Lundi 22 juillet, la police a arrêté de manière arbitraire Ashraf Omar, un dessinateur satirique qui publie des caricatures politiques dans Al-Manassa [1] - l’un des derniers médias indépendants - depuis son domicile de Guizeh. Il a été pris pour cible quelques jours après l’arrestation arbitraire par la police de Khaled Mamdouh, journaliste pour le site d’information Arabic Post [2] - basé à Istanbul - à son domicile du Caire, le 16 juillet. Les autorités ont soumis ces deux hommes à une disparition forcée pendant des périodes allant de deux à cinq jours, avant de les déférer devant le parquet.
« Au lieu de percevoir le journalisme indépendant comme une menace, les autorités doivent permettre aux journalistes de travailler librement sans crainte d’intimidation, de représailles ou de censure »
« Le gouvernement égyptien est depuis longtemps un geôlier notoire de journalistes, poursuivant et emprisonnant des professionnel·le·s des médias uniquement pour leur travail légitime. Le fait que ce journaliste et ce dessinateur aient été pris pour cible à quelques jours d’intervalle montre une fois de plus aux professionnel·le·s des médias en Égypte que des contenus critiques peuvent les conduire en prison, même s’ils sont satiriques », a déclaré Mahmoud Shalaby, spécialiste de l’Égypte à Amnesty International.
« Les autorités doivent libérer immédiatement et sans condition le dessinateur de presse Ashraf Omar et le journaliste Khaled Mamdouh, et abandonner toutes les charges retenues contre eux, car elles découlent uniquement de leur travail dans les médias. Au lieu de percevoir le journalisme indépendant comme une menace, les autorités doivent permettre aux journalistes de travailler librement sans crainte d’intimidation, de représailles ou de censure. »
Les arrestations de ces journalistes ont eu lieu quelques jours avant que la question de la détention provisoire ne soit discutée dans le cadre du « dialogue national », une initiative présidentielle lancée l’année dernière, qui sert de plateforme de dialogue entre l’opposition et le gouvernement sur des questions urgentes. Le 22 juillet, les membres du « dialogue national » ont remercié le président Abdel Fattah al Sisi après que le parquet a ordonné la libération de 79 personnes placées en détention provisoire, qui avaient été arrêtées pour avoir exercé leurs droits fondamentaux et pour des raisons politiques.
Un groupe de policiers en civil et en uniforme a fait une descente dans la maison d’Ashraf Omar dans le quartier de Jardins d’octobre, à Guizeh, vers 1 h 30 du matin. Son épouse, qui n’était pas là au moment de son arrestation, a déclaré à Amnesty International qu’elle avait examiné un enregistrement de vidéosurveillance montrant les policiers escortant Ashraf Omar, les yeux bandés, à bord d’un fourgon banalisé. Quand elle est rentrée à son domicile plus tard ce jour-là, elle a découvert que tous les appareils électroniques d’Ashraf Omar avaient disparu, probablement confisqués par la police.
Des avocats ont demandé où il se trouvait au troisième poste de police de la Ville du 6 octobre, son poste local, mais les autorités ont nié sa présence et refusé de fournir des informations à son sujet. Après deux jours de disparition forcée, le 24 juillet, les autorités ont déféré Ashraf Omar devant le parquet général de la sûreté de l’État, qui a enquêté sur lui pour appartenance à un groupe terroriste, publication de fausses informations et utilisation abusive des médias sociaux, selon Hassan El Azhary, l’avocat d’Al-Manassa. Le parquet a ordonné son placement en détention pour une durée de 15 jours dans l’attente d’une enquête.
Il n’était pas là mais est arrivé environ une heure plus tard et a été immédiatement soumis à une arrestation arbitraire
Ashraf Omar venait de publier un dessin critiquant le récent projet du gouvernement visant à vendre des actifs de l’État, notamment à des investisseurs de pays du Conseil de coopération du Golfe. Ce dessin représentait [3] un homme déguisé en voleur offrant une carte de l’Égypte à un autre homme vêtu de vêtements traditionnels du Golfe poussant un caddie.
Moins d’une semaine avant l’arrestation d’Ashraf Omar, six policiers, dont trois masqués et un lourdement armé, ont fait une descente dans la maison de Khaled Mamdouh à Mokattam, au Caire, vers 2 heures du matin. Il n’était pas là mais est arrivé environ une heure plus tard et a été immédiatement soumis à une arrestation arbitraire, selon un membre de sa famille. Avant son arrivée, des policiers ont fouillé son domicile sans présenter de mandat ni fournir de raison, et ont saisi les ordinateurs portables et les téléphones portables de Khaled Mamdouh.
Après avoir arrêté Khaled Mamdouh, des policiers se sont postés devant le bâtiment avec deux fourgons banalisés pendant au moins cinq heures, empêchant quiconque dans la famille de quitter les lieux.
Le jour de son arrestation, les autorités ont nié que Khaled Mamdouh était détenu au poste de police de Mokattam lorsque sa famille s’est présentée sur place pour demander où il se trouvait. Le 21 juillet, après plus de cinq jours de disparition forcée dans un lieu inconnu, les autorités ont déféré Khaled Mamdouh devant le parquet général de la sûreté de l’État, où il a été questionné au sujet d’accusations d’appartenance à un groupe terroriste, de financement de celui-ci, et de publication de fausses nouvelles.
Ce n’est pas la première fois que les autorités égyptiennes s’en prennent à des journalistes de ce média
Selon l’Association pour la liberté de pensée et d’expression, une ONG basée au Caire dont les avocats représentent Khaled Mamdouh, les procureurs l’ont interrogé sur son travail dans les médias, notamment son travail avec Arabic Post, la nature des articles qu’il a écrits pour ce site Internet et le salaire qu’il recevait. Les avocats ont déclaré que le parquet n’avait présenté aucun élément incriminant Khaled Mamdouh, mais a ordonné sa détention provisoire pendant 15 jours dans l’attente des résultats des enquêtes.
Arabic Post a été lancé en 2018 ; il s’agissait d’une nouvelle version du HuffPost Arabi. Ce n’est pas la première fois que les autorités égyptiennes s’en prennent à des journalistes de ce média. En 2018, les autorités ont arrêté Moataz Adnan, journaliste au HuffPost Arabi, et l’ont maintenu en détention provisoire pendant plus de trois ans après qu’il a interviewé l’ancien responsable de la lutte contre la corruption, Hisham Genena, qui a critiqué l’ingérence présumée des autorités dans les élections présidentielles de 2018.
Complément d’information
À l’heure de la rédaction du présent communiqué, au moins 14 journalistes se trouvent toujours derrière les barreaux en Égypte pour leur travail dans les médias ou pour avoir publié des contenus critiques. En 2023, l’Égypte comptait le huitième plus grand nombre de journalistes incarcérés dans le monde, selon le Comité pour la protection des journalistes.