Corée du Sud. Les travailleurs immigrés exploités et victimes d’abus

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ASA 25/008/2006 (public)

« Les travailleurs immigrés sont aussi des êtres humains. Pourquoi ne me paient-ils pas pour mon travail ? Je ne peux pas retourner chez moi parce que je n’ai pas d’argent. J’ai décidé de me tuer car il n’y a pas d’autre solution. »
Extrait de la lettre d’adieu laissée par Jeong avant de se suicider. Cette femme chinoise de trente-quatre ans travaillait en équipe de nuit avec une durée de travail quotidienne de douze heures – Avril 2004.

En Corée du Sud, selon un nouveau rapport d’Amnesty International, des dizaines de milliers de travailleurs immigrés sont victimes de discrimination, sont exploités et travaillent dans des conditions épouvantables. Nombre d’entre eux se retrouvent piégés dans la spirale de l’endettement et sont obligés de travailler illégalement parce que leurs employeurs retiennent leurs salaires et que la législation fait qu’il est difficile de changer d’emploi en toute légalité.

La Corée du Sud est le premier pays en Asie dont la législation protège les droits des travailleurs immigrés. Mais, selon les conclusions de l’enquête menée par Amnesty International, deux ans après l’entrée en vigueur, le 17 août 2004, de la Loi relative au permis de travail des travailleurs immigrés, les travailleurs étrangers sont toujours confrontés à de nombreux abus, des risques professionnels, et à l’absence d’espoir d’obtenir réparation.

« La Corée du Sud a été pionnière dans la région en ce qui concerne la protection des droits des travailleurs immigrés, a déclaré Rajiv Narayan, responsable des recherches sur l’Asie de l’Est au sein d’Amnesty International. À présent, le gouvernement doit s’atteler aux problèmes qui sont toujours d’actualité, comme les salaires impayés, la difficulté de changer d’emploi et les risques encourus au travail ; en définitive, il doit veiller à ce que les travailleurs immigrés soient traités comme des êtres humains, et à ce que leurs droits soient respectés. »

D’après un rapport gouvernemental, la Corée du Sud comptait en mai 2005 environ 350 000 travailleurs immigrés représentant 1,5 p. cent de la main-d’œuvre totale. Ces travailleurs venaient notamment du Bangladesh, de Chine, d’Indonésie, du Népal, des Philippines et du Viêt-Nam.

Les travailleurs immigrés ont des temps de travail trop longs pour des salaires inférieurs à ceux des travailleurs coréens. Ils sont la cible de nombreuses violences physiques et verbales sur leur lieu de travail et travaillent dans des conditions dangereuses.

BS est un Népalais de trente-trois ans. Il a travaillé pour l’usine de plastique Misung Industry, située à Daegu, dans le sud du pays.

« Le 7 octobre 2005, le gant de ma main gauche s’est coincé puis s’est enroulé dans la machine de fabrication de plastique. Je ne pouvais plus bouger la main. La machine ne s’est arrêtée qu’au moment où mon épaule gauche allait s’introduire dans la machine. Plus tard, j’ai appris que les personnes présentes avaient entendu le bruit des os broyés […] Quand il a été retiré de la machine, mon bras n’avait plus ni chair, ni os […] Il n’y avait pas de secours d’urgence […] »

D’abord, Misung Industry a caché cet accident et a refusé de dire aux amis de BS où il se trouvait, jusqu’à ce qu’ils menacent de prévenir la police. Cinq mois plus tard, l’entreprise a cessé de payer les soins médicaux de BS. Son bras est toujours extrêmement douloureux et BS ne peut pas travailler. Il doit maintenant puiser dans ses économies pour payer ses soins ; il refuse de retourner au Népal avant d’avoir obtenu réparation.

« La plupart des travailleurs immigrés ne connaissent pas leurs droits et les victimes d’abus qui veulent accéder à la justice se heurtent à de nombreux obstacles, a expliqué Rajiv Narayan. Quand ils tentent de créer des syndicats pour essayer de se protéger de ces abus et de cette discrimination, ils font l’objet de manœuvres d’intimidation de la part des représentants de l’État. »

De nombreux travailleurs immigrés ont payé des frais élevés aux agences de recrutement dans leur pays d’origine. Ils doivent ensuite rembourser ces sommes, mais réalisent que leur salaire est moins élevé que prévu ou que leur employeur ne les paie pas à temps. Ils tombent alors dans l’endettement, et doivent trouver un autre employeur qui pourrait les payer régulièrement.

La Loi relative au permis de travail des travailleurs immigrés n’est pas parvenue à rendre le changement d’employeur plus facile. Ainsi, ceux qui veulent échapper à des dettes écrasantes ou à des conditions de travail très difficiles n’ont guère le choix : ils doivent travailler pour un nouvel employeur sans les papiers requis. Les travailleurs sans papiers sont fréquemment la cible de mesures de répression de la part de la police et peuvent être arrêtés à tout moment. Avant d’être expulsés, ils sont souvent détenus dans des cellules surpeuplées et nauséabondes où ils courent le risque d’être agressés verbalement et battus. Ils sont surveillés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et dans certains centres de détention, des hommes surveillent des cellules où des femmes sont détenues.

« L’économie sud-coréenne bénéficie énormément des travailleurs immigrés, a conclu Rajiv Narayan. Mais dans bien des cas, ces travailleurs sont exploités, victimes d’abus et traités de manière épouvantable. »

Le rapport Republic of Korea : ’Migrant workers are also human beings’ peut être consulté sur le site de l’organisation, à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/index/engasa250072006.

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