Excellences, Mesdames et Messieurs, chers collègues et ami·e·s,
Amnesty International est très heureuse de participer à cet événement aujourd’hui. Je ne représente pas seulement mon organisation : mes remarques constituent en fait une déclaration conjointe de 12 organisations de la société civile, notamment Amnesty International, Geneva Human Rights Platform (Geneva Academy), International Service for Human Rights et les ONG qui constituent le Réseau d’ONG pour les organes de traités de l’ONU, qui travaillent en étroite collaboration avec les organes conventionnels des droits humains et qui accordent une très grande importance à leur contribution au renforcement du droit international relatif aux droits humains et à sa mise en œuvre au niveau national.
Le quatrième rapport biennal du Secrétaire général sur la situation du système des organes conventionnels des droits de l’homme intervient à un moment crucial pour le système des organes conventionnels. Depuis près de quatre ans à présent, les organes conventionnels, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), les États membres et la société civile travaillent ensemble pour proposer de nouvelles solutions en vue de renforcer le système des organes conventionnels. Cela apparaît dans les nombreuses et précieuses recommandations formulées dans le rapport des cofacilitateurs dans l’examen intergouvernemental de la mise en œuvre de la résolution 68/268 en 2021.
Comme l’indique le dernier rapport en date du Secrétaire général, le système des organes conventionnels se trouve actuellement à la croisée des chemins.
L’une des principales recommandations formulées dans le rapport des cofacilitateurs vise à ce que les organes conventionnels mettent en place un calendrier d’examens prévisible pour tous les États parties. Lors de la réunion des président·e·s des organes conventionnels, en juin, tous les organes conventionnels recevant des rapports périodiques ont accepté de mettre en place un tel calendrier, avec des examens complets tous les huit ans et des examens de suivi à mi-parcours de chaque cycle. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture et le Comité des disparitions forcées, qui ne disposent ni l’un ni l’autre d’un système de rapports périodiques, vont mettre en œuvre des calendriers prévisibles en fonction de leur mandat spécifique.
Cet accord entre les organes conventionnels est d’une importance capitale.
Nos organisations demandent instamment aux États membres de prendre sans tarder les mesures nécessaires pour garantir un financement durable et permettre aux organes conventionnels et au HCDH de concrétiser cet accord, accord qui devra amener les organes conventionnels à mener des examens réguliers, cohérents, coordonnés et prévisibles de la mise en œuvre par les États parties de leurs obligations. Cela serait bénéfique pour toutes les parties prenantes de ce système, en permettant une amélioration de la prévisibilité, de la planification et de l’équité des examens, ainsi que des interactions régulières entre les États et les organes conventionnels et de l’efficacité, notamment avec une élimination des retards accumulés par de nombreux organes conventionnels concernant les rapports nationaux. Cet accord peut également permettre de faciliter la participation des États membres de l’ONU qui disposent de ressources limitées, et de favoriser la participation des sociétés civiles nationales.
Cependant, afin de permettre une mise en œuvre efficace des calendriers d’examens prévisibles sur huit ans, il va falloir accroître de façon considérable les effectifs du HCDH afin d’aider les organes conventionnels à accomplir leur travail. Les besoins sont évoqués dans le dernier rapport en date du Secrétaire général.
Nous insistons sur le fait que les États membres doivent comprendre que le HCDH va devoir disposer de ressources supplémentaires pour que les organes conventionnels soient en mesure de mener des examens réguliers de tous les États parties. De plus, des ressources supplémentaires vont être nécessaires pour les « examens de suivi » intermédiaires qui sont un élément essentiel du calendrier d’examens prévisible, qui ne doivent pas être négligés et qui pallient de longues périodes d’inattention. Les ressources doivent aussi être utilisées pour améliorer l’accessibilité des procédures, notamment avec la participation à distance et l’accessibilité pour les personnes handicapées, ce qui bénéficiera aux États membres, aux institutions nationales des droits humains et aussi aux organisations de la société civile.
Nos organisations tiennent également à souligner que les organes conventionnels ont besoin d’une aide pour augmenter les effectifs du Groupe des requêtes afin de faire avancer le travail sur les nombreuses requêtes individuelles qui sont en attente d’examen, et nous insistons sur le fait que cela doit comprendre un soutien au HCDH, avec des ressources du budget ordinaire et des fonds extrabudgétaires, pour ses initiatives d’informatisation des systèmes de gestion des cas et de la documentation du Groupe des requêtes, et aussi pour la création d’un portail de soumission en ligne des requêtes, comme l’a indiqué le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) dans son premier rapport sur le projet de budget-programme pour 2023 [§ VI.39]. Les retards accumulés par les organes conventionnels concernant les requêtes sont considérables et elles donnent lieu à de graves incertitudes pour les États, font peser les contraintes sur les requérant·e·s et, en fin de compte, affaiblissent le droit à un recours international utile dans les cas où les systèmes judiciaires nationaux n’ont pas fonctionné.
Nous souhaitons un système des organes conventionnels des droits humains qui soit doté des ressources suffisantes pour l’exécution de toutes les activités prévues par leur mandat, qui garantisse des rapports réguliers de la part des États parties, et qui promeuve la cohérence et un meilleur respect par les États parties de leurs obligations en matière de droits humains. Il revient à présent aux États membres de mettre en œuvre concrètement ces recommandations pour de nouvelles modalités. Les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour que le HCDH reçoive ces ressources, notamment :
• en encourageant le Secrétaire général à demander une hausse du budget ordinaire pour le système des organes conventionnels et en soutenant les futures demandes de financement pour les organes conventionnels dans le Projet de budget-programme pour 2024 ;
• en soutenant la demande du HCDH formulée dans son appel annuel pour 2023 pour des ressources extrabudgétaires en vue de l’amélioration des modalités pour le Groupe des requêtes ; et
• en prenant des mesures intergouvernementales qui expriment clairement le soutien apporté par les États au calendrier des examens prévisible approuvé par les président·e·s, notamment en recevant favorablement le nouveau Rapport biennal du Secrétaire général sur la situation du système des organes conventionnels des droits de l’homme, que la Troisième Commission examinera dans les prochaines semaines.
Signataires :
— Amnesty International
— Geneva Human Rights Platform (Geneva Academy)
— Service international pour les droits de l’homme
— Jacob Blaustein Institute for the Advancement of Human Rights
— Réseau d’ONG pour les organes de traités de l’ONU :
- Centre pour les droits civils et politiques
- Child Rights Connect
- Convention against Enforced Disappearances Initiative
- Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels
- International Disability Alliance
- Mouvement international contre toutes les formes de discrimination et de racisme
- International Women’s Rights Action Watch Asia Pacific
- Organisation mondiale contre la torture