Les forces de sécurité sont restées passives et se sont abstenues d’intervenir lors d’une attaque violente contre des chrétiens coptes à Louxor, écrit Amnesty International dans une synthèse publiée le 23 juillet. Lors de ces violences interconfessionnelles, les forces de sécurité ont abandonné six hommes assiégés à la merci d’une foule en colère ; quatre ont été tués et un autre hospitalisé.
Au cours d’une attaque qui a duré 18 heures le 5 juillet, quatre chrétiens coptes ont été tués et quatre autres grièvement blessés. Une foule en colère, armée de barres métalliques, de couteaux, de branches d’arbre et de marteaux, a pris d’assaut des maisons et des commerces appartenant à des Coptes à Nagah Hassan, à 18 kilomètres à l’ouest de Louxor, après que le cadavre d’un musulman a été découvert près d’habitations de familles chrétiennes. Malgré les multiples appels à l’aide des habitants et des chefs religieux, les forces de sécurité présentes sur les lieux n’ont que timidement tenté de mettre fin aux violences et les renforts suffisants ne sont pas arrivés.
« Il est scandaleux que cette attaque ait pu se dérouler avec une telle violence sans intervention. Amnesty International a recensé par le passé toute une série de cas où les forces de sécurité égyptiennes ont recouru à une force inutile ou ont utilisé des balles réelles lors de manifestations ; pourtant, cette fois-ci, elles n’ont pas bougé, lors même que des vies étaient menacées, a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
« Une enquête indépendante, exhaustive et impartiale doit être diligentée sur les événements de Louxor et la réponse tout à fait inappropriée des forces de l’ordre face à cette attaque. »
Les violences ont démarré à trois heures du matin, peu après la découverte du cadavre d’un musulman non loin d’habitations de chrétiens. Sa famille a accusé un copte du quartier d’être responsable de sa mort. À midi, plus de 100 maisons de familles chrétiennes avaient été attaquées, et notamment pillées et incendiées. Des habitants du quartier ont affirmé avoir appelé les numéros d’urgence de la police et de l’armée pendant toute la journée, mais en vain. Des dignitaires religieux locaux ont également contacté d’autres responsables de la sécurité.
« L’attaque a duré 18 heures, et j’ai frappé à toutes les portes sans exception : la police, l’armée, les dirigeants locaux, les Forces centrales de sécurité, le gouvernorat. Personne n’a rien fait », a indiqué le père Barsilious, prêtre de Dabiya.
Lors d’une attaque, les forces de sécurité ont évacué les femmes et les enfants pris au piège dans une maison encerclée par la foule en colère, laissant derrière eux six hommes, visiblement parce que la foule a exigé que les hommes restent. Quatre de ces hommes ont plus tard été poignardés et frappés à mort, tandis qu’un cinquième a dû être hospitalisé. Trois autres hommes ont été hospitalisés à la suite d’autres épisodes de violences. Une femme a raconté qu’elle avait supplié les policiers de sauver ses fils restés à l’intérieur de la maison, mais qu’ils ont ignoré ses supplications :
« J’ai embrassé les mains et les pieds du policier et je l’ai imploré de protéger mes deux fils et de les sortir de là… Il m’a complètement ignoré et m’a répondu qu’il n’emmènerait que les femmes et les enfants. J’ai enterré mes deux fils le même jour », a-t-elle ajouté.
D’autres femmes de la parenté ont expliqué qu’elles avaient donné aux hommes leurs abayas (longs vêtements traditionnels) pour qu’ils se déguisent en femmes et puissent s’enfuir.
La discrimination envers les chrétiens coptes est omniprésente en Égypte depuis des décennies. Sous le régime du président Hosni Moubarak, au moins 15 attaques de grande ampleur ciblant les coptes ont été recensées, et la situation ne s’est pas améliorée avec l’arrivée du Conseil suprême des forces armées (CSFA), ni avec l’élection du président Mohamed Morsi. Au moins six attaques contre des églises ou des bâtiments coptes ont eu lieu en 2013 au cours des derniers mois pendant lesquels le président déchu Mohamed Morsi gouvernait.
Des enquêtes menées par le parquet de Louxor sont en cours. Au moins 18 hommes ont été placés en détention pour meurtre, tentative de meurtre, destruction de biens et « comportements violents ». Selon certaines informations, certains d’entre eux auraient été battus par les forces de l’ordre lors de leur arrestation.
« Les violences interconfessionnelles qui se poursuivent en Égypte sont une tache indélébile sur le bilan des gouvernements successifs qui, à plusieurs reprises, n’ont pas réussi à mettre fin aux attaques visant les minorités. Il importe que des mesures immédiates soient prises afin de garantir la sécurité des chrétiens coptes et des minorités, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
« Ces derniers événements seront un test pour la volonté politique des nouvelles autorités égyptiennes et leur capacité à rompre une bonne fois pour toutes avec l’inaction et l’injustice. »