Côte d’Ivoire. Le transfert de Laurent Gbagbo est un premier pas important dans la lutte contre l’impunité

Le transfert de l’ancien président Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPI) est une première étape marquante dans les efforts visant à mettre fin à l’impunité pour les crimes contre l’humanité commis en Côte d’Ivoire, en particulier entre 2002 et 2011.

Cet événement donne de l’espoir à quelques-unes des milliers de victimes de ces crimes perpétrés par toutes les parties pendant près d’une décennie. Le procureur de la CPI ne doit cependant pas limiter l’enquête aux seuls crimes de droit international commis depuis décembre 2010.

Mardi 29 novembre 2011, Laurent Gbagbo a été remis à la CPI par les autorités ivoiriennes après qu’un mandat d’arrêt eut été délivré sous scellés par les juges de la Chambre préliminaire III mercredi 23 novembre 2011. Selon ce mandat d’arrêt, Laurent Gbagbo est soupçonné de porter la responsabilité de meurtres, de viols et d’autres formes de violence sexuelle, d’actes de persécution et d’autres actes inhumains.

Amnesty International a appelé à plusieurs reprises les autorités ivoiriennes et le procureur de la CPI à enquêter sur tous les crimes de droit international commis par l’ensemble des parties. L’organisation a rassemblé des informations faisant état de crimes contre l’humanité, ainsi que de crimes de guerre, y compris des meurtres, des disparitions forcées, des actes de torture et des violences sexuelles perpétrés dans le pays, en particulier entre 2002 et mai 2011.

À la demande de la Chambre préliminaire de la CPI, le procureur a soumis des informations supplémentaires sur des crimes commis sur cette période de neuf ans. Amnesty International exhorte le bureau du procureur à enquêter sur l’intégralité des crimes commis contre la population ivoirienne depuis 2002, afin de veiller à ce que l’impunité ne persiste pas en Côte d’Ivoire.

Au nom du principe de complémentarité, les autorités ivoiriennes doivent quant à elles réagir : en adoptant sans plus attendre dans la législation nationale des lois définissant ces crimes ; en diligentant dans les meilleurs délais des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales sur les cas dont la CPI ne s’occupe pas ; et, lorsque suffisamment de preuves recevables sont réunies, en poursuivant les suspects conformément aux normes internationales d’équité des procès.

Le meilleur moyen de garantir la justice et des réparations complètes pour toutes les victimes de cette crise longue de neuf ans est de faire en sorte que les enquêtes et poursuites prennent en compte l’intégralité de cette période et traitent tous les crimes de droit international, quels que soient leurs auteurs.

La CPI doit veiller à ce que les procédures soient conformes aux dispositions du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (Statut de Rome). D’après les informations reçues par Amnesty International, l’arrestation et la remise à la CPI de Laurent Gbagbo n’ont semble-t-il pas respecté l’article 59 (2) du Statut de Rome ; en particulier, la condition selon laquelle l’ancien président devait bénéficier d’une audience devant un tribunal national à la suite de son arrestation, afin de déterminer s’il devait être transféré à La Haye, n’a apparemment pas été remplie. Il est essentiel que la CPI et les autorités nationales respectent les conditions fixées par le Statut de Rome et le droit national, et qu’elles examinent sans tarder les éventuels recours contre la procédure d’arrestation et de transfert. Un État ayant fait une déclaration aux termes de l’article 12(3) du Statut de Rome est tenu de se conformer aux procédures décrites dans ce Statut concernant l’arrestation et le transfert de suspects.

Complément d’information

Bien que la Côte d’Ivoire ne soit pas encore partie au Statut de Rome, le 18 avril 2003, le ministre des Affaires étrangères de l’époque a déposé une déclaration auprès du greffe de la CPI, dans laquelle il acceptait l’exercice de la compétence de cette instance pour les crimes de droit international commis sur le territoire ivoirien depuis le 19 septembre 2002. Cette déclaration indiquait expressément qu’elle n’était pas limitée dans le temps et couvrait tous les crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Le 14 décembre 2010, Alassane Ouattara a officiellement confirmé la compétence de la CPI et demandé que son procureur ouvre une enquête sur les crimes relevant de la CPI commis depuis 2002. Dans une deuxième lettre, datée du 3 mai 2011, le président Ouattara a de nouveau confirmé la reconnaissance de la compétence de la CPI, mais a suggéré de restreindre le champ de l’enquête aux crimes commis depuis le 28 novembre 2010.

Le 3 octobre 2011, la Chambre préliminaire III a autorisé l’ouverture d’une enquête en Côte d’Ivoire en rapport avec les crimes relevant de la compétence de la Cour perpétrés depuis le 28 novembre 2010. Conformément à la règle 50(4) issue du Règlement de procédure et de preuve, elle a déclaré que le procureur devait, dans une période d’un mois, soumettre à la Chambre toute information complémentaire dont il dispose sur les crimes commis entre 2002 et 2010 susceptibles de relever de sa compétence.

En vertu de l’article 15 (5) du Statut de Rome, le procureur peut demander, sur la base de faits ou d’éléments de preuve nouveaux, l’ouverture d’une enquête sur les crimes commis en Côte d’Ivoire avant le 28 novembre 2010.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit