Deux militants pacifistes accusés d’incitation à la violence

Les autorités cambodgiennes doivent abandonner immédiatement l’enquête criminelle motivée par des considérations politiques sur les défenseurs des droits humains Am Sam-at et Chan Puthisak, ont déclaré Amnesty International, Civil Rights Defenders, Human Rights Watch et la Commission internationale de juristes.

Sam-at, observateur des droits humains de la Ligue cambodgienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (LICADHO) depuis près de 20 ans, et Puthisak, militant des droits fonciers de la zone du lac Boeung Kak et ancien prisonnier d’opinion, ont été accusés par des responsables cambodgiens d’avoir incité à la violence lors d’une manifestation le 10 octobre 2016. La police auxiliaire, à laquelle il est régulièrement fait appel pour réprimer des manifestations, a violemment dispersé une manifestation pacifique à Phnom Penh. Une vidéo des faits montre que lorsque Puthisak a tenté d’empêcher des membres de la police auxiliaire de confisquer un tambour utilisé par un manifestant, quatre ou cinq policiers auxiliaires l’ont agressé et frappé à plusieurs reprises à la tête à coups de poing. Lorsque Sam-at a tenté d’arrêter l’agression, les policiers auxiliaires l’ont lui aussi frappé à la tête. Les deux hommes ont dû recevoir des soins médicaux pour soigner leurs blessures.

« L’enquête des autorités cambodgiennes sur Sam-at et Puthisak est un exemple type absurde et non dissimulé de harcèlement judiciaire, » a déclaré Champa Patel, directrice du Bureau régional Asie du Sud-Est et Pacifique d’Amnesty International. « Comme d’habitude, le recours injustifié et excessif à la force par des membres de la police auxiliaire reste impuni, et les personnes qui s’efforcent de promouvoir et protéger les droits humains font l’objet de procédures pénales. »

Le 4 novembre, deux membres de la police auxiliaire ont déposé une plainte auprès du tribunal de première instance de Phnom Penh, affirmant qu’ils avaient été blessés au cours de la dispersion de la manifestation. Les autorités ont ouvert une enquête sur Sam-at et Puthisak pour incitation à la violence volontaire, au titre des articles 27 et 217 du Code pénal cambodgien qui prévoient des peines allant jusqu’à trois ans de prison. Les deux hommes doivent être interrogés le 8 février par Ngin Pich, le procureur adjoint du tribunal de première instance de Phnom Penh. Rien n’indique que les plaintes déposées par Sam-at et Puthisak contre la police auxiliaire après la manifestation du 10 octobre 2016 aient été examinées.

Environ 150 personnes participaient pacifiquement à la manifestation du 10 octobre à Freedom Park, un parc désigné comme lieu de manifestation. Elles demandaient le respect du droit au logement et des droits fonciers. Les manifestants défilaient dans une rue adjacente au parc lorsque les faits ont eu lieu.

Des images vidéo montrent que la manifestation était pacifique et que Sam-at portait le gilet bleu des observateurs des droits humains lorsque les membres de la police auxiliaire l’ont attaqué.

L’enquête sur les deux hommes s’inscrit dans le cadre de mesures d’intimidation judiciaire plus vastes au Cambodge. Pas moins de 26 militants des droits humains et militants politiques sont actuellement emprisonnés pour des accusations qui ont toutes pour caractéristique principale d’être motivées par des considérations politiques. Parmi eux figurent 14 militants politiques qui ont été emprisonnés après une manifestation en juillet 2014 au cours de laquelle de violents affrontements ont éclaté entre la police auxiliaire et les manifestants. Les autorités ne semblent pas avoir pris de mesures pour traduire en justice les membres de la police auxiliaire ayant eu recours illégalement à la force.

« Les poursuites engagées contre Sam-at et Puthisak s’inscrivent dans le cadre de manœuvres plus vastes des autorités cambodgiennes visant à discréditer le travail légitime des organisations de défense des droits humains et à indiquer clairement que toute personne travaillant à la promotion et à la protection des droits dans le pays risque l’emprisonnement, » a déclaré Phil Robertson, le directeur adjoint du programme Asie d’Human Rights Watch. « Cette campagne d’intimidation contre les défenseurs des droits doit cesser immédiatement. »

La police auxiliaire (dont les membres sont souvent appelés « agents de sécurité de district ») est une force de sécurité auxiliaire à laquelle il est régulièrement fait appel pour réprimer violemment les manifestations au Cambodge. Aucun document juridique n’établit les règles régissant ses fonctions et ses pouvoirs. Au contraire, les bases juridiques et les règles régissant ses activités sont déterminées par un ensemble peu clair de déclarations et de politiques du gouvernement et par des instructions du ministère de l’Intérieur. La police auxiliaire travaille en coopération avec la police sous l’autorité des gouverneurs de districts.

« Le gouvernement cambodgien devrait saluer les personnes comme Sam-at et Puthisak pour leur travail de promotion et de défense des droits humains plutôt qu’essayer de les intimider, » a déclaré Kingsley Abbott, conseiller juridique international pour la Commission internationale de juristes. « Cette affaire doit être immédiatement et officiellement close, et une véritable enquête devrait être ouverte sur le recours illégal à la force par la police auxiliaire. »

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