Côte d’Ivoire : L’assassinat du journaliste de RFI, Jean Hélène, illustre l’ambiance d’impunité régnant à Abidjan

AI Index : AFR 31/017/2003 (Public)
News Service No : 243
23 October 2003

Amnesty International condamne aujourd’hui avec la plus grande fermeté
l’assassinat de Jean Hélène, journaliste de Radio France Internationale
(RFI), abattu de sang froid, le mardi 21 octobre 2003 par un sergent de la
police ivoirienne. L’organisation demande que le meurtrier qui a été
identifié et appréhendé soit traduit dans les meilleurs délais devant la
justice et que des mesures claires et énergiques soient immédiatement prises
par les autorités ivoiriennes pour que de tels actes ne se reproduisent pas.

Jean Hélène a été abattu par balle alors qu’il se trouvait devant le
commissariat central de la police d’Abidjan où il attendait la libération de
plusieurs opposants récemment emprisonnés à la suite d’une tentative
supposée de coup d’état. Selon les informations données par les autorités
ivoiriennes, le meurtrier de Jean Hélène, qui a délibérément abattu le
journaliste, avait pourtant reçu, quelques instants auparavant, de son
supérieur l’ordre de laisser le journaliste poursuivre son travail en toute
tranquillité.

"Le fait qu’un sergent puisse ainsi tuer de sang froid un
journaliste qui ne le menaçait en rien dénote du sentiment d’impunité dont
bénéficient les forces de l’ordre ivoiriennes notamment depuis le
soulèvement de septembre 2002," affirme aujourd’hui l’organisation.

Amnesty International a dénoncé à plusieurs reprises au cours de
l’année qui s’est écoulée des violations graves commises par les forces de
sécurité contre des opposants présumés ainsi que des étrangers, provenant
pour la plupart de la sous région et qui ont été victimes de rackets,
d’expulsions et d’exécutions extrajudiciaires. A la connaissance d’Amnesty
International, aucun responsable de ces actes n’a été sanctionné.

Au-delà de cette ambiance d’impunité propice à toutes les dérives,
la Côte d’Ivoire est la scène depuis plusieurs années de discours xénophobes
violents visant notamment les Dioulas, nom générique qui désigne les
habitants de la Côte d’Ivoire, portant un patronyme musulman et originaires
du nord du pays ou des Etats de la sous région (Mali, Burkina Faso, Guinée,
Sénégal etc.).

De plus, certains media qui se sont auto proclamés "nationalistes"
ont lancé des appels à la haine à l’encontre de certains journalistes
étrangers en fournissant par exemple le numéro de téléphone ou l’adresse de
journalistes accusés de critiquer systématiquement le gouvernement ou les
forces de l’ordre.

"Ces discours circulent depuis des mois dans certains media et
milieux politiques sans que les autorités ne les aient fermement critiqué et
ils ont inoculé chez certaines personnes, y compris au sein des forces de
sécurité, un sentiment de haine notamment envers les journalistes
étrangers," dit aujourd’hui Amnesty International.

Ainsi, en janvier 2003, Anne Boher, une journaliste française
travaillant pour l’agence de presse britannique Reuters a été arrêtée sans
motif apparent par les forces gouvernementales dans la ville de San Pedro au
sud-ouest du pays et a été libérée le lendemain. En mars 2003, une équipe de
la télévision française publique et des journalistes de l’AFP ont été
insultés et molestés dans l’enceinte de la présidence alors qu’ils venaient
couvrir une conférence de presse du président Laurent Gbagbo. Les
journalistes ont été agressés verbalement et physiquement par des militaires
et des civils et des hommes en uniforme qui les ont menacé de mort sans que
ces personnes ne se soient vues demander des comptes pour ces actes très
graves.

"L’assassinat de Jean Hélène constitue un événement sans précédent
en Côte d’Ivoire. C’est tout l’acquis de la liberté d’expression dans ce
pays qui se retrouve menacé. Les autorités se doivent au plus vite de
prendre des mesures qui ne peuvent se cantonner aux promesses jamais tenues
de mettre fin à l’impunité," affirme aujourd’hui l’organisation.

Amnesty International appelle donc les autorités ivoiriennes à
traduire en justice dans les meilleurs délais le responsable de l’assassinat
de Jean Hélène. De manière plus générale, le gouvernement se doit d’envoyer
un message clair aux forces de l’ordre et à la population afin de condamner
sans ambiguïté les discours de haines xénophobes qui ont abouti à
l’assassinat du journaliste de RFI.

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