Entre le 8 et le 14 mars, Amnesty International et l’EIPR ont recueilli des informations sur la détention arbitraire d’au moins quatre membres de cette minorité religieuse, au seul motif qu’ils exerçaient pacifiquement leur droit à la liberté de religion. Ces hommes, dont deux frères syriens enregistrés comme demandeurs d’asile auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ont été arrêtés à leur domicile dans trois gouvernorats différents.
Trois d’entre eux ont alors été victimes d’une disparition forcée et on ignore toujours le lieu où ils se trouvent et le sort qui leur a été réservé ; le quatrième est maintenu en détention au secret, c’est-à-dire sans aucun contact avec le monde extérieur.
« Il est scandaleux que ces hommes soient pris pour cibles et " disparaissent " simplement parce qu’ils n’adhèrent pas aux croyances religieuses validées par l’État. Les autorités égyptiennes sont juridiquement tenues de respecter et de protéger le droit à la liberté de culte de tous dans le pays, y compris des personnes dont les croyances religieuses ne sont pas reconnues par l’État, a déclaré Mahmoud Shalaby, chercheur sur l’Égypte et la Libye à Amnesty International.
« Les autorités égyptiennes doivent cesser de s’en prendre à des citoyen·ne·s par le biais de détentions arbitraires, de disparitions forcées ou de menaces d’expulsion au motif qu’ils exercent leurs croyances religieuses et doivent révéler le sort réservé à ces hommes et le lieu où ils se trouvent, puis les libérer sans condition. »
Parmi ces hommes figure Ahmed Al Tanawi, un demandeur d’asile syrien âgé de 28 ans enregistré auprès du HCR, qui risque d’être expulsé de manière imminente vers la Syrie. La situation en matière de sécurité en Syrie reste instable et Amnesty International continue de s’opposer aux renvois forcés vers ce pays.
La dernière vague de répression contre les membres de la minorité religieuse ahmadie a été déclenchée lorsque l’un d’entre eux a accroché une banderole faisant la publicité d’une chaîne de télévision ahmadie sur un pont piétonnier à Guizeh, début mars. Amnesty International et l’EIPR ont pu voir une photographie de la banderole accrochée au pont, sur laquelle figurait la fréquence de Zahra al Mahdi (« Le Mahdi est apparu »), une chaîne de télévision affiliée à la religion ahmadie, avec la photo de son dirigeant.
Le 8 mars, les forces de sécurité ont arrêté l’homme qui avait accroché la banderole. Il a été libéré plus tard dans la journée sans inculpation, selon Imran Ali, l’évêque de la religion ahmadie en Égypte qui vit au Royaume-Uni, et un autre Ahmadi qui a été en contact avec cet homme après sa libération. Les forces de sécurité auraient identifié trois des quatre Ahmadis après avoir fouillé son téléphone et découvert un groupe Telegram dédié aux adeptes du groupe religieux en Égypte, dont les trois hommes étaient membres, selon leurs proches et Imran Ali.
Le 11 mars, des policiers en civil ont arrêté Ahmed Al Tanawi et son frère Hussein Mohammed Hassan Al Tanawi, également demandeur d’asile enregistré auprès du HCR, à leur domicile dans la Ville du 6 octobre, dans le gouvernorat de Guizeh, sans présenter de mandat d’arrêt, selon un membre de la famille. Ahmed est toujours détenu au secret au premier poste de police de la Ville du 6 octobre, tandis qu’on ignore où se trouve Hussein et quel sort lui a été réservé. Le 15 mars, un policier a officieusement déclaré à l’avocat de l’EIPR qu’Ahmed était accusé d’« appartenance à une organisation terroriste ».
Le 25 mars, la famille d’Hussein a déposé une plainte auprès du ministère public, qu’Amnesty International et l’EIPR ont examinée, afin de savoir où il se trouvait. Elle n’a toujours pas reçu de réponse.
Amnesty International et l’IEPR ont appris que le 13 mars, les autorités ont transféré Ahmed Al Tanawi à l’Administration générale des passeports, de l’immigration et de la nationalité, dans le quartier d’Abbasyia, au Caire, où il a été contraint de signer des documents semble-t-il en lien avec son expulsion, sans pouvoir les examiner. Le 6 avril, la police a obligé sa famille à lui acheter un billet pour la Syrie, en menaçant de le priver des médicaments dont il a besoin pour sa maladie cardiaque. Son vol est prévu tôt dans la matinée du 9 avril, selon sa famille.
Le 10 mars, les forces de sécurité ont arrêté Omar Mahmoud Abdelmaguid Mohamed Ibrahim, lui aussi adepte de la minorité religieuse ahmadie, à la suite d’une violente descente à son domicile au Caire. On ne sait toujours pas ce qu’il est advenu de lui ni où il se trouve. D’après un membre de sa famille, depuis l’arrestation, son domicile est sous surveillance constante de la police. Le même jour, des policiers ont à nouveau fouillé la maison pour arrêter le beau-frère d’Omar, Hazem Saied Mohamed Abd El Moatamed, qui s’était enfui. Il a été interpellé trois jours plus tard, le 13 mars, dans la 10e ville de Ramadan, dans le gouvernorat de Sharqiya, selon l’un de ses proches. Il est toujours victime de disparition forcée.
Amnesty International et l’EIPR ont examiné des copies de plaintes déposées par des membres de la famille d’Omar Mahmoud Abdelmaguid Mohamed Ibrahim et d’Hazem Saied Mohamed Abd El Moatamed auprès du ministère public le 25 mars, pour savoir où ils se trouvaient. À ce jour, la famille n’a pas reçu de réponse.
Selon Imran Ali, lors de faits distincts, au moins quatre autres membres de la minorité religieuse ont été arrêtés au cours du mois de mars, et on ignore ce qu’ils sont devenus et où ils se trouvent. Trois d’entre eux lui auraient envoyé un message pour lui dire qu’ils étaient sur le point d’être arrêtés. Depuis lors, il n’a reçu aucune nouvelle d’aucun d’entre eux.
Complément d’information
En Égypte, les minorités religieuses, notamment les chrétiens coptes, les musulmans chiites et les baha’is, sont constamment en butte à la discrimination dans la législation et dans la pratique. Des membres de minorités religieuses, des personnes athées ou n’embrassant pas les convictions religieuses autorisées par l’État sont convoqués et interrogés par l’Agence de sécurité nationale. D’autres sont menacés ou harcelés, notamment par leur établissement d’enseignement et en ligne.