Un effort européen pour libérer un militant politique

Amnesty International salue la décision prise le 8 décembre par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe d’intensifier ses efforts en vue d’obtenir la libération du militant politique et prisonnier d’opinion azerbaïdjanais Ilgar Mammadov, y compris en envisageant sérieusement de recourir à une procédure d’infraction contre l’Azerbaïdjan en vertu de l’article 46.4 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette décision fait suite à l’arrêt rendu le 18 novembre par la Cour suprême d’Azerbaïdjan, qui a confirmé la peine de sept ans d’emprisonnement d’Ilgar Mammadov, sans tenir compte du jugement prononcé par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en mai 2014, dans lequel les juges estimaient que la privation de liberté d’Ilgar Mammadov visait à le punir pour avoir critiqué le gouvernement.

Le Comité des ministres a déclaré que le maintien en détention arbitraire d’Ilgar Mammadov constituait « un manquement flagrant aux obligations » de l’Azerbaïdjan au regard de la Convention européenne des droits de l’homme. Il a notamment souligné que, en ne libérant pas Ilgar Mammadov, ce pays violait l’article 46.1 de la Convention, qui l’oblige à « se conformer aux arrêts définitifs de la [CEDH] ». Il a en outre affirmé sa « détermination à obtenir » la libération d’Ilgar Mammadov en envisageant d’« employer tous les moyens à la disposition de l’Organisation, y compris en vertu de l’article 46, paragraphe 4 de la Convention européenne des droits de l’homme ».

Selon cet article, le Comité des ministres peut recourir à une procédure d’infraction lorsqu’il estime qu’un État membre du Conseil de l’Europe « refuse de se conformer à un arrêt définitif » de la CEDH. En mai 2014, celle-ci a statué que l’arrestation d’Ilgar Mammadov et les poursuites engagées à son encontre étaient contraires à la Convention européenne des droits de l’homme, qu’il n’existait aucun élément prouvant qu’il ait commis la moindre infraction et que le véritable objectif de sa détention était de le faire taire ou de le punir pour avoir critiqué le gouvernement. À la suite de ce jugement, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a demandé qu’Ilgar Mammadov soit libéré sans délai. L’Azerbaïdjan n’a ni procédé à cette libération, ni exécuté le jugement de la CEDH.

Les autorités azerbaïdjanaises doivent respecter et protéger les droits des personnes qui exercent pacifiquement leurs droits fondamentaux, au lieu de les poursuivre et de les emprisonner. Elles doivent s’acquitter de leurs obligations légales internationales et exécuter le jugement de la CEDH en libérant Ilgar Mammadov immédiatement et sans condition. Le Comité des ministres doit tenter activement d’obtenir qu’Ilgar Mammadov soit libéré immédiatement, ou bien poursuivre avec fermeté la procédure prévue par l’article 46.4 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il lui incombe d’envisager sérieusement l’utilisation de tous les outils dont il dispose, y compris ce type de mesures d’application, pour veiller au respect des objectifs de la Convention et du Conseil de l’Europe.

La décision du 8 décembre du Comité des ministres était la première faisant explicitement référence à un éventuel recours à la procédure d’infraction prévue par l’article 46.4 face au refus d’un État membre du Conseil de l’Europe de se conformer à un arrêt définitif de la CEDH.

Le recours d’Ilgar Mammadov devant la CEDH n’est pas un cas isolé, car d’autres personnes sont emprisonnées pour des raisons politiques en Azerbaïdjan. Dans l’affaire concernant le militant azerbaïdjanais des droits humains Rassoul Djafarov, la CEDH a également estimé qu’il était incarcéré arbitrairement pour avoir critiqué le gouvernement. Bien que Rassoul Djafarov ait été libéré le jour même de l’arrêt de la CEDH rendu en sa faveur, ses condamnations pénales n’ont pas été annulées, ses comptes bancaires en Azerbaïdjan demeurent gelés et il fait encore l’objet d’une interdiction de sortie du territoire.

Complément d’information

Ilgar Mammadov, dirigeant du mouvement d’opposition Alternative républicaine (REAL), a été arrêté en février 2013 après s’être rendu les 23 et 24 janvier 2013 avec son collègue journaliste Tofig Yagoublou à Ismaili, une ville du nord de l’Azerbaïdjan, pour suivre des manifestations et des émeutes qui s’y déroulaient alors. Les habitants de cette ville étaient à l’époque descendus dans la rue à la suite de l’agression présumée d’un homme par le neveu du gouverneur local, pris d’un accès de rage après un léger accident de la circulation. Ilgar Mammadov et Tofig Yagoublou, qui ne faisaient qu’observer et relater les événements, ont été accusés d’incitation aux émeutes antigouvernementales.

En mars 2014, le tribunal de Shaki chargé des crimes graves les a déclarés coupables des faits qui leur étaient reprochés. Il a condamné Ilgar Mammadov à sept ans de prison et Tofig Yagoublou à cinq ans. Amnesty International considère ces deux hommes comme des prisonniers d’opinion, car ils ont été privés de liberté uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains.

En mai 2014, la CEDH a statué que l’Azerbaïdjan avait enfreint les articles 5.1.c, 5.4 et 6.2 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que l’article 18 au regard de l’article 5. Cette juridiction a estimé que le véritable objectif des mesures contestées était de punir le requérant pour avoir critiqué le gouvernement. Son jugement est devenu définitif le 13 octobre 2014.

Tofig Yagoublou a été libéré en mars 2016 à la faveur d’une grâce présidentielle.

La procédure d’infraction a été introduite par le protocole n° 14 à la Convention européenne des droits de l’homme. Elle permet au Comité des ministres de saisir la CEDH de ce qu’il considère comme un refus d’un État partie à la Convention de se conformer à un arrêt définitif de cette juridiction (article 46.4 de la Convention).

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