Communiqué de presse

Crimée. Les médias tatars vont fermer à l’expiration d’un délai de réinscription arbitraire

À l’exception d’un seul d’entre eux, tous les médias indépendants en langue tatare – y compris ceux destinés aux enfants – seront fermés le 1er avril à minuit, date limite fixée pour leur réinscription par une loi russe, a déclaré Amnesty International.

Bien qu’ils aient déposé leur demande en temps voulu, les publications, sites Internet, stations de radio et chaînes de télévision de Crimée en langue tatare qui se sont vu refuser arbitrairement leur réinscription ou n’ont pas reçu de réponse des autorités chargées de délivrer les licences vont être contraints de fermer. S’ils ne le font pas, ils encourront une lourde amende et des poursuites pénales.

« Sur le coup de minuit, à l’exception d’un d’entre eux, tous les médias tatars de Crimée, qui n’ont cessé d’être attaqués depuis l’annexion russe, se tairont », a déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« Cette atteinte flagrante à la liberté d’expression, déguisée en procédure administrative, constitue une tentative grossière visant à bâillonner les médias indépendants, à étouffer les voix dissidentes et à intimider la communauté tatare de Crimée. »

Alors que tous les médias de Crimée ont reçu l’ordre de se réinscrire en vertu d’une loi russe en avril 2014, ceux diffusant en tatar, une langue de Crimée, se sont vu refuser arbitrairement leur inscription à plusieurs reprises. En revanche, de nombreux médias en langue russe ont reçu leur licence peu après en avoir fait la demande.

Pour l’heure, un seul média en tatar – le journal Yeni Dunya – a pu se réinscrire. Les autres ont eu maille à partir avec l’autorité chargée de délivrer les autorisations, qui a invoqué des points de procédure et des « irrégularités » non spécifiées pour retarder ou refuser leur inscription.

L’agence de presse criméenne en langue tatare QHA, établie de longue date, s’est vu refuser sa réinscription à deux reprises et n’a pas renouvelé sa demande. ATR, une chaîne de télévision qui diffuse en tatar, a vu ses trois premières demandes de licence rejetées arbitrairement depuis octobre 2014 et n’a pas encore eu de réponse à sa quatrième demande.

Lilya Budzhurova, directrice adjointe de l’information pour ATR, a indiqué à Amnesty International que la chaîne cesserait ses programmes à 0 h 01 le 1er avril si une licence ne lui était pas accordée d’ici là.

« Nous serions poursuivis au titre de la législation russe. Il pourrait y avoir de graves conséquences, notamment de lourdes amendes pouvant aller jusqu’à un demi-million de roubles [environ 8 000 euros], la saisie de matériel et des poursuites pénales à l’encontre de la direction. »

D’autres médias en langue tatare, parmi lesquels la station de radio Maydan, le site Internet 15minut.org, le journal Avdet et le magazine Yildiz, n’ont pas reçu de réponse positive à leurs demandes de réinscription et seront contraints de fermer une fois passée l’échéance de minuit.

Même les médias destinés aux enfants n’ont pas été épargnés : aucune réinscription n’a été accordée au magazine pour enfants Armantchikh ni à la chaîne de télévision pour enfants Lale, qui a beaucoup de succès.

« La fermeture forcée des chaînes de télévision et magazines pour enfants peut avoir l’air d’un cruel poisson d’avril, mais il n’y a vraiment pas de quoi rire », a déclaré Denis Krivosheev.

« Elle annonce au contraire l’arrivée d’une nouvelle étape dans la répression visant les droits humains, notamment la liberté d’expression, en Crimée, dont les principales victimes sont les membres de la minorité tatare persécutée. »

Complément d’informations

Les médias de Crimée sont sans cesse attaqués. Au moins cinq stations de radio locales ont été privées de leur fréquence de diffusion dans les principales villes de Crimée par le biais d’une autre procédure administrative engagée par les autorités fédérales de Russie en 2014.

Le 26 janvier 2015, une trentaine d’agents armés et masqués d’une unité spéciale de la police, accompagnés de 10 responsables des forces de sécurité, ont perquisitionné les locaux d’ATR, interrompu ses programmes et emporté des documents. Avant cette descente, ATR appliquait déjà une autocensure, en ayant cessé d’utiliser les mots « annexion » et « occupation » après que plusieurs membres de sa rédaction eurent reçu des menaces de poursuites pénales pour « extrémisme » de la part des autorités.

Par ailleurs, des journalistes et des blogueurs pro-ukrainiens ont été harcelés et forcés à quitter la Crimée.

En 1944, toute la population tatare de Crimée, qui s’élevait à près de 200 000 personnes, a été déportée vers des zones reculées de l’Union soviétique, pour avoir prétendument collaboré avec les forces d’occupation allemandes. Les survivants et leurs descendants n’ont été autorisés à revenir en Crimée qu’à la fin des années 1980.

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