CÔTE D’IVOIRE : Les réfugiés libériens pris en étau : urgence de trouver une solution

Index AI : AFR 31/014/2003 (Document Public)

À la veille de la visite de représentants du Conseil de Sécurité des Nations unies dans plusieurs pays de l’Afrique de l’ouest et alors que le Libéria connaît une intensification des combats qui touchent la capitale Monrovia, Amnesty International exhorte les pays de la sous-région et la communauté internationale à tout faire pour fournir une protection aux réfugiés libériens et toutes les personnes prises dans ces deux conflits.

Dans un document publié aujourd’hui et intitulé : Côte d’Ivoire : Nul endroit où fuir. Les réfugiés libériens en Côte d’Ivoire, Amnesty International appelle la communauté internationale à mettre en œuvre notamment un programme d’évacuation humanitaire et la réinstallation dans d’autres pays d’accueil de ces réfugiés qui ne savent plus où aller.

Au début d’avril 2003, des milliers de personnes qui s’étaient réfugiées quelques semaines plus tôt au Libéria pour fuir la crise ivoirienne ont traversé la frontière en sens inverse après que des combats de plus en plus violents se sont produits dans la région où elles avaient trouvé asile. Ces allers-retours, marqués par la précipitation et la panique, illustrent la situation de dizaines de milliers de personnes (des réfugiés libériens, des Ivoiriens et des ressortissants de la sous-région) prises en étau entre deux conflits, à l’ouest de la Côte d’Ivoire et à l’est du Libéria et qui ne savent où trouver une protection efficace.

La vie des quelque 70000 réfugiés libériens qui avaient trouvé asile en Côte d’Ivoire à la suite de la guerre qui a éclaté au Libéria en 1989 a été bouleversée par la crise qui secoue ce pays depuis septembre 2002.

"Les réfugiés libériens sont victimes d’exactions commises par les différentes parties au conflit qui, tour à tour, les pillent, les maltraitent, les enrôlent parfois de force dans leurs rangs et les accusent en même temps de soutenir la partie adverse ; ils ne peuvent rentrer au Libéria où la situation empire de jour en jour ; aucun des pays limitrophes ne semble réellement disposé à les accueillir car ils sont bien souvent perçus comme des fauteurs de troubles," affirme Amnesty International.

Le document publié aujourd’hui fait état de témoignages de nombreux réfugiés libériens qu’une délégation d’Amnesty International a rencontrés à Abidjan en mars 2003. Ces récits montrent à quel point leur situation semble pour le moment sans issue. L’un des réfugiés a notamment affirmé à la délégation d’Amnesty International : "De nombreux Libériens considèrent maintenant qu’ils préféreraient même être rejetés à la mer sur un bateau que de rester en Côte d’Ivoire."

La situation des réfugiés libériens est particulièrement préoccupante dans l’ouest du pays, où vit la majorité de ces réfugiés, et où ils sont victimes depuis des mois de recrutements souvent forcés et d’exactions commises à la fois par les groupes d’opposition armés et les forces gouvernementales.

"Les réfugiés sont victimes notamment à Abidjan de harcèlements, d’humiliations et parfois d’arrestations car des membres des forces de sécurité ainsi que certaines couches de la population ivoirienne, poussés par des médias maniant une rhétorique xénophobe, se sont mis à les considérer globalement comme des complices des deux groupes d’opposition armés, apparus à l’ouest du pays fin novembre 2002," affirme Amnesty International.

Ne pouvant rester sans danger en Côte d’Ivoire, des dizaines de milliers de réfugiés libériens désespérés sont retournés dans leur pays d’origine, en dépit de la guerre qui y fait rage. Il faut préciser que cette fuite vers le Libéria n’a pas seulement concerné des Libériens mais également des dizaines de milliers d’Ivoiriens et de ressortissants d’autres pays de la sous-région. Selon des chiffres du HCR publiés en mars 2003, près de 100000 personnes auraient fui au Libéria depuis le début du conflit ivoirien avant d’être contraintes pour beaucoup de retourner en Côte d’Ivoire.

"Dans un tel contexte, Amnesty International considère que ces allers-retours s’assimilent à un refoulement de facto. En effet, même si les autorités ivoiriennes ou libériennes n’expulsent pas directement les réfugiés et les populations civiles fuyant ces zones de guerre, il n’en demeure pas moins qu’en raison de ce conflit, des civils se voient contraints de rejoindre des régions où leur sécurité est fortement menacée," affirme Amnesty International.

L’organisation rappelle qu’il incombe donc à la communauté internationale d’assumer sa part de responsabilité dans la résolution de ce problème. Si l’on veut dénouer la situation inextricable de ces centaines de milliers de personnes qui ont tout perdu, un engagement fort et concerté de la communauté internationale est indispensable, notamment en matière de collecte de fonds et d’action humanitaire sur le terrain. Cependant, cette mobilisation tarde à venir, malgré les efforts déployés notamment par le HCR, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’UNICEF. En effet, l’Organisation des Nations unies (ONU) a lancé plusieurs appels de fonds mais les sommes recueillies à ce jour sont dérisoires par rapport aux immenses besoins créés par l’une des plus graves crises humanitaires du moment.

Amnesty International lance un appel au gouvernement de Côte d’Ivoire et aux groupes d’opposition armés ivoiriens qui opèrent dans le pays de cesser immédiatement de s’en prendre aux réfugiés libériens. De plus, l’organisation exhorte la communauté internationale à trouver d’urgence une solution globale et à long terme visant à assurer une protection efficace aux réfugiés libériens et à toutes les autres personnes qui ne peuvent rester dans la sous-région et doivent donc être réinstallées ailleurs.

Contexte

Le problème des réfugiés libériens n’est qu’un des aspects de la terrible crise humanitaire qui secoue la Côte d’Ivoire depuis l’insurrection d’éléments armés en septembre 2002. Ce conflit a provoqué des déplacements massifs de populations civiles cherchant à fuir les zones de combat. Des centaines de milliers de personnes (des Ivoiriens ainsi que des ressortissants de la sous-région, notamment des Burkinabé, des Maliens et des Guinéens) ont dû quitter leurs maisons afin d’échapper aux exactions commises par toutes les parties au conflit. Le nombre de personnes déplacées au sein même de la Côte d’Ivoire s’élèverait, selon les autorités ivoiriennes, à plus d’un million et demi.

Par ailleurs, d’autres personnes ont rejoint leur pays d’origine. C’est ainsi que depuis l’insurrection de septembre 2002, près de 50000 Maliens et 150000 Burkinabè ont fui vers le Mali et le Burkina Faso où ils ont dû faire face à de sérieux problèmes de réinsertion, malgré les efforts des gouvernements et des membres de la société civile de ces pays. C’est donc toute la sous-région qui doit faire actuellement face à une crise humanitaire de très grande ampleur.

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