sur la base des restrictions que celle-ci prévoit, l’action pacifique en faveur de la défense des droits des travailleurs ne pouvant être considérée comme étant une menace contre la sécurité nationale ou l’ordre public.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a demandé dans sa recommandation générale n° 30 que les États parties veillent « à ce que les protections légales contre la discrimination raciale s’appliquent aux non-ressortissants indépendamment de leur statut quant à l’émigration » (paragraphe 7) et affirmé que « tous les individus doivent pouvoir jouir de droits relatifs au travail et à l’emploi, notamment le droit à la liberté de réunion et d’association, dès le début et jusqu’à la fin d’une relation d’emploi » (paragraphe 35).

Par ailleurs, la Convention n° 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT) protège le droit à la liberté d’association pour tous les travailleurs, « sans distinction d’aucune sorte ». Les recommandations du Comité de la liberté syndicale (cas n° 2121, UGT, 2001 ; cas n° 227, AFL-CIO/CTM, 2002) ont établi que la Convention s’appliquait aux travailleurs migrants en situation irrégulière. La Constitution de l’OIT reconnaît la liberté syndicale comme une condition indispensable de la réalisation des droits des travailleurs et octroie au Comité de la liberté syndicale, étant donné le caractère essentiel de la liberté d’association et du droit d’organisation, le mandat lui permettant d’examiner les plaintes contre tout pays membre de l’OIT, qu’il ait ou non ratifié la Convention n° 87.

Bien que la Corée du Sud n’ait pas ratifié la Convention n° 87, elle est tenue, en tant qu’État membre de l’OIT, de respecter les droits fondamentaux protégés dans ce texte et dans les autres conventions de l’OIT, conformément aux principes énoncés dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, adoptée en 1998. À l’occasion de sa récente réélection au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, la Corée du Sud s’est engagée à ratifier les quatre conventions fondamentales de l’OIT, dont la Convention n° 87.


Répression ciblée

Le gouvernement sud-coréen s’en prend par ailleurs aux dirigeants du MTU depuis la création du syndicat, et a fait arrêter et expulser plusieurs d’entre eux. Le premier président du MTU a été appréhendé pour séjour irrégulier peu de temps après la constitution du syndicat. Il a été détenu pendant plus d’un an. Le second président, le vice-président et le secrétaire général ont été interpellés le 27 novembre 2007 pour les mêmes motifs, dans trois lieux différents de Séoul. Ils ont été expulsés du pays le 13 décembre 2007. Le 2 mai 2008, le troisième président du MTU et le vice-président ont à leur tour été arrêtés, dans des circonstances similaires ; ils ont été expulsés le 15 mai 2008, bien que la Commission nationale des droits humains ait recommandé de surseoir à leur éloignement jusqu’à ce qu’elle ait achevé l’examen des conditions dans lesquelles ils avaient été arrêtés.

Recommandation

Amnesty International demande au gouvernement sud-coréen de lever immédiatement les obstacles à l’existence légale du MTU et à l’affiliation à ce syndicat, et notamment de le reconnaître comme une organisation légale en Corée du Sud, conformément à la législation nationale et aux normes et principes du droit international.
Amnesty International engage le gouvernement à veiller au respect du droit de toutes les personnes, quelle que soit leur situation au regard de la législation sur l’immigration, de constituer un syndicat ou d’adhérer à un syndicat de leur choix.

FIN/

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