Dissolution d’un mouvement politique : l’intensification de la répression se poursuit

La dissolution par les autorités bahreïnites du principal mouvement politique du pays, qui intervient quelques semaines seulement après que la peine d’emprisonnement prononcée contre son dirigeant a été plus que doublée en appel, constitue clairement une attaque contre les libertés d’expression et d’association et vise à réduire au silence les opposants et les contestataires, a déclaré Amnesty International.

Le 17 juillet, une juridiction bahreïnite a prononcé la dissolution d’Al Wefaq, à la suite de la suspension de ses activités, de la fermeture de ses bureaux et du gel de ses avoirs ordonnés le 14 juin. Al Wefaq dispose de 14 jours pour faire appel de cette décision.

Amnesty International considère que cette décision porte atteinte aux libertés d’expression et d’association. Les autorités bahreïnites n’ont présenté aucun élément de preuve crédible qui aurait pu montrer qu’Al Wefaq est autre chose qu’un mouvement d’opposition pacifique.

Le fait d’encourager les mouvements de protestation pacifique, de critiquer pacifiquement les autorités et la législation bahreïnites, et d’appeler la communauté internationale à soutenir activement la mise en place de véritables réformes à Bahreïn ne constitue pas un motif légitime pour ordonner la dissolution d’Al Wefaq ou de tout autre mouvement d’opposition pacifique.

Parmi les chefs d’accusation examinés par le tribunal figurent ceux selon lesquels Al Wefaq a prôné la violence dans plusieurs tweets en 2015, encouragé la tenue de défilés et de sit-in incitant à une opposition sectaire, et exprimé sa solidarité avec une personne condamnée pour incitation à la haine contre le régime, à savoir le secrétaire général d’Al Wefaq, Ali Salman.

Amnesty International considère Ali Salman comme un prisonnier d’opinion, cet homme ayant été emprisonné injustement à la suite d’accusations selon lesquelles il aurait incité à la haine, encouragé la désobéissance et critiqué les institutions publiques. En mai, une cour d’appel a plus que doublé la durée de sa peine d’emprisonnement, l’amenant à neuf ans.

La décision de dissoudre Al Wefaq mentionne également que ce mouvement a contesté à plusieurs reprises la constitution du pays et les autorités, dit que le Parlement bahreïnite était sans valeur et illégitime, utilisé des lieux de culte en tant que plateformes politiques et appelé à un boycott économique au moment du procès d’Ali Salman.

Amnesty International estime que cette décision de justice ne s’appuie sur aucun élément permettant d’affirmer que les tweets en question ont « soutenu » le recours à la violence ou incité à la violence.

La décision de dissolution devait être appliquée en octobre, mais les autorités bahreïnites ont accéléré la procédure afin de la mettre en œuvre en juin. Lors de l’audience du 28 juin, les avocats d’Al Wefaq se sont retirés de l’affaire en signe de protestation contre le fait que le tribunal les avait empêchés d’avoir accès aux locaux d’Al Wefaq, expliquant que cela les avait privés de la possibilité de préparer une défense efficace. Le tribunal a rejeté pour des raisons de procédure la requête d’un autre avocat qui demandait de pouvoir représenter Al Wefaq.

Al Wefaq a souligné de nombreuses fois son engagement en faveur de la non-violence, notamment lors du soulèvement de 2011. Les autorités bahreïnites ont à maintes reprises bafoué les droits humains de militants politiques pacifiques. La dissolution d’Al Wefaq prouve une fois de plus que la contestation pacifique n’est pas tolérée à Bahreïn.

Dans une autre affaire liée à celle-ci, le 17 juillet, le parquet a inculpé le chef spirituel d’Al Wefaq, l’ayatollah Issa Qassem, de collecte illégale de fonds et de blanchiment d’argent. Il a été arbitrairement déchu de la nationalité bahreïnite le 20 juin. Son procès débutera en août.

La dissolution d’Al Wefaq intervient à la suite de deux mois d’intensification de la répression dans le pays ; au cours de cette période, le défenseur des droits humains Nabeel Rajab a été arrêté et jugé, d’autres défenseurs des droits humains ainsi que des journalistes et d’anciens prisonniers d’opinion se sont vu infliger une interdiction de voyager, et Taimoor Karimi, un avocat bahreïnite arbitrairement déchu de sa nationalité en 2012, a fait l’objet d’une expulsion forcée.

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