Corps brisés, vies détruites - les femmes, victimes de guerre non reconnues

Corps brisés, vies détruites - les femmes, victimes de guerre non reconnues
Index AI : ACT 77/095/2004

Les femmes et les jeunes filles sont frappées de plein fouet par les conflits armés qui se déroulent aujourd’hui et dans lesquels elles constituent à la fois des cibles directes et des « dégâts collatéraux » non reconnus. Dans son nouveau rapport intitulé

Le rapport complet au format pdf

Les crimes commis contre les femmes lors des conflits armés (index AI : ACT 77/075/2004), rendu public dans le cadre de sa grande campagne Halte à la violence contre les femmes, Amnesty International lance un appel en faveur d’une mobilisation mondiale contre cette violence et l’inaction des gouvernements dans ce domaine.
« Les violences systématiques à l’encontre des femmes dans les conflits ne surviennent pas "d’elles-mêmes", mais sont commises sur l’ordre de supérieurs, approuvées ou tolérées, a déclaré Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International. Ces violences continuent parce que ceux qui les commettent savent qu’ils peuvent agir en toute impunité. »
Le rapport dresse un bilan global qui fait apparaître une politique systématique de violations des droits des femmes dans tous les conflits, que ce soit en Afghanistan, en Colombie, en Irak, au Népal, au Soudan, en Tchétchénie ou dans une trentaine d’autres conflits dans le monde. En dépit des promesses, des traités et des mécanismes légaux, les gouvernements ne sont pas parvenus à protéger de la violence les femmes et les jeunes filles.
« Les femmes et les jeunes filles ne sont pas seulement tuées, elles sont violées, agressées sexuellement, mutilées et humiliées, a souligné Irene Khan. Les coutumes, cultures et religions ont bâti une image de la femme porteuse de "l’honneur" de leur entourage. Porter atteinte à la sexualité des femmes, à leur intégrité physique est devenu un moyen de terroriser, de rabaisser, de "vaincre" des communautés entières tout en punissant, intimidant et humiliant les femmes. »
À cela s’ajoute le fait que ce sont les femmes et les enfants qui sont contraints de fuir leur maison. Ce sont les femmes qui prennent soin des malades et des blessés et ce sont elles qui doivent aller chercher la nourriture et l’eau - toutes tâches et situations qui leur font courir le risque de se trouver confrontées à de nouvelles exactions.
Les femmes ayant survécu à des viols ne souffrent pas seulement d’un traumatisme psychologique et émotionnel, de répercussions physiques sur leur santé et de la peur d’avoir été contaminées par le virus du sida, elles craignent également de se retrouver mises à l’écart et rejetées par leur famille et leur entourage si l’on apprend qu’elles ont été violées.
« Là où je vis, ils se sont tellement moqués de moi que j’ai dû quitter le village pour vivre dans la forêt [...] J’ai faim, je n’ai pas de vêtements, ni de savon. Je n’ai pas d’argent pour payer des soins médicaux. Ce serait mieux si je mourrais avec le bébé dans mon ventre », Sanguina a été violée à deux reprises au cours du conflit en RDC.
La justice est essentielle pour mettre un terme à cette violence, et lorsque les premières poursuites dans ce domaine auront été engagées devant la Cour pénale internationale (CPI), les femmes disposeront d’un nouveau moyen d’obtenir justice. La justice n’est pas uniquement un outil technique, elle a un impact concret. Elle confirme que le viol et la violence sexuelle sont des crimes, elle redonne dignité et confiance en elles-mêmes aux victimes et prévoit des réparations. La justice est aussi une étape essentielle pour empêcher que ne se reproduisent de tels crimes : elle fait savoir à ceux qui seraient prêts à commettre des actes de violence que cela ne sera pas toléré.
« Il est absolument essentiel que parmi les premières poursuites engagées par la CPI l’année prochaine figurent des actes de violence commis à l’encontre de femmes, a ajouté Irene Khan. Il faut faire savoir dans le monde entier que les actes de violence contre les femmes feront l’objet de poursuites vigoureuses. Si la CPI agit suffisamment fermement, cela incitera les gouvernements à réagir et à faire en sorte que les tribunaux nationaux prennent des mesures. »
Toutefois, la Cour pénale internationale ne peut rendre la justice sans soutien politique. Pour que des poursuites engagées au niveau de la CPI aboutissent, il faut que les gouvernements coopèrent de manière concrète, notamment en fournissant une assistance au cours de l’enquête, en faisant part des éléments de preuve dont ils disposent et en protégeant les témoins qui pourraient être menacés.
« Les femmes dont le corps a été brisé et la vie détruite sont depuis trop longtemps des victimes non reconnues des guerres, a déclaré Irene Khan. Les outils pour maîtriser la violence existent, mais il n’y aura de justice pour les femmes victimes de guerre que lorsque les dirigeants de tous les pays seront décidés à faire plus que de pieuses déclarations condamnant les viols et violences sexuelles. Il faut qu’ils adoptent un plan d’action, avec la CPI comme axe central et en s’appuyant sur une juridiction universelle transcrite dans leur législation nationale. »
Le rapport montre que le combat pour la sécurité des femmes et les droits humains est mis en danger par la militarisation grandissante et la mise en place de nouveaux plans de sécurité pour combattre le terrorisme au niveau mondial. Les doctrines de sécurité défendues par les États-Unis ont élargi le concept de « guerre » à des domaines jusque là considérés comme relevant de l’application des lois, tout en tentant de faire admettre que les droits humains peuvent être restreints pour des impératifs de sécurité.
En dépit de l’impact des conflits sur les femmes et les jeunes filles, celles-ci sont toujours exclues des tables de négociation de paix. Souvent, ce sont les hommes à l’origine de la guerre qui décident de comment la paix pourra être faite.
« Les femmes ont un rôle crucial à jouer dans la reconstruction de sociétés, de pays sûrs, a déclaré Irene Khan. Partout dans le monde, des femmes remettent en question la violence, la discrimination et le silence. Sans une participation active des femmes aux processus de paix, il ne peut y avoir ni sécurité, ni justice, ni paix. »
Amnesty International propose un plan d’action aux niveaux mondial, national et local :

