Où en sont les droits humains en Azerbaïdjan, pays hôte de la COP29 ?

La Conférence des Parties (COP 29) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se déroule à Bakou, en Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre 2024. Alors que cette conférence mondiale rassemble les principaux acteurs pour discuter des réponses internationales face à la crise climatique, il est crucial que les droits humains soient le fil conducteur des discussions. Amnesty International appelle les autorités azerbaïdjanaises ainsi que les États participants à reconnaître le lien inextricable entre les droits fondamentaux et la justice climatique et à s’engager à protéger le droit à la liberté d’expression et au rassemblement pacifique dans le cadre de cet événement majeur. Il est impératif que la CCNUCC et l’Azerbaïdjan soient transparents sur l’accord passé sur la liberté au sein de la COP, et que l’espace civique des participants soit garanti.

Liberté d’expression bafouée et répression d’opposants politiques

L’Azerbaïdjan connaît depuis des années une répression systématique des opposant·es politiques, militant·es et journalistes. Cette répression s’est intensifiée depuis l’annonce de la COP 29 à Bakou, et plus récemment après les élections présidentielles de février et législatives de septembre 2024. Amnesty International dénonce ce climat de peur instauré par le régime, caractérisé par l’arrestation de figures clés de la société civile. Par exemple, la détention d’Anar Mammadli, lauréat du prix Vaclav Havel en 2014 et co-fondateur de l’Initiative pour la justice climatique, est emblématique de cette répression accrue depuis l’annonce de l’accueil de la COP29 à Bakou. Arrêté en avril 2024, Anar Mammadli a été placé en détention préventive après la publication des résultats préliminaires de son organisation sur le déroulement des élections présidentielles.

Ce cas n’est pas isolé. On estime que plus de 300 prisonniers se trouvent actuellement derrière les barreaux en Azerbaïdjan pour des motifs politiques, dont de nombreux journalistes et activistes des droits humains. Parmi eux, des personnalités comme Gubad Ibadoghlu, expert en anticorruption, et Famil Khalilov, militant avec un large public sur les réseaux sociaux, sont détenus dans des conditions qui bafouent leurs besoins fondamentaux. Amnesty International s’inquiète du ciblage spécifique des jeunes intellectuels et militant·es comme Bahruz Samadov, un chercheur visé pour ses critiques des politiques régionales de l’Azerbaïdjan.

Autre exemple, en juin 2023, dans le village de Söyüdlü, des militant·es écologistes protestant contre l’extension d’une mine d’or ont été violemment dispersé·es par la police. Les manifestant·es pacifiques, ainsi que les journalistes couvrant l’événement, ont été arrêté·es. Depuis, le village reste bloqué, avec un accès réservé aux seuls résident·es et médias pro-gouvernementaux.
Par ailleurs, nous constatons de nombreux assassinats de ressortissants azérbaidjanais à l’étranger. Récemment, le défenseur des droits humains Vidadi Isgandarli a été assassiné à Paris à l’arme blanche, où il résidait en exil. Ce n’est pas le premier opposant politique d’Azerbaïdjan à être assassiné en France, et ces assassinat démontre que les tentacules de la répression du gouvernement d’Ilham Aliev s’étendent jusqu’en Europe.

Conflit au Haut-Karabagh

L’occupation du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan, à la suite de son offensive du 19 septembre 2023, a marqué un tournant dans ce conflit historique. Le 1er janvier 2024, la région a été officiellement dissoute, et près de 100 000 Arménien·nes ont fui vers l’Arménie, craignant des persécutions. Ce mouvement massif de population rappelle l’ampleur des tensions ethniques qui ont marqué la région depuis la première guerre du Karabagh (1988-1994), où environ 30 000 personnes ont perdu la vie.

Le conflit trouve ses racines dans la décision de l’Union soviétique en 1923 d’intégrer le Haut-Karabakh, peuplé à 95 % d’Arménien·nes, dans l’Azerbaïdjan. Depuis la fin des années 1980, cette région a été le théâtre d’affrontements sanglants. Malgré le cessez-le-feu de 1994, des violences sporadiques ont continué jusqu’à l’éclatement de la guerre de 2020, où l’Azerbaïdjan a repris une grande partie de ce territoire.

Cependant, les efforts de « réintégration » de Bakou sont accompagnés de violations flagrantes des droits humains. La fermeture du corridor de Latchine, vital pour acheminer l’aide humanitaire, a provoqué une grave crise humanitaire dans le Haut-Karabakh. Pendant des mois, l’accès aux vivres et aux médicaments a été bloqué, entraînant des pénuries critiques, la mort de civils, y compris des enfants, et la suspension des évacuations médicales. Bakou a également été accusé d’utiliser des manifestant·es pour justifier la fermeture de cette route essentielle, tout en refusant des aides proposées par des tiers.

