Égypte, il faut cesser de réprimer ceux qui expriment leur inquiétude face à la crise économique

Les autorités égyptiennes intensifient la répression contre les manifestants, les ouvriers et ouvrières en grève et les personnes qui critiquent en ligne la gestion par les autorités de la crise économique, a déclaré Amnesty International le 13 mai 2024

Entre janvier et mars 2024, Amnesty International a recensé quatre cas de personnes arrêtées arbitrairement et placées en détention, dans trois gouvernorats, parce qu’elles avaient protesté contre la flambée des prix dans des publications sur les réseaux sociaux. Les autorités ont aussi interrogé des dizaines d’employé·e·s d’une entreprise du secteur public qui ont participé à une grève en février pour réclamer le salaire minimum. Deux d’entre eux se trouvent toujours en détention arbitraire. En outre, les forces de sécurité ont dispersé une manifestation au mois de mars, au cours de laquelle les manifestant·e·s ont accusé le président Abdel Fattah al Sissi d’« affamer » les pauvres, et ont procédé à des interpellations.

« Le gouvernement égyptien recourt de nouveau à des méthodes répressives pour écraser la moindre forme de dissidence, qu’il s’agisse de manifestations pacifiques, de grèves ouvrières ou de simples citoyens qui font entendre leurs frustrations dans des messages publiés sur les réseaux sociaux. Au lieu d’arrêter des personnes parce qu’elles évoquent la dégradation de leurs conditions de vie, les autorités égyptiennes devraient prendre des mesures efficaces pour réaliser les droits sociaux et économiques des gens, notamment de ceux qui subissent de plein fouet la crise économique, a déclaré Sara Hashash, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.

« Elles doivent respecter le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, et libérer immédiatement toutes les personnes détenues arbitrairement au seul motif qu’elles ont exercé ces droits. »

Une grande partie de la colère engendrée par la crise économique est dirigée contre le gouvernement et le président Abdel Fattah al Sissi qui, dans un discours polémique en septembre 2023, a déclaré [1] que la faim et la privation sont des sacrifices acceptables sur l’autel du développement et du progrès.

Détentions arbitraires en raison de publications sur les réseaux sociaux

Amnesty International a recensé les cas de quatre personnes arrêtées arbitrairement entre janvier et mars 2024 pour avoir publié des contenus sur les réseaux sociaux critiquant la gestion par le gouvernement de la crise économique ou se plaignant de la hausse des prix.

Selon le Front égyptien des droits de l’homme (EFHR) et selon un avocat spécialisé dans la défense des droits humains, les forces de sécurité égyptiennes ont arrêté quatre personnes chez elles ou sur leur lieu de travail dans les gouvernorats de Daqahliya, Sharqiya et Guizeh. Le service du procureur général de la sûreté de l’État a ouvert des enquêtes à leur encontre pour des accusations fallacieuses liées au terrorisme et pour publication de « fausses nouvelles ». Les quatre étaient maintenues en détention provisoire au moment de la rédaction du présent document.

Un employé d’une entreprise privée, arrêté le 14 mars sur son lieu de travail à Guizeh, a déclaré au service du procureur général de la sûreté de l’État qu’il avait été arrêté uniquement parce qu’il avait publié sur Facebook une vidéo dans laquelle il dénonçait le coût élevé des médicaments dont sa mère a besoin.

Cet homme a déclaré aux procureurs avoir été battu et soumis à des décharges électriques par des agents de l’Agence de sécurité nationale. Cependant, le ministère public n’a pas ouvert d’enquête sur sa plainte et ne l’a pas orienté vers un examen médicolégal.

Avant de les faire comparaître devant le service du procureur général de la sûreté de l’État, les autorités ont soumis ces quatre personnes à une disparition forcée pendant des périodes variant de deux à neuf jours, tout en les détenant dans les locaux de l’Agence de sécurité nationale dans les villes de Mansoura et Zagazig, et dans la ville du 6 octobre.