 la CPI doit pouvoir rendre réellement justice aux femmes et aux jeunes filles. Si le Conseil de sécurité est déterminé à mettre un terme à la violence à l’égard des femmes dans les conflits, il peut saisir la CPI lorsque les gouvernements ne le font pas ;

 les gouvernements doivent apporter un soutien politique à la CPI pour qu’elle puisse être efficace. Cela implique qu’ils ratifient le Statut de Rome ; qu’ils intègrent le Statut de Rome à leur législation nationale de façon à ce que les auteurs présumés d’actes de violence puissent être poursuivis pour ces crimes dans leur pays ; qu’ils communiquent les éléments de preuve dont ils disposent et qu’ils protègent victimes et témoins ;

 les gouvernements doivent publiquement condamner les violences faites aux femmes et aux jeunes filles en toutes circonstances ; ils doivent donner des instructions et avertissements clairs à leurs forces pour leur signifier que les actes de violence à l’égard des femmes ne seront pas tolérés ;

 tous les gouvernements, les Nations unies et les organismes internationaux compétents doivent veiller à ce que les femmes jouent un rôle clé dans la conception et la mise en œuvre de toutes les initiatives d’établissement de la paix ;

 toutes les parties et les Nations unies doivent fournir immédiatement une assistance aux femmes ayant survécu à des violences, notamment en mettant en place des programmes de soins d’urgence et de réinsertion.
« Nous devons provoquer une mobilisation en suscitant l’indignation, pour faire échec à la violence ; nous devons soutenir ces femmes qui souffrent et faire pression sur ceux qui peuvent faire progresser les choses, a conclu Irene Khan. C’est l’action individuelle de femmes et d’hommes qui amène le changement. »

Vous pouvez télécharger le rapport Les crimes commis contre les femmes lors des conflits armés (index AI : ACT 77/075/2004) ci-dessous.

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