Le 19 septembre 2023, l’offensive azerbaïdjanaise, justifiée comme une opération « anti-terroriste », a fait plus de 200 morts. Bien que Bakou ait promis un développement économique et la protection des droits des Arménien·nes restant·es, la communauté internationale reste sceptique, notamment au regard des violations passées et du contrôle strict exercé par l’Azerbaïdjan sur la région.

Une législation qui réprime la société civile et les minorités

Les groupes critiques du gouvernement, y compris les organisations environnementales, sont privés de la possibilité de se rassembler pacifiquement pour exprimer leurs préoccupations. Les lois restrictives en matière d’ONG imposent des barrières telles que des refus arbitraires d’enregistrement et des restrictions quant au financement des groupes de défense des droits humains. Ainsi, les véritables organisations de la société civile sont marginalisées, tandis que des organisations créées et soutenues par le gouvernement, les GONGOs, prennent leur place.

L’Azerbaïdjan met en avant un multiculturalisme qui valorise les expressions d’identité culturelle et prône la tolérance interethnique et interreligieuse. Le gouvernement soutient officiellement les minorités nationales à travers des événements culturels et des programmes éducatifs visant à promouvoir le multiculturalisme, en particulier parmi les jeunes. Par exemple, l’enseignement des langues minoritaires telles que le russe et le géorgien est relativement bien développé, et des efforts ont été faits pour améliorer les conditions de vie des personnes déplacées internes. Cependant, un rapport du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (FCNM) met en lumière les limites de cette politique. En dépit des actions menées, des restrictions accrues sur la démocratie, l’absence de législation complète et les discours inflammatoires freinent l’exercice des droits des minorités nationales et les minorités ethniques et religieuses subissent également des discriminations systémiques.

En raison de ce climat répressif, la société civile azerbaïdjanaise ne peut participer efficacement à la prise de décision environnementale et ne pourra se joindre à la COP29 qui se déroule dans son propre pays. Les ONG, activistes écologistes et citoyen·nes sont empêché·es de faire entendre leur voix sur des questions cruciales liées à l’environnement, ce qui limite leur capacité à plaider pour une justice climatique véritable.

Environnement et droits humains

Il n’y a pas de justice climatique sans droits humains. Alors que la conférence se concentrera sur les actions pour limiter les changements climatiques, les autorités azerbaïdjanaises doivent garantir que la répression des militant·es écologistes cesse immédiatement. Leur libération est essentielle pour permettre un véritable engagement de la société civile dans les discussions sur le climat et l’environnement à venir.

Sources externes

• Center for Preventative Action. “Nagorno-Karabakh Conflict.” Global Conflict Tracker, Council on Foreign Relations, 20 mars 2024, www.cfr.org/global-conflict-tracker/conflict/nagorno-karabakh-conflict. Lien consulté le 17 octobre 2024.

• Conseil de l’Europe. Minorités Nationales En Azerbaïdjan : Nouveau Rapport Publié., 4 février 2019, www.coe.int/fr/web/portal/-/azerbaijani-multiculturalism-welcomes-expressions-of-cultural-identity-but-increased-restrictions-on-democracy-absence-of-legislation-inflammatory-lan. Lien consulté le 17 octobre 2024.

• Droin, Mathieu, et al. “A Renewed Nagorno-Karabakh Conflict : Reading between the Front Lines.” 22 Sept. 2023, Centre for International and Security Studies www.csis.org/analysis/renewed-nagorno-karabakh-conflict-reading-between-front-lines. Lien consulté le 17 octobre 2024.

• Organisation mondiale contre la torture (OMCT). “Azerbaijan : Répression sans Précédent En Azerbaïdjan Depuis Janvier 2024.” OMCT, 18 septembre 2024, www.omct.org/fr/ressources/declarations/azerbaijan-unprecedented-repression-in-azerbaijan-since-january-2024. Lien consulté le 17 octobre 2024.

• "Textes Adoptés - Azerbaïdjan, Notamment La Répression à l’Égard de La Société Civile et Le Cas de Gubad Ibadoghlu et d’Ilhamiz Guliyev". Europa.eu, Parlement européen, 25 avril 2024, www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2024-0369_FR.html. Lien consulté le 17 octobre 2024.

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