COUR PÉNALE INTERNATIONALE : L’immunité accordée à certains participants aux missions de paix des Nations unies constitue un revers pour la justice internationale

Index AI : IOR 51/007/02

Amnesty International est consternée par la résolution contraire au droit international adoptée par l’ensemble des membres du Conseil de sécurité, qui oblige la Cour pénale internationale à accorder une immunité de juridiction à certains participants aux missions de maintien ou de rétablissement de la paix des Nations unies. Le Conseil de sécurité a ainsi donné suite aux propositions introduites à l’origine par les États-Unis, opposés à la Cour pénale internationale, qui ont ensuite travaillé en étroite coopération avec le Royaume-Uni.

En adoptant une telle résolution, le Conseil de sécurité a tenté de modifier un traité international, alors qu’en l’occurrence, seule l’Assemblée des États Parties à cet instrument est habilitée à le faire. En outre, le Conseil de sécurité outrepasse ses pouvoirs en essayant de modifier les dispositions d’un traité pleinement compatible avec la Charte des Nations unies. Par ailleurs, en invoquant le Chapitre VII de la Charte des Nations unies, le Conseil de sécurité a abusivement assimilé la menace des États-Unis d’opposer leur veto aux opérations de maintien de la paix à une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d’agression. Aucun de ces termes ne s’applique non plus à une juridiction créée pour contraindre les responsables des crimes les plus graves ayant une portée internationale à rendre des comptes.

Les États-Unis ont exercé des pressions considérables sur les autres membres du Conseil de sécurité pour qu’il prennent une décision à laquelle la majorité des États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) sont catégoriquement opposés. Il est inacceptable que des enquêtes et des poursuites judiciaires concernant les crimes les plus graves puissent être entravées, et qu’une justice à deux vitesses soit mise en place pour qui que ce soit, y compris pour des personnes participant à des opérations de maintien ou de rétablissement de la paix.

La Résolution 1422 du Conseil de sécurité vise à remettre en cause le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Bien qu’elle utilise des termes proches de ceux de l’article 16 de ce traité, cette formulation n’est qu’un écran de fumée. La résolution adoptée demeure contraire à la lettre et à l’esprit de cet article – à l’inclusion duquel Amnesty International s’était énergiquement opposée – et ignore l’historique de sa rédaction. L’article 16 ne permet en effet au Conseil de sécurité d’imposer des sursis à enquêter ou à poursuivre que dans des circonstances exceptionnelles, donnant lieu à des négociations au sein du Conseil destinées à maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ou à mettre fin à un acte d’agression, et ce sur une base temporaire et au cas par cas.

Force est de constater l’insignifiance des changements apportés à la proposition initiale des États-Unis après des semaines de querelles au sein du Conseil de sécurité, durant lesquelles les autorités américaines ont obstinément subordonné l’approbation des opérations de maintien de la paix à la satisfaction de leur exigence d’immunité. La résolution adoptée au bout du compte vise toujours à empêcher la Cour pénale internationale de mener une enquête ou d’engager des poursuites en cas de crime de génocide, de crime contre l’humanité ou de crime de guerre imputé à un ressortissant d’un État non partie au Statut de Rome participant à une opération des Nations unies, à moins que les puissances représentées au sein du Conseil de sécurité n’en décident autrement.

En tentant d’empêcher les États parties au Statut de Rome de s’acquitter de leurs obligations juridiques, pour une période renouvelable d’un an, la résolution 1422 remet fondamentalement en cause les principes de justice incarnés dans la Cour pénale internationale.

Amnesty International salue la détermination des nombreux États ne siégeant pas au Conseil de sécurité qui ont vigoureusement pris position en faveur de la défense de l’intégrité du Statut de Rome. L’organisation les exhorte à demander instamment au Conseil de sécurité de ne pas renouveler l’année prochaine cette résolution, qui vise à soustraire tout ressortissant des États-Unis soupçonné de crime de génocide, de crime contre l’humanité ou de crime de guerre aux enquêtes et aux poursuites de la Cour pénale internationale.

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