Dernier épisode en date pour saper l’indépendance du barreau malaisien

Les autorités malaisiennes doivent abandonner l’enquête pour sédition ouverte contre quatre avocats du barreau malaisien, en lien avec une motion approuvée par leur organisation appelant à la démission du procureur général. Cette enquête représente le dernier épisode en date des mesures prises par les autorités pour harceler et intimider ceux qui critiquent le gouvernement et pour saper l’indépendance du barreau malaisien, qui est l’unique organe représentant les avocats en exercice en Malaisie péninsulaire.

Le 19 mars 2016, lors de l’assemblée générale annuelle du barreau malaisien, une motion a été proposée appelant le procureur général, Mohamed Apandi Ali, à démissionner à la suite de sa gestion d’une affaire de corruption impliquant le Premier ministre Najib Razak, lié au détournement de centaines de millions de dollars des États-Unis provenant d’une société d’investissement publique, la 1Malaysia Development Berhad (1MDB). Cette motion a été approuvée par 744 membres du barreau, 62 d’entre eux l’ayant rejetée et 12 s’étant abstenus.

À la suite de l’adoption de la motion, le 31 mars 2016, la police a appréhendé quatre avocats – Karen Cheah, secrétaire du barreau malaisien, Charles Hector Fernandez, Francis Pereira et Shanmugam Ramasamy – pour les interroger. Ces quatre personnes font actuellement l’objet d’une enquête au titre de l’article 4-1-a de la Loi de 1948 relative à la sédition.

Amnesty International pense que toute personne, y compris les avocats, a le droit d’exprimer ses idées, de débattre au sujet de questions d’intérêt général, et de participer à des débats publics sans avoir à craindre des représailles. Les lois qui restreignent indument l’accès aux informations publiques et qui sont utilisées pour intimider les personnes qui veulent dénoncer publiquement des abus commis par des agents de l’État, vont à l’encontre du droit à la liberté d’expression.

Depuis les élections législatives de 2013, la Loi relative à la sédition – une loi draconienne qui date de l’époque coloniale – est l’outil répressif privilégié du gouvernement du Premier ministre Najib Razak, qui y a recouru pour réduire au silence, harceler et placer en détention des centaines de contestataires en Malaisie. L’an dernier, cette loi a été utilisée contre les personnes qui faisaient état publiquement des allégations de corruption mettant en cause le Premier ministre.

Amnesty International demande aux autorités malaisiennes d’abroger de toute urgence la Loi relative à la sédition, et d’annuler toutes les déclarations de culpabilité prononcées contre des personnes condamnées en vertu de ce texte qui n’avaient fait qu’exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’expression. Les autorités doivent également veiller à ce que ces personnes soient libérées immédiatement et sans condition.

L’enquête visant ces quatre avocats s’inscrit dans le cadre d’un vaste mouvement de répression de la liberté d’expression et des dissidents politiques en Malaisie. Dans un récent rapport, Amnesty International met en lumière le fait qu’en 2015, 91 personnes au moins, dont des défenseurs des droits humains, des militants politiques, des journalistes, des universitaires et des opposants politiques, ont fait l’objet d’enquêtes ou été arrêtées ou inculpées au titre de la Loi de 1948 relative à la sédition. Parmi les autres lois utilisées pour faire taire les voix critiques figurent la Loi de 1984 relative à la presse et aux publications, la Loi de 1998 sur les communications et le multimédia, la Loi de 2012 relative aux rassemblements pacifiques et la Loi de 2012 sur les atteintes à la sécurité (Mesures spéciales).

Amnesty International exhorte le gouvernement malaisien à prendre immédiatement les mesures nécessaires pour abroger ou modifier toutes les lois qui restreignent de manière inutile et disproportionnée l’exercice des droits aux libertés d’expression et de réunion pacifique, afin de se conformer au droit international et aux normes internationales relatifs aux droits humains.

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