Communiqué de presse

Égypte. La date limite d’enregistrement imminente aggrave la situation des ONG

L’Égypte resserre son étau sur la société civile, a déclaré Amnesty International, alors que les organisations non gouvernementales (ONG) indépendantes du pays risquent d’être fermées si elles ne respectent pas l’obligation de s’enregistrer avant le 2 septembre.

Si elles ne s’enregistrent pas avant cette date comme l’exige la loi draconienne relative aux associations, toutes les ONG s’exposent à des poursuites et risquent d’être fermées.

« La date butoir imminente ressemble fort à une condamnation à mort des ONG égyptiennes indépendantes. Loin d’avoir pour objectif de permettre aux ONG de fonctionner, l’ultimatum des autorités ouvre la voie à la fermeture de celles qui critiquent le gouvernement  », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« Les autorités égyptiennes doivent retirer immédiatement cette obligation d’enregistrement, qui est contraire aux normes internationale relatives aux droits humains.  »

En outre, Amnesty International leur demande d’abandonner un projet de loi encore plus répressif à l’égard des ONG que la loi actuelle.

En effet, la loi 84 de 2002 sur les associations exige de toutes les ONG qu’elles obtiennent l’autorisation du ministère de la Solidarité sociale avant de pouvoir s’enregistrer. Or, cela va à l’encontre du droit international qui demande à l’Égypte de respecter le droit à la liberté d’association et de la Constitution égyptienne qui garantit le droit de chacun de fonder des associations après notification au gouvernement – et non après avoir obtenu sa permission.

Dans la pratique, les autorités ont ignoré les demandes d’enregistrement ou les ont refusées, maintenant les ONG dans un vide juridique qui les exposent à tout moment à une fermeture.

Par conséquent, de nombreuses ONG fonctionnent comme des cabinets d’avocats ou des entreprises sans but lucratif.

La ministre de la Solidarité sociale, Ghada Waly, a déclaré au journal Al Ahram Economy que la date limite permettrait de surveiller les organisations qui fonctionnent illégalement dans des domaines mal définis comme les droits humains et le renforcement des capacités.

Les autorités égyptiennes présentent un bilan épouvantable s’agissant de réprimer la liberté d’association, et particulièrement en ce qui concerne les organisations de défense des droits humains.

Elles ont notamment effectué des descentes dans les bureaux, fermé certaines ONG, entravé leurs démarches pour s’enregistrer et s’assurer un financement, interféré dans leurs activités et arrêté des employés.

Depuis 2011, les ONG égyptiennes travaillent avec les gouvernements successifs pour rédiger une loi sur les ONG qui améliorerait la loi actuelle. Cependant, le gouvernement en place a mis de côté les projets de loi précédents et présenté un nouveau texte qui doit s’avérer encore plus restrictif. Il porterait création d’une « commission de coordination » qui aurait le droit d’opposer son veto à l’enregistrement, au financement et aux activités des ONG étrangères en Égypte, et à tout financement étranger reçu par des ONG égyptiennes – ce qui revient à sabrer le financement des ONG.

Composée entre autres de représentants du ministère de l’Intérieur et des services des renseignements généraux, cette commission ne serait pas tenue de justifier ses décisions.

En outre, le projet de loi interdirait aux ONG d’effectuer des recherches sur le terrain ou des enquêtes sans avoir préalablement obtenu la permission du gouvernement. Les sanctions en cas d’infraction seront plus rigoureuses – une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans et une amende de 100 000 livres égyptiennes (environ 10 000 euros).

Aux termes du projet de loi, tous les fonds détenus par les ONG seront considérés comme des fonds publics et soumis au contrôle du gouvernement. La peine encourue pour usage abusif ou détournement de fonds peut aller jusqu’à 15 ans de prison.

D’après le gouvernement, le projet de loi sera adopté lorsque le nouveau Parlement se réunira.

« Il n’y a aucun doute sur l’intention des autorités, à la lumière de leur tradition répressive vis-à-vis des organisations de défense des droits humains », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.

« Si l’Égypte veut réellement aller de l’avant, elle doit renoncer à cette loi et offrir un environnement où les droits humains sont protégés et où les ONG fonctionnent sans ingérence excessive. »

Les organisations de défense des droits humains en Égypte se sont déclarées très préoccupées par le projet de loi et par l’obligation de s’enregistrer au titre de la loi actuelle.

« Le gouvernement force la main aux organisations de défense des droits humains », a déclaré Mohamed Lotfy, directeur exécutif de la Commission égyptienne pour les droits et libertés.

Selon lui, les ONG se retrouvent face à un choix peu enviable : soumettre leurs activités à une loi répressive qui les empêchera de travailler librement, ou être poursuivies en justice et risquer la fermeture ou la prison.

Un autre représentant d’une organisation de défense des droits humains, qui a souhaité rester anonyme, a déclaré à Amnesty International : « Nous sommes pris entre le marteau et l’enclume, entre une date butoir destinée à fermer toutes les ONG indépendantes et dissidentes, et un projet de loi qui laissera aux forces de sécurité le champ libre pour les réprimer. »

Amnesty International a fait part de ses préoccupations concernant le nouveau projet de loi dans une note adressée aux autorités égyptiennes le 14 août 2014.

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