Cour européenne des droits de l’homme. L’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements n’est pas altérée

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI

Amnesty International se félicite de la réaffirmation de l’interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements inhumains ou dégradants dans la décision importante qu’a prise ce jeudi 28 février la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Saadi c. Italie.

« Ce jugement devrait rappeler à tous les États que non seulement ils ne sont pas autorisés à torturer mais qu’il leur est interdit également d’envoyer quiconque dans un pays où cette personne risque d’être torturée ou soumise à d’autres formes de mauvais traitements », a déclaré Ian Seiderman, conseiller d’Amnesty International sur les questions juridiques.

Les autorités italiennes voulaient renvoyer Nassim Saadi en Tunisie en application de la « loi Pisanu » adoptée en 2005 comme « mesure urgente de lutte contre le terrorisme ». Les autorités italiennes ont argué du fait que cet homme faisait courir un risque à la sécurité de l’Italie.

La Cour a statué que suffisamment d’éléments avaient été présentés pour considérer qu’il y avait un «  risque réel » que Nassim Saadi soit torturé ou soumis à une autre forme de mauvais traitements s’il était expulsé en Tunisie ; elle s’est fondée sur des rapports d’Amnesty International et Human Rights Watch qu’elle a considérés comme crédibles, cohérents et corroborés par de nombreuses autres sources.

Les recherches qu’a menées Amnesty International montrent qu’en Tunisie les forces de sécurité se rendent très souvent coupables d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements. Parmi les méthodes qui seraient utilisées, notamment contre les personnes inculpées d’infractions en relation avec le terrorisme, figurent le fait d’être suspendu au plafond, menacé de viols, soumis à des décharges électriques, mis la tête sous l’eau, frappé, brûlé avec une cigarette.

Les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements aux mains de la police ne font pas l’objet d’enquête de la part des autorités tunisiennes concernées. Il arrive que des condamnations à de longues peines d’emprisonnement ou à la peine capitale se fondent principalement sur des « aveux » obtenus sous la torture. C’est pourquoi, la Cour européenne des droits de l’homme a statué qu’envoyer Nassim Saadi en Tunisie serait contraire aux obligations du gouvernement italien aux termes de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le Royaume-Uni était intervenu dans cette affaire pour essayer de persuader la Cour de revenir sur sa jurisprudence qui prévoit depuis longtemps l’interdiction absolue de la torture et des autres formes de mauvais traitements. La Cour a qualifié d’ « erronés » et a rejeté les arguments du Royaume-Uni, que partageait le gouvernement italien.

Tout en reconnaissant à quel point il était difficile pour les États de protéger leurs habitants contre la violence terroriste, la Cour a affirmé que le danger du terrorisme ne devait pas remettre en question le caractère absolu de l’interdiction de la torture et des autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Rejetant l’argument du Royaume-Uni et de l’Italie selon lequel le risque de souffrance couru par un individu devait être mis en balance avec le danger que représentait ledit individu, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré en substance que la perspective de la menace que pourrait faire peser cet homme sur la société s’il n’était pas expulsé ne réduisait en aucune façon le risque que cet homme soit maltraité à son retour.

« Dans le climat actuel, où les États reviennent sur l’interdiction absolue de la torture et des autres mauvais traitements, cette décision unanime de la Cour européenne des droits de l’homme est un point de repère bienvenu. Cette décision réaffirme à quel point il est important que les mesures que les États prennent pour nous protéger contre la menace du terrorisme respectent les droits humains et la primauté du droit », a conclu Ian Seiderman.

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