Le projet de loi de finances a été adopté aujourd’hui par le Parlement danois. L’intention qui sous-tend ce texte est, entre autres choses, de rendre les conditions aussi difficiles que possible pour les femmes, les hommes et les enfants qui veulent trouver la sécurité au Danemark. L’un des grands changements introduits par l’accord sur lequel est basé ce projet de loi de finances consiste à maintenir les réfugiés dans une situation provisoire, et à passer de l’intégration au rapatriement.
Selon Amnesty International, les mesures relatives à l’immigration n’aideront pas les réfugiés à pouvoir un jour contribuer à la reconstruction de leur pays : bien au contraire, si elles sont intégrées dans le droit du pays, ces initiatives briseront ces personnes.
« Amnesty International est très préoccupée par le fait que le Danemark envisage actuellement d’utiliser la notion de "situation provisoire" pour créer des conditions de vie extrêmement difficiles pour les personnes qui cherchent la sécurité dans ce pays », a déclaré Trine Christensen, directrice d’Amnesty Danemark.
Le dénuement utilisé comme arme de dissuasion
Le gouvernement danois et le Parti populaire danois veulent réduire le montant des prestations sociales accordées aux réfugiés vivant au Danemark. Cela pourrait conduire à une réduction de ces allocations de 2 000 DKK par mois pour les parents isolés et de 1 000 DKK par mois pour les couples, alors que le montant de ces prestations sociales est déjà faible.
De plus, à partir de janvier 2019, les municipalités ne seront plus obligées de garantir un logement permanent pour les réfugiés, qui seront ainsi peut-être soumis au stress lié au fait d’être déplacés d’un endroit à l’autre.
« Si ces mesures sont adoptées et intégrées dans la loi, les réfugiés seront contraints à la pauvreté et à une insécurité permanente. Cela va briser des personnes qui ont le droit de recevoir une aide de la part du Danemark, en particulier si le gouvernement veut que ces personnes retournent un jour dans leur pays déchiré par la guerre pour participer à sa reconstruction », a déclaré Trine Christensen.
L’on sait, documents à l’appui, que le faible montant actuel des prestations sociales accordées aux personnes ayant le statut de réfugiées permet déjà difficilement de faire face aux besoins les plus élémentaires.
Le gouvernement danois a indiqué que les changements envisagés quant à la politique migratoire du pays vont favoriser une baisse du chômage et l’autosuffisance pour les réfugiés.
Le centre pour le renvoi des étrangers indésirables installé sur une île
Autre point préoccupant : l’installation d’un centre de renvoi sur l’île danoise de Lindholm pour les étrangers pour un « séjour toléré ». Sont concernés les étrangers qui ont été déclarés coupables de crimes graves au Danemark ou à l’étranger, et qui ne peuvent pas être extradés car ils risqueraient alors d’être condamnés à mort, persécutés ou torturés, entre autres.
Les demandeurs d’asile déboutés déclarés coupables d’une violation du Code pénal seront eux aussi placés sur l’île de Lindholm, avec des étrangers qui ont été expulsés du Danemark parce qu’ils ont commis un crime ou à des fins de sécurité nationale, quand leur pays refuse de les reprendre.
« Le gouvernement et le Parti populaire danois indiquent à plusieurs reprises, dans le texte final de cet accord politique, que le Danemark entend respecter les conventions relatives aux droits humains. Amnesty s’en félicite, mais se demande comment cela pourra être possible dans la pratique alors que des personnes seront soumises à des restrictions de leurs libertés sur l’île de Lindholm et ne seront plus en mesure d’avoir une vie de famille », a déclaré Trine Christensen.
Dans les faits, les conditions auxquelles seront soumises ces personnes constitueront une forme de détention puisque l’accès au Danemark continental est limité et se fait par ferry. En conséquence, les personnes placées sur cette île auront du mal à rendre visite à leurs proches et à leurs amis, et elles seront en outre soumises à l’obligation de se signaler quotidiennement.
Dans les faits, les conditions auxquelles seront soumises ces personnes constitueront une forme de détention puisque l’accès au Danemark continental est limité et se fait par ferry
Cette île est actuellement utilisée par l’Université danoise de technologie qui y effectue des recherches et des expériences sur des virus et d’autres agents pathogènes sur des animaux. Elle ne sera donc pas prête à accueillir le centre pour les renvois avant 2021. Le centre pour les renvois doit, d’après le projet en question, accueillir jusqu’à 125 personnes et il coûtera près de 100 millions d’euros sur les quatre ans à venir.
Séparation des familles
Le troisième point qui inquiète Amnesty International concerne une mesure visant à permettre au ministère de l’Intégration d’établir un plafond pour le nombre total de personnes qui pourront chaque mois rejoindre des membres de leur famille au Danemark. Cette proposition est très vague quant aux conditions qui sont nécessaires pour que le ministère impose par décret un tel plafond, mais il évoque des situations incluant un afflux massif de demandeurs d’asile et « où la cohérence sociale est menacée ».
« Si le ministère décide d’instaurer un tel plafond, il s’agira d’une mesure très arbitraire et problématique vis-à-vis des conventions internationales signées par le Danemark. Le projet actuel prévoit seulement d’octroyer ce pouvoir au ministre, ce que nous trouvons très préoccupant en particulier en l’absence de définitions juridiques préétablies et impartiales », a déclaré Trine Christensen.
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Le vote de ce jour au Parlement danois porte sur la loi de finances pour 2019, qui prévoit la répartition générale des fonds publics mais n’inclut pas de mesures concrètes, qui sont elles exposées dans l’accord politique sur lequel repose la loi de finances. Les mesures concrètes, mentionnées dans ce texte, feront l’objet de débats distincts début 2019.