Égypte, Il faut lever les restrictions imposées à l’espace civique pour garantir une COP27 réussie

Le bilan désastreux de l’Égypte en matière de répression de la dissidence pacifique et de l’espace civique ne doit pas compromettre la réussite de la Conférence de l’ONU sur les changements climatiques, la COP27, qui doit débuter dans moins de six mois en Égypte.

Dans une analyse détaillée publiée le 23 mai, elle souligne qu’il faut profiter du fait que les projecteurs sont braqués sur l’Égypte qui se prépare à accueillir la COP27 pour faire pression en faveur de réels progrès en matière de respect des droits humains dans le pays. Elle demande aux gouvernements qui participent à la COP27 d’insister auprès des autorités égyptiennes pour qu’elles garantissent la participation effective et significative, en toute sécurité, des acteurs égyptiens et étrangers de la société civile.

« La COP27 est un rendez-vous essentiel pour faire face à l’urgence climatique, une crise des droits humains d’une ampleur sans précédent. Au regard du bilan de l’Égypte qui étouffe les voix critiques et bâillonne les organisations indépendantes, les craintes sont vives que les acteurs de la société civile ne puissent pas dialoguer librement entre eux ni avec les participant·e·s à la Conférence, tels que les représentant·e·s des gouvernements et des entreprises, en vue de débattre de questions cruciales pour l’avenir de la planète, a déclaré Philip Luther, directeur de la recherche et de l’action de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« Il importe de ne pas laisser les autorités égyptiennes se servir de la COP27 pour redorer l’image de l’Égypte dans le but de détourner les critiques de leur bilan relatif aux droits humains. Au contraire, les États membres de l’ONU et les organisations et organismes internationaux participant à l’événement doivent faire pression sur elles, en privé et en public, pour garantir la participation significative de la société civile égyptienne et internationale. Cela suppose que les autorités desserrent leur emprise sur l’espace civique, ordonnent aux forces de sécurité de ne pas perturber le déroulement de manifestations pacifiques, de ne pas procéder à des arrestations ou autres représailles contre des personnes exerçant leurs droits humains ou sur la base de discriminations, et de libérer toutes les personnes détenues arbitrairement pour de tels motifs. »

La Conférence annuelle des Nations unies sur les changements climatiques (COP27), qui se tiendra dans la station balnéaire égyptienne de Charm El Cheikh du 7 au 18 novembre 2022, représente une occasion importante pour les États de montrer qu’ils mettent en œuvre les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris et lors de la COP26 et d’adopter de nouvelles décisions pour réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre dans le respect des droits humains. Lors de la COP27, les États doivent prendre des mesures audacieuses en matière de réduction des émissions, de financement de l’action climatique, de pertes et préjudices et d’Action pour l’autonomisation climatique (AAC), et garantir une participation significative des populations afin de respecter leurs obligations en matière de droits humains et de protéger les droits de tous et toutes, aujourd’hui et demain.

Participation de la société civile

L’accueil de la COP27 par un pays africain devrait offrir une plus grande visibilité aux demandes prioritaires de la société civile et des États africains. Pourtant, lors de précédents événements accueillis par l’Égypte, notamment la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples [1], des militant·e·s africains ont fait part de leurs préoccupations concernant les refus de visas, tandis que d’autres ont déclaré qu’ils avaient été harcelés par les forces de sécurité et qu’on leur avait refusé des badges d’entrée.

Des militant·e·s égyptiens indépendants des droits humains et des représentant·e·s de la société civile ont aussi dit craindre de ne pas pouvoir participer en toute sécurité à la COP27 et exprimer leurs opinions, par crainte de représailles. De telles peurs sont justifiées, dans une situation où les défenseur·e·s égyptiens des droits humains sont soumis à des détentions arbitraires, à des convocations pour des interrogatoires coercitifs, à des menaces de fermeture d’organisations indépendantes de défense des droits humains, à des interdictions de voyager, à des gels d’avoirs et autres méthodes draconiennes visant à supprimer le travail civique. Les ONG indépendantes ont été sommées de s’enregistrer au titre de la Loi de 2019 sur les ONG, sous peine d’être fermées d’ici l’an prochain.

« Afin d’assurer l’engagement d’un large éventail d’acteurs lors de la COP27, les autorités doivent cesser immédiatement de persécuter les ONG indépendantes en Égypte. Elles doivent commencer par classer sans suite toutes les enquêtes pénales à caractère politique visant les ONG, lever les interdictions de voyager et autres mesures restrictives imposées aux employé·e·s et mettre la législation nationale en conformité avec leurs obligations internationales en matière de droit à la liberté d’association », a déclaré Philip Luther.

La COP27 va se dérouler dans un environnement répressif

Alors que l’Égypte s’apprête à accueillir la COP27, des milliers de personnes, dont des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes, des manifestant·e·s pacifiques, des avocat·e·s, des opposant·e·s et des militant·e·s croupissent dans les prisons égyptiennes dans des conditions qui violent l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements, uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association ou de réunion pacifique, sans fondement légal ou à l’issue de procès manifestement iniques.

Les manifestations de rue ont fait partie intégrante des précédentes conférences de l’ONU sur le climat, mais cette année, elles sont menacées : en effet, l’approche de tolérance zéro des autorités égyptiennes à l’égard des manifestations pacifiques depuis huit ans, qui se caractérise par le recours à la force illégale, des milliers d’arrestations, des poursuites pénales, notamment pour des infractions liées au terrorisme, et de lourdes peines à l’encontre de manifestant·e·s pacifiques, a réussi à éradiquer les manifestations en Égypte.

Des craintes planent également sur la sécurité de tous les participant·e·s à la COP27, étant donné le bilan déplorable de l’Égypte s’agissant de protéger les femmes et les personnes LGBTI contre les discriminations et les violences fondées sur le genre, et les poursuites engagées à leur encontre pour des accusations infondées d’« atteinte aux bonnes mœurs », acte d’« immoralité » ou « débauche », uniquement en raison de la manière dont elles s’habillent, parlent et s’expriment sur les réseaux sociaux, ou pour des relations sexuelles entre adultes consentants.

Complément d’information

La Conférence des parties (COP) est l’organe directeur de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), représentant tous les États parties à la Convention. La COP fait progresser la mise en œuvre de la Convention et de tout autre instrument juridique qu’elle adopte. À l’exception de 2020, année où la rencontre a été annulée en raison de la pandémie de COVID-19, elle se réunit chaque année. Les pays hôtes de chaque COP sont sélectionnés par un système de roulement régional, la 27e session de la Conférence des Parties (COP27) devant se tenir en Égypte. Les organisations de défense de l’environnement et des droits humains ont soulevé les questions d’accessibilité et de coût, car l’augmentation du coût de l’hébergement dans les hôtels de Charm El Cheikh risque fort d’entraver la participation d’organisations populaires et de militant·e·s, en particulier ceux des pays du Sud.

À la COP27, les États doivent tenir les promesses essentielles faites lors de la COP26, comme le renforcement de leurs objectifs de réduction des émissions et l’abandon progressif des subventions aux énergies fossiles et au charbon. Dans le cadre du « Dialogue de Glasgow sur les pertes et préjudices », ils devraient également s’accorder sur des modalités afin d’octroyer des fonds supplémentaires aux pays en développement confrontés à des pertes et dommages dus à la crise climatique.

Pour consulter les demandes majeures qu’Amnesty International adresse aux États en amont de la COP27, veuillez cliquer ici.

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