Des tombes devant l’ambassade d’Arabie saoudite

Ce jeudi 23 mars, pour marquer le deuxième anniversaire des premiers bombardements imputables à la coalition menée par l’Arabie saoudite au Yémen, des militants d’Amnesty International se sont mobilisés devant l’ambassade à Bruxelles pour dénoncer les crimes de guerre et autres violations graves du droit international, commis en toute impunité avec des effets dévastateurs sur les civils.

« Les deux années de conflit ont contraint trois millions de personnes à fuir leur logement, ont détruit les vies de milliers de civils et ont provoqué une véritable catastrophe humanitaire au Yémen, où plus de 18 millions de personnes ont désespérément besoin d’aide », explique Lynn Maalouf, directrice adjointe de la recherche au bureau régional d’Amnesty International à Beyrouth.

Avec des tombes de victimes civiles posées devant l’ambassade d’Arabie saoudite, les militants ont dénoncé la responsabilité des États comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni qui, en vendant des armes et du matériel militaire à l’Arabie saoudite, alimentent de graves violations. Ils rappelleront également à la Belgique, et plus particulièrement à la Région Wallonne, dont l’Arabie saoudite est l’un des principaux acheteurs d’armes, de veiller à ne pas se rendre complice des graves crimes perpétrés dans le pays.

« Depuis deux ans, l’Arabie saoudite et ses alliés - le Bahreïn, la Jordanie, le Qatar, le Maroc, l’Égypte, le Koweït, le Soudan et les Émirats arabes unis - mènent des attaques dévastatrices au Yémen, lesquelles ont pour principales victimes les civils. Ce sont des écoles, des hôpitaux, des mosquées, des marchés qui sont pris pour cibles. C’est insupportable. Nous étions ce soir devant l’ambassade d’Arabie saoudite non seulement pour rendre hommage aux victimes de ce conflit sanglant, mais aussi et surtout pour mettre l’Arabie saoudite et les gouvernements qui lui vendent des armes et du matériel militaire face à leurs responsabilités », explique Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International.

« Nous n’oublions pas que l’Arabie saoudite reste le principal client en matière de vente d’armes de la Région wallonne ; quant à la Flandre, elle a, selon nous, une vue insuffisante de l’utilisation finale qui est faite de son matériel militaire de haute technologie, avec le risque que celui-ci soit utilisé dans des avions de combat au Yémen. »

Au cours de ces deux dernières années, Amnesty International a rassemblé des informations sur un vaste éventail de violations du droit international commises par tous les belligérants dans le conflit au Yémen, dont certaines sont constitutives de crimes de guerre. Les pays qui vendent des armes à l’Arabie saoudite alimentent ces violations, qui ont des effets dévastateurs sur les civils. Par ailleurs, en agissant de cette façon, des pays comme le Royaume-Uni et les États-Unis, qui ont respectivement ratifié et signé le Traité sur le commerce des armes, mettent à mal l’esprit de ce traité.

Amnesty International demande à la communauté internationale de prendre des mesures immédiates en vue d’imposer un embargo sur les armes et de diligenter une enquête internationale crédible sur les violations flagrantes commises par toutes les parties au conflit, et au gouvernement belge de continuer à user de son influence pour presser les parties au conflit au Yémen de respecter leurs obligations au regard du droit international humanitaire. L’organisation demande par ailleurs à la Région Wallonne, en application du principe de précaution, de ne plus vendre d’armes à l’Arabie Saoudite tant que cet État sera impliqué dans un conflit armé comme au Yémen et qu’il se rend coupable de toute une série de violations des droits humains dans son propre pays.

Des violations dans tous les camps

La coalition dirigée par l’Arabie saoudite a notamment mené des raids aériens incessants, tuant et blessant des civils et détruisant des habitations, des biens et des infrastructures civils dans des attaques menées sans discrimination ou visant délibérément des biens de caractère civil. Lors de plusieurs missions de recherche au Yémen, l’organisation a recensé au moins 34 frappes aériennes imputables à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite qui ont semble-t-il bafoué le droit international humanitaire. Ces frappes ont touché six gouvernorats différents (Sanaa, Saada, Hajjah, Hodeidah, Taizz et Lahj) et ont fait au moins 494 morts parmi les civils, dont 148 enfants. Les membres de la coalition ont aussi eu recours à des bombes à sous-munitions – fabriquées aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Brésil – à Saada, Hajjah et Sanaa, alors que ce type d’armes est interdit par le droit international. Amnesty International a recueilli des informations indiquant que des enfants, entre autres civils, avaient été tués ou mutilés par des sous-munitions qui n’avaient pas explosé et étaient restées sur place après des attaques menées au moyen de ces armes frappant, par nature, sans discrimination.

L’organisation a par ailleurs enquêté sur 30 attaques lors desquelles les forces pro-Houthis et anti-Houthis ont procédé à des tirs aveugles d’artillerie, de mortier ou de roquettes dans les villes d’Aden et de Taizz, dans le sud du pays, tuant 68 civils. À Taizz, les forces anti-Houthis ont aussi harcelé et menacé du personnel de santé, fermé des hôpitaux et mis des civils en danger en stationnant des combattants et en installant des positions militaires à proximité d’établissements médicaux. Le groupe armé des Houthis et ses alliés ont pilonné sans discernement des zones habitées par des civils dans la ville de Taizz et ont mené des attaques transfrontalières, procédant à des tirs d’artillerie aveugles en direction de l’Arabie saoudite. Ces attaques ont fait des morts et des blessés parmi les civils. Amnesty International a également recueilli des éléments démontrant que le groupe armé des Houthis recrutait des adolescents parfois âgés de 15 ans seulement pour combattre sur la ligne de front.

Les Houthis ont en outre fortement réprimé la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique dans les zones placées sous leur contrôle. Avec l’aide des forces de sécurité, ils se sont rendus coupables d’arrestations arbitraires, de disparitions forcées et de torture, et ont fermé des ONG. Des détracteurs et des opposants, dont des journalistes et des défenseurs des droits humains, ont été arrêtés arbitrairement. Certains ont « disparu » ou ont été soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements en détention.

« Entre le pilonnage de zones civiles et le recrutement d’enfants soldats par le groupe armé des Houthis et les frappes aériennes illégales et l’utilisation récurrente de bombes à sous-munitions interdites par la coalition emmenée par l’Arabie saoudite, toutes les parties au conflit au Yémen ont fait preuve d’un mépris irresponsable pour la vie des civils et se sont rendues coupables de graves violations du droit international humanitaire », a déclaré Lynn Maalouf.

Une crise humanitaire

Selon les estimations, quelque 18,8 millions de personnes au Yémen sont dépendantes de l’aide humanitaire et ont désespérément besoin de nourriture, d’eau, de carburant et d’abris pour survivre. Les Nations unies ont tiré la sonnette d’alarme, soulignant que la malnutrition atteignait un tel niveau que le pays était au bord de la famine.

Au moins 4 600 civils ont été tués et plus de 8 000 blessés depuis que la coalition menée par l’Arabie saoudite a commencé ses frappes aériennes au Yémen en mars 2015, déclenchant un conflit armé ouvert.

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