Les forces de sécurité ont arrêté l’un de ces hommes le 11 février à son domicile à Daqahliya, puis l’ont soumis à la torture et à des mauvais traitements, pendant sa disparition forcée dans les locaux de l’Agence de sécurité nationale, selon le Front égyptien des droits de l’homme (EFHR). Amnesty International a examiné les vidéos TikTok qui ont valu d’être arrêté. Dans l’une de ces vidéos, il critiquait les projets nationaux du président Abdel Fattah al Sissi, le rendait responsable du fait que le peuple a faim et critiquait les prix en perpétuelle hausse dans les supermarchés. Cet homme a déclaré aux procureurs avoir été battu et soumis à des décharges électriques par des agents de l’Agence de sécurité nationale. Cependant, le ministère public n’a pas ouvert d’enquête sur sa plainte et ne l’a pas orienté vers un examen médicolégal.

Les ouvrières et ouvriers en grève pris pour cibles

En février, le président Abdel Fattah al Sissi a fixé le salaire minimum mensuel des employé·e·s du secteur public à 6 000 livres égyptiennes (environ 120 euros). Le 22 février, des milliers d’ouvriers et ouvrières de l’entreprise textile Ghazl Al Mahla, une entreprise du secteur public dans le gouvernorat de Gharbiya, se sont mis en grève pour réclamer une augmentation des indemnités repas et des augmentations de salaire afin d’atteindre le nouveau salaire minimum national, selon le Centre de services pour les syndicats et les travailleurs (CTUWS), une ONG égyptienne. Le 29 février, ils ont mis fin à leur grève, le ministre du Secteur des affaires publiques ayant publié, le 25 février, un décret [2] qui fixe le salaire minimum à 6 000 livres égyptiennes pour toutes les entreprises publiques.

D’après le CTUWS, pendant la grève, l’Agence de sécurité nationale a convoqué au moins 28 travailleurs, les a interrogés en l’absence d’un avocat et les a détenus au secret pendant des périodes allant d’un à trois jours. Tous ont été relâchés, sauf deux qui ont été déférés au service du procureur général de la sûreté de l’État, lequel a ouvert une enquête à leur encontre sur la base de fausses accusations d’« adhésion à un groupe terroriste » et de publication de « fausses nouvelles ». Ils étaient toujours en détention provisoire au moment de la rédaction de ce document.

Dispersion des manifestations pacifiques

Le 15 mars, la police a dispersé des dizaines de manifestant·e·s pacifiques à Dakhilah, dans le gouvernorat d’Alexandrie, qui protestaient contre la hausse du coût de la vie, et a procédé à un nombre indéterminé d’arrestations, selon les médias locaux [3] . Des vidéos [4] de la manifestation diffusées sur X, anciennement Twitter, montrent [5] des manifestant·e·s qui brandissent des banderoles sur lesquelles on peut lire « Tu nous as affamés, Sissi ». La police a transféré les détenus dans un bureau de l’Agence nationale de sécurité à Alexandrie, selon Ahmed Al Attar, directeur exécutif du Réseau égyptien pour les droits de l’homme, une organisation indépendante de défense des droits.

Parmi les personnes arrêtées, figure un sous-officier de l’armée, qui a fait l’objet d’une disparition forcée pendant au moins cinq jours avant d’être déféré devant le tribunal militaire d’Alexandrie. Le 23 avril, il a été condamné à huit ans de prison et renvoyé de l’armée, selon des sources bien informées. Les charges retenues contre lui n’ont pas été rendues publiques. Des avocats spécialisés dans la défense des droits humains ont déclaré à Amnesty International qu’ils ignorent si les autres manifestant·e·s arrêtés ont été poursuivis ou libérés sans inculpation.

Complément d’information

La crise économique que traverse actuellement l’Égypte aggrave les conditions de vie de dizaines de millions de personnes qui vivent déjà dans la pauvreté ou sont menacées de pauvreté. En février 2024, le prix des denrées alimentaires avait augmenté de 48,5 % par rapport au mois de février 2023, tandis que l’inflation annuelle a atteint 36 %, selon l’Agence centrale égyptienne pour la mobilisation publique et les statistiques [6] .

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