Communiqué de presse

Côte d’Ivoire. Il est temps de mettre fin au cycle de représailles et de vengeance

Plus de 200 personnes, dont des membres du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, ont été arbitrairement détenues et torturées et beaucoup croupissent toujours derrière les barreaux, révèle aujourd’hui Amnesty International au retour d’une mission d’un mois en Côte d’Ivoire.

« Nous avons pu rencontrer des dizaines de détenus qui nous ont raconté comment ils avaient été torturés à l’électricité ou avaient subi des brûlures au plastique fondu, deux d’entre eux ont été victimes de sévices sexuels » a déclaré Gaëtan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

« Certains ont été détenus pendant plusieurs mois sans pouvoir contacter leurs proches ni accéder à des avocats. »

Laurent Gbagbo a été président de la Côte d’Ivoire de 2000 à 2010 avant d’être chassé du pouvoir à la suite d’une élection contestée qui a dégénéré en affrontements violents.

Après un conflit de quatre mois qui a fait plus de 3 000 morts, Laurent Gbagbo a été arrêté en avril 2011 puis transféré à la Cour pénale internationale à La Haye pour des inculpations liées aux violences postélectorales.

Durant sa mission, Amnesty International a rencontré quatre détenus dans un lieu de détention non-reconnu comme tel, le Génie militaire, une caserne à Abidjan. Ces personnes avaient été détenues au secret pendant plus d’un mois.

Dans de nombreux cas, malgré des demandes et des efforts inlassables pour retrouver leur proche dans différents lieux de détention, des familles ont été laissées sans aucune information et n’ont appris le sort de leur parent que par le biais d’Amnesty International.

Parmi les personnes détenues dans des lieux de détention non-reconnus comme tels à Abidjan, certaines ont été inculpées d’atteinte à la sûreté de l’État. D’autres ont été remises en liberté sans inculpation ni jugement. Dans certains cas, les remises en liberté ont fait suite à des rançons versées à des membres de l’armée.

Tel a été le cas pour un membre du FPI, qui a été arrêté à Abidjan le 27 août 2012, car accusé d’être un milicien.

Il a été libéré deux jours plus tard contre une rançon. Il a déclaré à Amnesty International : « Mes parents ont d’abord versé 50 000 francs CFA (environ 75 euros), puis après ma libération, mes geôliers sont venus chez moi et ont exigé une somme plus élevée. Je leur ai dis que je ne pouvais pas payer une telle somme et ils ont accepté de recevoir 20 000 CFA (30 euros) ».

Dans un autre cas, un policier est décédé des suites de torture. Serge Hervé Kribié a été arrêté à San Pedro le 21 août 2012 par les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI, l’armée nationale) et interrogé sur de récentes attaques. Il a été déshabillé, attaché à un poteau, aspergé d’eau puis a reçu des décharges électriques. Il est mort quelques heures plus tard.

Au cours de la mission, Amnesty International a rencontré de hauts responsables proches de Laurent Gbagbo qui sont détenus dans quatre villes du centre et du nord du pays, notamment son épouse, Simone Gbagbo, détenue à Odienné, son fils, Michel Gbagbo, emprisonné à Bouna, et des personnalités majeures de l’administration précédente, détenues à Boundiali et Korhogo.

Tous sont inculpés de plusieurs infractions dont des atteintes à la sûreté de l’État et l’assassinat.

« Certains d’entre eux nous ont dit que, bien que détenus depuis avril 2011, ils n’ont vu le juge d’instruction que deux fois, et ce pour quelques heures », a déclaré Gaëtan Mootoo.

La délégation a rencontré l’un des juges chargés de ce dossier. Celui-ci a déclaré qu’en raison de la confidentialité des enquêtes, il ne pouvait donner aucune information sur les dossiers, mais qu’il clôturerait son enquête avant la fin de l’année.

La délégation d’Amnesty International s’est également rendue à Duékoué et dans les villages environnants dans l’ouest du pays où des fosses communes ont récemment été découvertes.

Amnesty International s’est entretenue avec des personnes déplacées ayant vécu dans le camp de Nahibly qui a été attaqué par des Dozos (chasseurs traditionnels qui sont une milice soutenue par l’État) et des membres des FRCI en juillet 2012 en représailles à la mort de quatre personnes.

Amnesty International a recueilli des témoignages crédibles de nombreuses personnes relatant des détentions arbitraires, des disparitions et des exécutions extrajudiciaires suite à ces événements. Cette attaque et les violations qu’elle a entraînées se sont produites alors que les soldats de maintien de la paix de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) étaient stationnés à l’extérieur du camp et bien que la police des Nations Unies était postée à l’intérieur.

« Bien que reconnaissant que le gouvernement ivoirien fait face à une vague d’attaques, nous craignons fortement que les arrestations et la répression en cours ne découlent d’une volonté de représailles et de vengeance », a déclaré Gaëtan Mootoo.

« Plus de dix-huit mois après l’arrestation de Laurent Gbagbo en avril 2011, il est grand temps pour le président Alassane Dramane Ouattara d’aller au-delà des promesses et de placer le respect des droits humains au sommet des priorités de son gouvernement. »

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