Communiqué de presse

Des organisations de défense des droits humains demandent aux autorités libanaises de mettre un terme aux violations commises par les agences de sécurité contre les étrangers

Les pratiques racistes et illégales contre les travailleurs étrangers et les réfugiés au Liban sont en augmentation. Le dernier exemple en date à cet égard est intervenu le 7 octobre. Ce jour-là, des membres de l’armée libanaise ont effectué une descente chez 70 travailleurs syriens, égyptiens et soudanais habitant à Beyrouth, à la suite de plaintes de certains habitants contre ces travailleurs, accusés de « harceler les filles et de déranger les riverains ». Les immigrés ont été frappés pendant l’opération.

Les actes contre les personnes et leurs biens sacrés ne sont absolument pas acceptables, qu’ils soient commis par des citoyens du pays ou des étrangers. Les personnes visées ont le droit de saisir l’autorité publique compétente afin de faire cesser les attaques et d’obtenir que des poursuites pénales soient ouvertes contre les auteurs présumés. Il est toutefois également inacceptable d’agir en dehors du cadre légal et d’apporter une réponse exagérée – que les personnes impliquées soient des citoyens du pays ou des étrangers. L’usage de la force par les forces de sécurité n’est pas admissible, sauf dans les cas de nécessité exceptionnelle et extraordinaire – par exemple une résistance violente ou des attaques contre les forces de l’ordre et la sécurité publique qui ne peuvent être stoppées que par l’utilisation de la force, et dans la mesure où celle-ci est proportionnée à l’acte ou au risque existants. Nous sommes très préoccupés par le fait que cet incident est peut-être intervenu parce que les personnes mises en cause sont des étrangers, qui sont méprisés, exclus et laissés sans protection.

En tout état de cause, ce qui s’est passé doit être considéré comme une violation des droits humains. Un certain nombre de violations sont en effet attachées aux faits en question :

I. Le dépôt d’une plainte contre certains individus qui ont pu importuner les riverains ne signifie pas que tous les membres du groupe auquel appartiennent les individus mis en cause doivent être punis – ni non plus les travailleurs qui ont pu se trouver sur les lieux au moment de la descente. La façon dont l’opération a été menée est empreinte de xénophobie, de même que le contenu du communiqué publié par la Direction d’orientation de l’armée libanaise, qui affirmait que « les opérations de perquisition, associées d’enquêtes, se poursuivront dans les lieux qui abriteraient des ouvriers étrangers de différentes nationalités ayant porté atteinte aux citoyens ».

II. L’autorité compétente pour enquêter sur des crimes ou délits présumés est la police judiciaire, qui agit sous les ordres et le contrôle de l’autorité judiciaire. La police judiciaire peut – en cas d’urgence et dans des circonstances exceptionnelles – requérir l’appui de l’armée libanaise ; nous ne voyons toutefois dans les faits dont il est question aucun motif politique ou de sécurité susceptible de justifier une intervention de l’armée.

III. Le fait que les forces de sécurité aient le devoir de mettre un terme aux « atteintes contre les citoyens » et aux « atteintes à la pudeur » ne leur donne pas le droit de punir les auteurs de ces actes – ou alors elles agiraient comme si elles avaient rendu un verdict contre ces personnes et mettaient en application la sanction prononcée, alors que seul l’appareil judiciaire est habilité à prononcer des jugements et à appliquer des peines. La justice se prononce après avoir fait conduire par des experts des enquêtes légales, et émet une décision en bonne et due forme au nom du peuple libanais.

IV. Un double problème apparaît à la lecture des deux communiqués de la Direction d’orientation de l’armée libanaise : premièrement une violation des pouvoirs de délégation, et le lancement d’opérations militaires et de sécurité hors de tout cadre légal et sans en référer aux autorités politiques et judiciaires, ce qui est un manquement très grave, du type de ceux que l’on ne voit que sous les régimes totalitaires où l’état de droit est absent ; deuxièmement, la xénophobie présente dans ces communiqués, en particulier celui du 11 octobre, dans lequel l’armée libanaise invite « toutes les personnes ayant subi n’importe quel genre de préjudice à contacter les forces sécuritaires et militaires, pour que celles-ci puissent intervenir rapidement et mettre un terme à ces pratiques », et insiste sur le fait qu’elle va poursuivre ses opérations de sécurité pour s’occuper de « l’intérêt des citoyens », au mépris du rôle du parquet.

Les organisations signataires de la présente déclaration dénoncent cette atteinte à la sécurité et à la liberté des personnes, et demandent que les autorités exécutives sous la responsabilité desquelles sont placées les forces de sécurité et l’armée libanaise s’acquittent de leur devoir de protéger de la même manière les citoyens du pays et les étrangers contre toutes les attaques.

Nous demandons également que la justice intervienne pour mettre un terme à ces pratiques, ouvre sans délai une enquête sur les événements qui se sont déroulés le 7 octobre et sanctionne tous les auteurs de violations des droits humains, quelle que soit l’agence à laquelle ils appartiennent – y compris les membres des forces de sécurité et de l’armée. Nous demandons également aux autorités d’appliquer et de faire appliquer les dispositions de la Constitution et de la législation libanaises, ainsi que les obligations du Liban au regard des normes internationales – en particulier le droit à la sécurité personnelle et physique, le principe d’égalité de tous devant la loi et le droit d’exercer tous ses droits et obligations sans discrimination fondée sur la couleur de la peau, la race, l’appartenance ethnique, l’opinion politique ou tout autre considération. Nous demandons enfin le respect des principes de responsabilité et de séparation des pouvoirs, et de ceux consacrés par la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

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