Égypte. "Le journalisme n’est pas un crime !"

Le maintien en détention du photojournaliste Mahmoud Abu Zeid, dit Shawkan, par les autorités égyptiennes montre à quel point ces dernières sont hypocrites quand elles affirment défendre la liberté de la presse, a déclaré Amnesty International peu avant l’ouverture du procès de cet homme, qui doit être jugé à partir du 12 décembre 2015 aux côtés de 738 autres prévenus.

Dans une lettre ouverte adressée au procureur général d’Égypte, l’organisation demande la libération immédiate et sans condition du photojournaliste, ainsi que l’abandon de toutes les charges le visant.

« Mahmoud Abu Zeid est un prisonnier d’opinion, qui a passé plus de deux ans – 848 jours – en détention provisoire uniquement pour avoir exercé de manière pacifique son droit à la liberté d’expression », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.

« Cet homme de 28 ans devrait être libre, et non pas en train de languir en prison tandis que sa santé se dégrade. Le journalisme n’est pas un crime. »

Mahmoud Abu Zeid souffre d’une hépatite C et est privé des médicaments dont il a besoin. Ses avocats ont déposé au moins 17 demandes de remise en liberté pour raisons de santé auprès du procureur, mais en vain.

Lors de son procès, qui va s’ouvrir le 12 décembre, le photojournaliste risque d’être condamné à la perpétuité pour des accusations à caractère politique forgées de toutes pièces, en lien avec son travail.

Amnesty International a recueilli près de 90 000 signatures dans le monde entier dans le cadre de sa pétition appelant à la libération immédiate de Mahmoud Abu Zeid. Le photojournaliste s’est adressé à ceux qui le soutenaient dans une lettre écrite en prison et rendue publique début décembre.

« Vous continuez à me donner la sensation que je ne suis pas seul. Vous tous êtes devenus ma force et mon énergie, et sans vous je ne peux pas traverser ça », a-t-il écrit. « CONTINUEZ À CRIER : “LE JOURNALISME N’EST PAS UN CRIME”. »

La lettre ouverte d’Amnesty International évoque aussi les actes de torture et autres formes de mauvais traitements que Mahmoud Abu Zeid a subis pendant son incarcération. Elle souligne que son maintien en détention sans procès depuis deux ans est une violation du droit international relatif aux droits humains, ainsi que du droit égyptien et des engagements pris par les autorités égyptiennes en matière de liberté d’expression.

Le président Abdel Fattah al Sissi a déclaré à la BBC, en novembre 2015 : « il y a largement la place pour des médias libres en Égypte, et toutes les entités gouvernementales sont critiquées par les médias nationaux ». Il a ajouté qu’« aucun autre pays au monde ne pourrait se targuer d’accorder une telle liberté aux médias ». Pourtant, selon le Syndicat de la presse égyptienne, au moins 32 journalistes se trouvent actuellement derrière les barreaux en Égypte, dont 18 en lien avec leur travail de reporters.

«  Amnesty International a exprimé à maintes reprises sa préoccupation à propos de l’usage généralisé de la détention provisoire comme moyen de punition par les autorités égyptiennes, en violation des normes internationales, qui précisent que cette détention doit être une mesure de précaution utilisée à titre exceptionnel », déclare Said Boumedouha dans la lettre ouverte.

« Mahmoud Abu Zeid et des centaines d’autres personnes sont ainsi maintenus en détention sans avoir été jugés, dans des affaires relatives à l’exercice pacifique de la liberté d’expression et de réunion. »

Mahmoud Abu Zeid a été arrêté le 14 août 2013, alors qu’il prenait des photos des forces de sécurité en train de disperser avec violence les participants à un sit-in au Caire ; plus de 600 manifestants avaient été tués ce jour-là. Il est actuellement détenu au centre pénitentiaire de Tora, au Caire, dans des conditions inhumaines.

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