Des Syriens décrivent la torture en détention, tandis que les autorités procèdent à des arrestations de masse

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

3 mai 2011

Index AI : PRE01/233/2011

Amnesty International a reçu des informations de première main émanant de personnes ayant été incarcérées en Syrie, faisant état d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, tandis que la vague d’arrestations de manifestants opposés au gouvernement s’est intensifiée au cours du weekend du 30 avril-1er mai.

Plusieurs détenus récemment remis en liberté ont parlé à l’organisation de passages à tabac et de conditions de détention très dures, ce qui fait craindre pour la sécurité de centaines d’autres personnes toujours incarcérées, parmi lesquelles 499 personnes arrêtées dimanche 1er mai lors de descentes effectuées maison par maison dans la ville de Deraa (sud du pays).

« Ces nouveaux récits alarmants de torture en détention soulignent encore une fois à quel point il est important que le président Bachar el Assad mette fin à l’offensive actuellement menée contre son propre peuple », a déclaré Philip Luther, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord.

« Le recours à une force meurtrière injustifiée, à la détention arbitraire et à la torture a tout d’un geste désespéré de la part d’un gouvernement qui ne tolère pas la contestation, et doit immédiatement prendre fin. Il faut permettre aux Syriens d’exprimer leur désir de changement de manière pacifique. »

L’armée a annoncé dimanche 1er mai avoir arrêté 499 personnes dans la seule ville de Deraa, lieu ayant accueilli un grand nombre des actions de protestation en faveur de la réforme qui ont déferlé dans le pays.

Par ailleurs, des arrestations arbitraires ont systématiquement eu lieu ces derniers jours dans d’autres villes du pays, dont El Qamishli (nord-est), az Zabadani et Madaya (à l’ouest de Damas), Duma (près de Damas) et la ville côtière de Lattaquié.

Parmi les nombreuses personnes arrêtées figurent des militants politiques et des défenseurs des droits sociaux, dont Omar Qashash, un ancien prisonnier politique âgé de 85 ans, l’avocat Hassan Abdel Azim, du parti démocratique socialiste arabe, 77 ans, et Abd al Rahman Hamada, un étudiant de 20 ans appréhendé chez lui samedi 30 avril par des membres des forces de sécurité qui recherchaient son frère, Wael. Wael Hamada et son épouse, Razan Zaitouneh, respectivement défenseur des droits humains et avocate de premier plan spécialisée dans la défense de ces droits, sont entrés dans la clandestinité.

La plupart de ces personnes sont incarcérées dans des lieux tenus secrets sans pouvoir recevoir la visite de leur famille ou de leurs avocats, ce qui ne fait que renforcer les craintes pour leur sécurité.

Deux hommes appréhendés le mois dernier dans la ville côtière de Banias ont déclaré à Amnesty International que les forces de sécurité syriennes leur avaient donné, ainsi qu’à de nombreux autres détenus, des coups de crosse de fusil sur le cou et les clavicules.

Un détenu a dit qu’après avoir été déshabillé et frappé, il avait été forcé à lécher son sang à même le sol. Il a affirmé que lui-même et plusieurs autres personnes détenues avec lui ont été frappés à l’aide de bâtons et de câbles, et ont reçu des coups de pied et de poing. Incarcéré sans nourriture pendant trois jours dans un centre de détention surpeuplé, il a ajouté qu’ils n’avaient pas eu d’autre solution que de boire l’eau sale de la cuvette des toilettes.

Amnesty International a obtenu le nom de 54 personnes tuées vendredi 29 avril, ce qui porte à 542 le nombre total de manifestants, passants et autres personnes ayant été tués au cours des six semaines de manifestations en faveur de la réforme. Le nombre exact est très certainement plus élevé.

Le nombre élevé d’homicides a été attribué aux tactiques brutales des forces de sécurité syriennes, qui ont tiré à balles réelles directement sur des manifestants et des cortèges funéraires, et ont utilisé des tanks pour pilonner des immeubles résidentiels. La semaine dernière, l’armée a assiégé Deraa, coupant l’électricité et l’eau aux habitants.

Le 29 avril, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a condamné les graves violations des droits humains actuellement perpétrées en Syrie et demandé qu’une mission d’établissement des faits soit diligentée par l’ONU.

Le gouvernement du président Bachar el Assad a accusé des « groupes terroristes armés » d’être responsables d’un soulèvement violent et d’avoir causé la mort de près de 80 membres des forces de sécurité.

Amnesty International n’a pas été autorisée à se rendre en Syrie depuis le début des manifestations. La présence des médias internationaux a également été fortement restreinte ; les journalistes étrangers ne sont généralement plus autorisés à entrer sur le territoire syrien. Al Jazira a confirmé mardi 3 mai à Amnesty International que Dorothy Parvaz une journaliste travaillant pour la chaîne, n’a pas été vue depuis son arrivée à l’aéroport de Damas en provenance du Qatar, vendredi 29 avril.

« Nous craignons qu’un grand nombre des centaines de personnes actuellement maintenues en détention par les autorités syriennes aient fait l’objet d’une arrestation arbitraire », a déclaré Philip Luther.

« Les individus appréhendés uniquement en raison de leur participation à des manifestations pacifiques sont des prisonniers d’opinion et doivent être libérés immédiatement et sans condition. Les personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction reconnue par le droit international doivent être inculpées sans délai et traduites en justice dans le cadre de procédures équitables. »

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