La République dominicaine a fait fortement régresser les droits fondamentaux des femmes, alors que la Cour constitutionnelle a annulé des réformes du Code pénal portant dépénalisation de l’avortement dans certaines circonstances, a déclaré Amnesty International jeudi 3 décembre.
À la suite de l’annulation, dans la soirée du 2 décembre, d’une partie des réformes du Code pénal adoptées l’année dernière, le texte actuel, qui remonte à 1884, reste en vigueur. Il interdit l’avortement en toutes circonstances et criminalise les femmes et les jeunes filles qui cherchent à se faire avorter, même en cas de viol ou d’inceste, quand la grossesse met en danger la vie ou la santé de la femme ou de la jeune fille, ou encore lorsqu’il est établi que le fœtus ne pourra pas survivre hors de l’utérus.
« Cette décision fait revenir les droits des femmes et des jeunes filles au 19e siècle, a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.
« Les conséquences seront catastrophiques pour les femmes et les jeunes filles en République dominicaine, qui continueront d’être poursuivies en justice, stigmatisées et contraintes de recourir à des avortements à risque, car on les prive de soins médicaux sûrs et légaux. »
Les réformes du Code pénal devaient entrer en vigueur le 19 décembre, un an après avoir été adoptées par le Congrès dominicain et approuvées par le président Danilo Medina. Cependant, à la suite d’un recours pour vice de procédure formé cette année par trois groupes de pression conservateurs et religieux, la Cour constitutionnelle a jugé ces réformes inconstitutionnelles.
Amnesty International et plusieurs autres ONG dominicaines et internationales ont déposé des mémoires d’amicus curiae devant la Cour, rappelant les obligations du pays en vertu du droit international.
Les groupes de pression ont également déclaré que « la Cour interaméricaine, seul organe autorisé à interpréter la Convention américaine relative aux droits de l’homme, avait établi que la protection du droit à la vie n’était pas absolue et ne pouvait être invoquée pour justifier la négation d’autres droits. En présence de droits concurrents, il serait possible de faire valoir des exceptions à la protection du droit à la vie dès la conception ».
Le Comité contre la torture des Nations unies et plusieurs autres comités internationaux spécialisés dans les droits humains ont estimé que, dans certaines circonstances, le fait de refuser l’accès à des services d’interruption de grossesse pouvait entraîner des souffrances physiques ou psychologiques qui s’apparentent à la torture ou aux mauvais traitements. Ces comités ont également jugé que l’interdiction totale de l’avortement privait les femmes du droit de ne pas subir de discrimination et d’exercer d’autres droits humains en toute égalité.
Complément d’information
La réforme générale du Code pénal dominicain a été promulguée par le président Danilo Medina le 19 décembre 2014. Elle est intervenue après près de 10 ans de débat politique et sociétal, mais les articles encadrant les exceptions à la criminalisation de l’avortement ont été les plus litigieux.
L’année dernière, le président Medina a opposé son veto à la loi réformant le Code pénal adopté par le Congrès, où était maintenue l’interdiction de l’avortement en toutes circonstances, et a défendu la dépénalisation de l’avortement dans trois cas. Celle-ci a été incorporée par le Congrès dans la version finale des réformes du Code pénal, adoptée le 16 décembre 2014 avant d’être envoyée au président.