Ce document, intitulé Detained and Deported : Venezuelans denied protection in Curaçao, fournit des éléments montrant de manière convaincante que des étrangers n’ont pas été en mesure de déposer de demande de protection internationale à Curaçao depuis juillet 2017, et décrit un certain nombre de violations des droits humains qui auraient été commises contre des personnes originaires du Venezuela, qui risquent un placement en détention et un renvoi vers leur pays, ce qui est contraire au droit international.
« Il est choquant que le gouvernement de Curaçao n’ait pas mis en place de procédure digne de ce nom pour celles et ceux qui souhaitent déposer une demande d’asile. Au lieu de tourner le dos à des personnes qui fuient une situation désespérée au Venezuela, les autorités de Curaçao doivent garantir les droits de tous les demandeurs et demandeuses d’asile et réfugié-e-s en quête d’une protection internationale », a déclaré Erika Guevara-Rosas.
Loin de protéger les nouveaux arrivants en provenance du Venezuela, le gouvernement de Curaçao a conçu une « stratégie de retrait actif » afin d’expulser les personnes en situation irrégulière. En 2017, les autorités de Curaçao ont ainsi expulsé 1 203 Vénézuélien-ne-s de leur île, et en ont renvoyé 386 autres au cours des quatre premiers mois de 2018.
Amnesty International a découvert que les autorités retiennent les personnes devant être expulsées dans des centres de détention et des cellules de police. Le rapport décrit également un cas où les autorités ont placé des enfants dans un foyer durant la détention de leur mère.
Amnesty International a observé des conditions inacceptables dans des centres de détention - surpopulation, non respect du droit à la vie privée, manque d’hygiène dans les douches et les salles de bains, et literie inadéquate. Plusieurs personnes ont déclaré à l’organisation qu’elles avaient subi des mauvais traitements lors de leur arrestation ou en détention, notamment qu’il leur avait été demandé d’accorder des faveurs sexuelles en échange de serviettes hygiéniques et de savon.
« Certains gardiens nous traitent comme des animaux », a déclaré à Amnesty International un homme détenu dans une cellule de police à Rio Canario.
« Les allégations de mauvais traitements, de recours excessif à la force et d’autres formes de violations durant les arrestations et en détention sont consternantes. Les autorités de Curaçao doivent immédiatement mettre fin à ces pratiques et diligenter dans les meilleurs délais des enquêtes impartiales, indépendantes et efficaces sur toutes les allégations de violations des droits humains », a déclaré Erika Guevara-Rosas.
L’état d’urgence a été décrété au Venezuela en janvier 2016, et les dissidents sont visés par des descentes, des manœuvres de harcèlement et des actes d’intimidation. Les graves crises alimentaire et sanitaire continuent à empirer, touchant en particulier les enfants, les personnes atteintes de maladies chroniques et les femmes enceintes. Selon les Nations unies, quelque 2,3 millions de Vénézuélien-ne-s ont fui cette crise sans précédent dans leur pays, parmi lesquels 5 000 à 15 000 personnes en situation irrégulière se trouveraient actuellement à Curaçao.
En mars 2018, le Haut-Commissariat pour les réfugiés [Nations unies] a annoncé qu’une très forte proportion de Vénézuélien-ne-s ayant quitté leur pays ont besoin d’une protection internationale. Les autorités de Curaçao ne proposent cependant aucune protection aux Vénézuélien-ne-s ayant cherché refuge sur l’île, à 70 kilomètres de leur pays. Si le gouvernement de Curaçao affirme qu’une procédure d’asile est en place, des personnes venues du Venezuela ont affirmé à Amnesty International qu’il est dans les faits presque impossible d’obtenir une protection.
« J’ai appelé le poste de police afin d’avoir des renseignements sur le lieu où je pouvais déposer une demande de protection. Le policier a ri et m’a répondu qu’il n’existait pas de procédure de ce genre », a déclaré un membre vénézuélien d’une organisation humanitaire.
Amnesty International demande aux autorités de Curaçao de garantir les droits des demandeurs et demandeuses d’asile et des réfugié-e-s, en mettant en place une procédure d’asile juste et efficace. Elles ne devraient recourir à un placement en détention qu’en dernier recours, ainsi que le prescrit le droit international relatif aux droits humains, et doivent mener dans les meilleurs délais des enquêtes rigoureuses, indépendantes et impartiales sur l’ensemble des allégations de violations des droits humains lors d’arrestations et en détention.
Étant donné que Curaçao fait partie du royaume des Pays-Bas, ce dernier a également le devoir de protéger les droits humains sur l’île. Amnesty International demande au royaume des Pays-Bas de garantir les droits fondamentaux des migrant-e-s, demandeurs et demandeuses d’asile, et réfugié-e-s dans tous les pays qui le constituent.
« Le royaume des Pays-Bas doit enquêter sur ce qui se passe à Curaçao et offrir son soutien et son aide afin que les nouveaux arrivants reçoivent la protection dont ils ont besoin. Le royaume ne peut faire la sourde oreille quand les droits fondamentaux de personnes sont bafoués », a déclaré Erika Guevara-Rosas.