Les droits relatifs à la liberté d’expression doivent être défendus lors du sommet pour l’environnement
Les autorités égyptiennes doivent relâcher leur emprise sur l’espace civique et protéger les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique afin de permettre le succès du sommet sur le climat, appelé COP27, en Égypte, ont déclaré le 12 juillet 36 organisations.
La COP27 rassemble les États parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ainsi que des milliers d’expert·e·s, de journalistes et de représentant·e·s d’entreprises commerciales et de groupes non gouvernementaux. La COP27, qui doit se tenir en novembre 2022, représente une importante occasion pour la communauté internationale de se réunir pour discuter de mesures ambitieuses et basées sur les droits en ce qui concerne le climat.
Dans une interview accordée à Associated Press le 24 mai, le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Shoukry a déclaré que son gouvernement a l’intention de désigner à Charm el Cheikh, sur la péninsule du Sinaï, où le sommet se tiendra, « un espace jouxtant le centre de conférence » où les militant·e·s pourront organiser leurs manifestations et exprimer leurs opinions. Il a également déclaré que le gouvernement procurera aux participant·e·s « un accès, comme cela se fait traditionnellement pendant un jour lors des négociations, à la [salle] des négociations. »
Les organisations signataires de ce communiqué de presse conjoint sont préoccupées par les implications des déclarations du ministre en ce qui concerne le droit de militer pacifiquement lors de la COP27. Compte tenu des restrictions pesant sur les mouvements de protestation et les rassemblements en Égypte qui reviennent de fait à les criminaliser, les déclarations du ministre des Affaires étrangères impliquent que les autorités égyptiennes ne toléreront pas de mouvements de protestation en dehors de l’espace « désigné par le gouvernement ».
Le droit international relatif aux droits humains et les normes connexes prévoient que les manifestations doivent être facilitées en règle générale pour qu’elles soient à portée de vue et d’ouïe des personnes qu’elles ciblent. Les autorités égyptiennes devraient permettre de façon inconditionnelle les rassemblements et manifestations pacifiques au moment de la COP27, notamment au Caire, la capitale égyptienne, et dans d’autres villes.
Les autorités égyptiennes devraient également mettre fin aux attaques incessantes visant les défenseur·e·s des droits humains, les organisations de la société civile et les médias indépendants. Elles recourent pour ces attaques à des poursuites pénales, à la détention arbitraire, à des convocations pour des interrogatoires coercitifs, à des menaces de fermeture d’organisations indépendantes, à des interdictions de voyager et à d’autres mesures restrictives qui risquent de saper la participation continue de la société civile qui est nécessaire pour que la COP27 produisent des résultats positifs.
Une action climatique solide et respectueuse des droits nécessite une participation pleine et entière de toutes les parties intéressées, notamment des États, des militant·e·s, de la société civile et des représentant·e·s des peuples indigènes et des groupes les plus exposés aux dommages engendrés par le changement climatique.
Les militant·e·s jouent un rôle important dans le débat mondial sur le climat en apportant des informations pertinentes aux décideurs et décideuses politiques et aux médias. De plus, les organisations non gouvernementales ne peuvent effectuer leur important travail que si elles peuvent réellement exercer leur droit à la liberté de réunion.
Les organisations de la société civile égyptiennes et étrangères craignent que les restrictions imposées par les autorités égyptiennes n’empêchent la participation pleine et entière des militant·e·s, des défenseur·e·s des droits humains, de la société civile et des représentant·e·s des peuples indigènes à la COP27. Ces inquiétudes sont avivées par le fait que les autorités égyptiennes présentent un bilan catastrophique concernant la répression des organisations de la société civile et les sanctions visant les militant·e·s des droits humains et les journalistes indépendants.
Des organisations de la société civile et des mécanismes onusiens de défense des droits humains rassemblent depuis longtemps des informations sur la répression exercée par les autorités égyptiennes contre la liberté de réunion pacifique. En 2013, les autorités ont adopté la loi n° 107/2013 sur l’organisation du droit concernant les rassemblements publics, les processions et les manifestations pacifiques, qui donne aux forces de sécurité toute latitude pour interdire les manifestations et utiliser une force excessive contre les manifestant·e·s pacifiques.
