ONU : L’échec catastrophique des dirigeants à protéger les civils

Soixante-dix ans après les Conventions de Genève, les violations du droit international humanitaire qui ravagent la vie des civils en temps de guerre illustrent un échec catastrophique

Le Conseil de sécurité de l’ONU doit marquer le 70e anniversaire des Conventions de Genève cette année en remédiant à son échec catastrophique en matière de protection des civils, dont la vie et les moyens de subsistance sont régulièrement ravagés pas des violations des lois de la guerre, a déclaré Amnesty International le 22 mai 2019.

Le 23 mai, le Conseil de sécurité organisera un débat public sur la protection des civils dans les conflits armés, 20 ans après l’inscription de cet objectif à son ordre du jour.

« Vingt ans après l’engagement du Conseil de sécurité des Nations unies à tout faire pour protéger les civils dans les conflits armés, et 70 ans après l’adoption des Conventions de Genève en vue de protéger les civils et d’autres personnes du type d’atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale, le tableau est bien sombre », a déclaré Tirana Hassan, directrice du programme Réaction aux crises à Amnesty International.

« Les grandes puissances militaires se targuent avec cynisme de mener des guerres de "précision" et des frappes "chirurgicales" qui font la différence entre les combattants et les civils. Mais la réalité sur le terrain montre que les civils sont régulièrement pris pour cible dans les lieux où ils vivent, travaillent, étudient, pratiquent leur religion et reçoivent des soins médicaux. Les parties aux conflits armés tuent, mutilent et déplacent de force illégalement des millions de civils pendant que les dirigeants mondiaux se dérobent à leurs responsabilités et ferment les yeux sur des crimes de guerre et des souffrances intenses.

« La Russie, la Chine et les États-Unis continuent d’abuser de leur droit de veto en bloquant des projets de résolution visant à prévenir et empêcher des atrocités, mettant ainsi à chaque fois en péril la vie de personnes innocentes vivant dans ces zones dangereuses. »

Ces dernières années, Amnesty International a recueilli des informations sur le mépris flagrant pour la protection des civils et le droit international humanitaire dans le cadre de conflits armés auxquels quatre des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU – la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France – sont parties. La Chine, cinquième membre de Conseil de sécurité, a activement protégé le Myanmar, alors que le pays se livrait à des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un possible génocide.

L’incapacité catastrophique à protéger les civils a notamment été évidente lorsque la coalition menée par les États-Unis a bombardé Raqqa, en Syrie, faisant plus de 1 600 morts parmi les civils, ou lorsque les forces russes et syriennes ont procédé à la destruction injustifiée des infrastructures et des vies des civils à Alep, Idlib et ailleurs, ce qui a provoqué le déplacement forcé de millions de personnes et s’apparentait à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, ou encore dans le cadre de la guerre au Yémen, où, avec l’aide d’armes occidentales, la coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis a tué et blessé des milliers de civils dans des attaques illégales, alimentant ainsi l’une des plus graves crises humanitaires du monde.

En Somalie, la crise des droits humains et humanitaire reste également l’une des plus graves au monde. Toutes les parties au conflit, et notamment les États-Unis, ont commis des violations du droit international relatif aux droits humains et du droit international humanitaire. Bien qu’ayant intensifié les frappes aériennes dans leur guerre opaque en Somalie ces deux dernières années, les États-Unis ont refusé d’admettre que leurs frappes avaient fait des victimes parmi les civils jusqu’à ce qu’une enquête d’Amnesty International les y force.

Israël a, à de nombreuses reprises, pris pour cible des civils et des biens de caractère civil lors d’opérations militaires à Gaza depuis 2008, causant une destruction de grande ampleur et faisant de nombreux morts parmi les civils. Entre mars 2018 et mars 2019, Israël a eu recours à une force meurtrière contre des manifestants palestiniens, faisant au moins 195 morts, dont des secouristes, des journalistes et des enfants. Des groupes armés palestiniens ont procédé à des tirs aveugles de roquettes en direction de quartiers civils d’Israël, faisant plusieurs morts.

Au Soudan du Sud et ailleurs, les violences sexuelles et les violences liées au genre commises dans le cadre de conflits atteignent des niveaux choquants. Des témoins et des victimes d’une offensive menée par le gouvernement entre avril et juin 2018 dans le nord du pays ont raconté comment des civils, en particulier des femmes, des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées, avaient été, au cours d’attaques contre des villages, délibérément abattus, brûlés vifs dans leurs maisons, pendus à des arbres ou à des poutres, ou encore écrasés par des véhicules blindés. Les habitants ont été traqués dans les marais ou les rivières avoisinants où ils s’étaient échappés, les soldats tirant aveuglément en direction des zones où ils étaient cachés et les attaquant sur les îles où ils s’étaient réfugiés.

La Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) a recensé un nombre record de pertes civiles en 2018 : 10 993 personnes ont été tuées ou blessées.

La semaine dernière, en Libye, Amnesty International a démontré qu’une nouvelle offensive à Tripoli s’était traduite par des attaques menées sans discrimination et mettant en danger la vie de civils, y compris de réfugiés et migrants détenus.

Le bilan des Nations unies n’est pas non plus irréprochable. Au Soudan du Sud, en République centrafricaine et ailleurs, les forces du maintien de la paix de l’ONU ont, à plusieurs reprises, manqué à leur devoir de protéger les civils confrontés à des violences meurtrières. L’exploitation et les violences sexuelles constituent un problème particulièrement grave, qui se traduit par des viols et des agressions de femmes et de filles civiles par les Casques bleus qui sont supposés les protéger.

Des personnes particulièrement menacées, comme des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées, ont également été prises pour cible dans le cadre de conflits, notamment par des groupes armés et des milices qui recrutent des enfants soldats ou attaquent les personnes qui ne peuvent pas fuir les attaques contre les civils.

Bien que des traités internationaux en interdisent l’utilisation, certains États et groupes armés continuent d’avoir recours à des armes non discriminantes par nature, comme des armes à sous-munitions et des mines antipersonnel, qui sont interdites au titre du droit international en raison de leur impact sur les civils. D’autres pays, comme la Syrie et le Soudan ont également eu recours à des armes chimiques, qui n’ont pas leur place dans un contexte de guerre.

L’année dernière, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a recensé le nombre record de 68,5 millions de personnes déplacées dans le monde en raison de conflits armés ou d’autres formes de violences.

« Soixante-dix ans après les Conventions de Genève, le fait que près de 70 millions de personnes soient déplacées par des guerres et d’autres violences reflète l’échec catastrophique des dirigeants du monde à les protéger », a déclaré Tirana Hassan.

« Les dirigeants mondiaux ont abandonné les civils aux ravages de la guerre. Le débat public de cette semaine du Conseil de sécurité doit se traduire par plus que des gesticulations politiques et des promesses en l’air. Une action concrète est nécessaire pour changer de cap, protéger efficacement les civils et mettre fin à l’impunité. »

Consultez sur ce lien la déclaration conjointe de 22 ONG, y compris Amnesty International, appelant à une action pour renforcer la protection des conflits armés dans les conflits armés.

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