Des dizaines de milliers risquent d’être expulsés de force

Les autorités de l’État de Lagos, au Nigeria, doivent immédiatement abandonner leur projet visant à démolir toutes les structures informelles des quartiers situés en bordure des voies d’eau à travers l’État dans les trois jours à venir, qui laisserait des dizaines de milliers de personnes sans domicile et sans ressources, a déclaré Amnesty International jeudi 13 octobre.

Des dizaines de milliers de personnes vivant dans des quartiers situés le long de cours d’eau, dont la majorité appartiennent à des populations pauvres vivant de la pêche, risquent d’être expulsées de force. Le projet des autorités de l’État de Lagos de démolir les structures informelles vise à renforcer la sécurité, après une augmentation du nombre d’enlèvements à Lagos.

Aux termes du droit international, les autorités nigérianes ne peuvent pas recourir à des expulsions forcées à titre de sanctions.

« Si le gouvernement doit se préoccuper de la question des enlèvements, détruire des logements et expulser de force des dizaines de milliers de personnes de chez elles ne pourra jamais constituer une réponse conforme au droit », a déclaré Morayo Adebayo, d’Amnesty International Nigeria. « De nombreuses personnes vivant dans ces quartiers travaillent au bord de la lagune de Lagos ou à proximité, et l’incertitude quant à leur futur est terrifiante.

« En essayant de chasser ces résidents des zones situées en bordure d’eau sans leur donner plus d’une semaine de préavis, ni organiser de véritable consultation ou proposer une indemnisation ou des logements de remplacement, les autorités de l’État de Lagos violent en toute insouciance le droit international relatif aux droits humains. Nous exhortons les autorités à renoncer immédiatement à leur projet d’expulsion forcée des populations vivant au bord de l’eau dans l’État de Lagos. »

Le lendemain de l’annonce du gouverneur, Amnesty International a rencontré le Baale (chef traditionnel) de la communauté de pêcheurs d’Illubirin, Peter Simenou, qui a déclaré : « Hier, le gouverneur est venu, il nous a dit que nous devions partir dans les sept jours. Alors nous lui avons répondu [...] nous sommes des pêcheurs, nous n’avons nulle part d’autre où aller. Il nous a répliqué qu’il nous avait dit tout ce qu’il avait à dire, et il n’a rien ajouté. »

Amnesty International demande au gouvernement de l’État de Lagos de suspendre son projet de démolition des structures informelles situées en bordure des voies d’eau dans l’État, et de veiller à ce que les expulsions forcées ne soient pas utilisées comme une sanction ou comme un instrument de répression.

Même dans les situations où des expulsions sont considérées comme justifiées, les gouvernements ont l’obligation de veiller à ce qu’elles respectent strictement le droit international, et soient notamment raisonnables et proportionnelles. Les gouvernements doivent envisager toutes les autres solutions possibles, en concertation avec les populations concernées. Toute personne visée par un arrêté d’expulsion doit recevoir une notification écrite et un préavis raisonnable.

D’autres garanties d’une procédure régulière doivent être respectées, y compris la possibilité de se voir accorder des voies de recours et d’obtenir une indemnisation. Les gouvernements doivent garantir que nul ne soit sans domicile et proposer une solution de relogement satisfaisante à toutes les personnes qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins.

« Il est sidérant que l’État de Lagos n’ait toujours pas de loi interdisant les expulsions forcées et garantissant le droit au logement. Les autorités doivent établir un moratoire sur les expulsions de masse jusqu’à ce qu’une règlementation soit en place afin que les expulsions soient conformes aux normes internationales », a déclaré Morayo Adebayo.

Complément d’information

Akinwunmi Ambode, le gouverneur de l’État de Lagos, s’est rendu à Ilubirin, un quartier en bordure des voies d’eau dimanche 9 octobre 2016, et a annoncé que la démolition de toutes les cabanes à Lagos commencerait une semaine plus tard. Cette information a été confirmée à Amnesty International par le responsable des relations publiques de l’Agence de contrôle du logement de l’État de Lagos. Il a précisé à Amnesty International que les démolitions concerneraient toutes les cabanes situées au bord de l’eau.

Les autorités de l’État de Lagos ont ajouté que les démolitions programmées font suite à une augmentation du nombre d’enlèvements, dont les structures informelles sont selon elles une des principales causes, qualifiant ce type de quartiers de « menaces à la sécurité ». Sur le site Internet officiel du gouvernement de l’État de Lagos, Steve Ayorinde, commissaire chargé de l’information, déclare : « Le gouvernement a pris les mesures qui s’imposent afin de combattre la vague d’enlèvements dans l’État, et conformément à la directive du gouverneur de l’État, M. Akinwunmi Ambode, il est prévu que commence la démolition de structures illégales construites le long des cours d’eau de l’État. »

Depuis 2000, plus de deux millions de personnes ont été expulsées de force de leur logement dans différentes zones du Nigeria. Les expulsions ont lieu sans consultation préalable sérieuse, sans préavis suffisant et sans qu’une indemnisation ou solution de relogement ne soit proposée. La plupart des personnes concernées étaient déjà marginalisées et beaucoup vivaient depuis des années sans bénéficier d’un accès à de l’eau propre, à des installations sanitaires, à des soins de santé adaptés ou à une éducation.

En septembre 2015, quelque 10 200 résidents du site de Badia-East, dans la zone d’Ijora à Lagos, ont été expulsés de force, et beaucoup sont toujours sans domicile et continuent à dépendre de leur famille et de leurs amis. Le gouvernement de l’État n’a toujours pas indemnisé ni relogé les personnes expulsées.

En tant que partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et à d’autres traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains, le Nigeria est tenu de protéger le droit à un logement convenable, de s’abstenir de recourir aux expulsions forcées et même de les empêcher.

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