Alors que les négociations concernant la formation d’un gouvernement d’union nationale sont en cours, le journaliste Abdelsalam al Shahoumi, enlevé sous la menace d’une arme sur son lieu de travail à Tripoli, est une victime de plus d’une série d’enlèvements qui se poursuit sans relâche.
Amnesty International appelle les autorités libyennes et tous les groupes qui contrôlent le terrain à permettre la libération immédiate et sans condition d’Abdelsalam al Shahoumi, ainsi qu’à veiller à ce qu’il soit protégé de la torture et de toute autre forme de mauvais traitement.
Le 16 décembre 2015 en fin de matinée, quatre véhicules identifiés par des témoins comme appartenant à la « brigade al Burkan » se sont arrêtés devant le Centre de développement des nouveaux médias, situé à Hay al Andalus, une banlieue de Tripoli, où Abdelsalam al Shahoumi travaillait en tant que spécialiste multimédia. Des hommes armés ont surgi dans le bâtiment, en brandissant ce qu’ils ont présenté comme un mandat d’arrêt décerné à l’encontre d’Abdelsalam al Shahoumi par le chef d’état-major du gouvernement de salut national de Tripoli. Selon des témoins, ils ont alors emmené Abdelsalam al Shahoumi dans l’un des véhicules et volé la voiture du patron de l’entreprise en partant. Depuis, on ignore le sort d’Abdelsalam al Shahoumi et le lieu où il se trouve, ses proches n’ayant eu aucune nouvelle de lui ni de ses ravisseurs.
Amnesty International craint qu’Abdelsalam al Shahoumi n’ait été enlevé et ne soit détenu uniquement en raison de ses opinions et de son militantisme. L’organisation redoute également qu’il ne soit exposé au risque d’être torturé ou soumis à d’autres formes de mauvais traitements, car ces pratiques demeurent répandues dans les centres de détention en Libye, qu’ils soient officiels ou non. Père de deux enfants, Abdelsalam al Shahoumi a contribué activement à des initiatives en faveur de la liberté de parole et d’expression en Libye. Il a notamment déploré la présence de milices à Tripoli, en partageant régulièrement ces critiques et d’autres opinions avec de nombreux amis et confrères des médias. D’après sa famille, le fait que ses ravisseurs n’aient pas tenté de la contacter ni de demander une rançon laisse penser qu’il a été enlevé à titre de représailles pour ses opinions.
Son père a déclaré à Amnesty International : « Le pire, c’est de ne pas savoir. En tant que père, je veux juste savoir où il est. » Aux termes du droit international humanitaire, qui continue d’être applicable en Libye, les autorités de Tripoli et tous les groupes armés qui agissent en leur nom ont l’obligation d’informer les familles du sort et du lieu de détention de leurs proches arrêtés et de veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et autorisées à communiquer avec leur famille.
Des défenseurs des droits humains, des avocats et des journalistes sont régulièrement la cible d’enlèvements, d’assassinats et de menaces depuis 2014. Beaucoup ont subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements ; certains ont notamment été frappés à coups de tuyau en plastique, fouettés et soumis à des décharges électriques.
Abdel Moez Banoun, militant des droits politiques et blogueur, est porté disparu depuis 566 jours. Il a été enlevé le 24 juillet 2014, après s’être opposé énergiquement à l’extension du mandat du Congrès général national le mois précédent et avoir organisé des manifestations contre la présence de milices à Tripoli. On ignore ce qu’il est devenu et où il se trouve depuis lors.
L’enlèvement d’Abdelsalam al Shahoumi sous la menace d’une arme en plein jour dans un quartier populaire de Tripoli met en lumière l’impunité qui entoure ce type d’agissements. À la connaissance d’Amnesty International, aucun membre des milices ou des forces de sécurité n’a été traduit en justice pour les enlèvements, les actes de torture et les autres graves violations commises depuis le début du conflit armé entre les factions libyennes rivales au milieu de l’année 2014.
L’organisation demande la libération immédiate de toutes les personnes détenues uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression ou en raison de leur origine ou de leurs opinions politiques. Elle engage également les autorités de Tripoli et toutes les parties aux conflits en cours à informer les familles du sort de leurs proches enlevés, à condamner publiquement les atteintes aux droits humains, y compris les enlèvements, et à prendre des mesures pour les empêcher.