Les autorités recourent aussi à cette loi, en plus de la loi n° 10/1914 sur les rassemblements, une loi draconienne qui date de l’époque coloniale, pour poursuivre en justice des milliers de manifestant·e·s pacifiques avec des procès collectifs iniques. Par ailleurs, les forces de sécurité recourent systématiquement à une force illégale, parfois meurtrière, et aux arrestations massives pour disperser des manifestations. Aucun responsable des forces de sécurité ou de l’armée n’a eu à répondre des centaines de morts causées par la dispersion de sit-in au Caire, sur les places Rabaa al Adawiya et al Nahda, le 14 août 2013.
Cette répression a adressé un message terrifiant au peuple égyptien, instillant la peur et dissuadant les personnes d’exercer leur droit à la liberté de réunion pacifique. Les rares mouvements de protestation qui ont eu lieu ces dernières années se sont cette fois encore heurtés à un recours illégal à la force et à des arrestations massives, notamment lors des manifestations contre le gouvernement de septembre 2019 et de septembre 2020. Les forces de sécurité ont arrêté des milliers de manifestant·e·s, de militant·e·s, de défenseur·e·s des droits humains, d’avocat·e·s et de passant·e·s, y compris des enfants, et certaines de ces personnes ont été soumises à une disparition forcée.
Les autorités égyptiennes ont même fait preuve de peu de tolérance en ce qui concerne des manifestations qui n’étaient pas dirigées contre les autorités et qui ne les critiquaient pas. En novembre 2020, les autorités égyptiennes ont ainsi arbitrairement arrêté et placé en détention 70 personnes soudanaises migrantes ou réfugiées qui manifestaient pacifiquement contre le meurtre d’une enfant soudanais commis par un homme égyptien. La police a frappé les manifestant·e·s et a usé contre eux d’insultes raciales et xénophobes, d’après des témoins. En décembre 2021 et janvier 2022, les forces de sécurité égyptiennes ont arrêté au moins 30 militants soudanais qui avaient organisé des manifestations au Caire devant le siège du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), et ces personnes ont été soumises au travail forcé et frappées.
Il faut que les autorités égyptiennes libèrent immédiatement et sans condition toutes les personnes arrêtées de façon arbitraire uniquement parce qu’elles ont exercé pacifiquement leurs droits humains ou en raison de leur religion, de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle. Il faut également que les autorités modifient la législation afin de la mettre en conformité avec les obligations de l’Égypte au regard du droit international, notamment en abrogeant ou en modifiant considérablement les lois qui restreignent et criminalisent indûment l’exercice de droits humains, comme la loi n° 107/2013 sur les manifestations, la loi n° 10/1914 sur les rassemblements, et la loi de 2019 sur les ONG.
Il faut que les autorités s’engagent à respecter le droit à la liberté de réunion pacifique en toutes circonstances, notamment pendant des événements internationaux, et qu’elles s’abstiennent de restreindre indûment la tenue des manifestations en les cantonnant dans des espaces spécifiques qu’elles désignent. Il faut aussi que les États membres de l’ONU, en particulier ceux qui participent à la COP27, appellent les autorités égyptiennes à supprimer les restrictions des libertés de réunion, d’association et d’expression, et qu’ils prennent d’autres mesures utiles afin de remédier aux problèmes soulevés par la société civile et afin de garantir sa participation pleine et entière, et en toute sécurité, qui contribuera au succès de la COP27.
Signataires :
1. Alliance for Rural Democracy
2. Amnesty International
3. Arab Resource & Organizing Center (AROC)
4. Association pour la liberté de pensée et d’expression (AFTE)
5. Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme (CIHRS)
6. CIVICUS
7. Committee for Justice (CFJ)
8. Democracy for the Arab World Now (DAWN)
9. Commission égyptienne des droits et des libertés (ECRF)
10. Front égyptien des droits de l’homme (EFHR)
11. Forum égyptien des droits humains (EHRF)
12. Egypt Wide for Human Rights
13. Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR)
14. El Nadeem contre la violence et la torture
15. Réseau euro-méditerranéen des droits humains
16. Freedom House
17. Friends of the Earth Scotland
18. Global Witness
19. Grassroots Global Justice Alliance
20. Green Advocates International
21. Human Rights Watch (HRW)
22. HuMENA for Human Rights and Civic Engagement
23. Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme
24. Service international pour les droits de l’homme (ISHR)
25. Mano River Union Civil Society Natural Resources Rights and Governance Platform
26. MENA Rights Group
27. Natural Resources Women Platform
28. People in Need
29. PEN International
30. Project on Middle East Democracy (POMED)
31. Scotland’s International Development Alliance
32. Sinai Foundation for Human Rights
33. The Freedom Initiative
34. The Indigenous Environmental Network (IEN)
35. WoGEM Uganda
36. Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme