Égypte. La fermeture du centre de services pour les travailleurs menace la protection de leurs droits

Déclaration publique

MDE 12/015/2007

Amnesty International a condamné la fermeture par le gouvernement égyptien d’un important centre de conseil aux travailleurs, ce 25 avril, à la veille de la Fête du travail égyptienne. Pour notre organisation, cette mesure contredit les déclarations faites par le président Hosni Moubarak dans un discours du 26 avril, selon lesquelles son gouvernement s’engage à protéger les droits des travailleurs. Après la fermeture forcée du Centre de services pour les syndicats et les ouvriers (CTUWS) à Helwan, au Caire, les travailleurs égyptiens auront des difficultés à accéder à l’information et aux conseils relatifs aux droits du travail.

Le CTUWS, un groupe indépendant émanant de la société civile et défendant les droits des travailleurs, les conseille sur leurs droits et signale des violations des droits du travail. Ce centre subit depuis décembre 2006 une campagne d’attaques publiques de la fédération égyptienne officielle des syndicats, l’accusant d’avoir déclenché des grèves dans le delta du Nil. Des allégations similaires ont été proférées par le ministre de la Main d’œuvre et de l’Immigration lors d’entretiens télévisés et devant le Conseil consultatif de la Shura, la chambre haute du parlement égyptien.

Quelque 200 membres des forces de sécurité ont encerclé les bureaux du CTUWS à Helwan, ce 25 avril, pour appliquer la décision de fermer le centre, prise semble-t-il le 22 avril par le ministre de la Solidarité sociale. Ces forces de sécurité ont eu recours à la force pour évacuer le personnel et les militants des droits humains qui organisaient un sit-in depuis deux jours en solidarité avec le CTUWS, essayant d’empêcher la fermeture des bureaux, après des informations signalant le décret du ministre. Le président du conseil municipal de Helwan, qui était également présent, a indiqué qu’il avait reçu l’ordre de fermer le centre, mais n’a présenté aucun document au directeur du CTUWS ou à d’autres personnes. Le CTUWS a appris par la suite que la décision de fermer les bureaux d’Helwan avait été prise par l’administration locale chargée des autorisations.

La fermeture forcée des bureaux d’Helwan est la troisième d’une série visant le CTUWS en moins d’un mois. Deux ordres précédents ont entraîné la fermeture de bureaux à Naj Hammadi (gouvernorat de Qena) le 29 mars et de Mahalla al Kubra (gouvernorat d’al Gharbiya) le 10 avril. Des centaines de membres des forces de sécurité ont par la suite été déployés pour appliquer la décision du ministère de fermer les bureaux de Mahalla al Kubra ; des camions de sécurité de la police stationnent toujours près des bâtiments.

Quinze représentants d’organisations non gouvernementales de défense des droits humains se sont rendus au ministère de la Solidarité sociale ce 24 avril pour discuter de la fermeture des bureaux du CTUWS. Ces représentants se sont entendu dire par des représentants du ministère que la décision de fermer le CTUWS avait été prise par les autorités locales et n’avait rien à voir avec le ministère. Le même jour, le Comité des Nations unies pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a lancé un appel à une délégation égyptienne dirigée par le ministre de la Main d’œuvre et de l’Immigration lors d’une réunion à Genève, afin que le CTUWS soit rouvert, pour mieux protéger les droits des travailleurs ; le ministre n’a cependant fourni aucune assurance.

Les attaques visant les bureaux du CTUWS semblent être liées à son rôle actif d’information des travailleurs sur leurs droits, notamment lors des élections syndicales d’octobre 2006, et au fait que le CTUWS ait signalé les nombreuses irrégularités qui ont marqué ces élections. Ces attaques seraient également liées au rapport du CTUWS qui critique les récentes élections syndicales, ainsi que le rôle joué par la fédération égyptienne des syndicats et le ministère de la Main d’œuvre et de l’Immigration.

En fermant les bureaux du CTUWS, les autorités égyptiennes ne violent pas seulement leur obligation de respecter le droit à la liberté d’association : elles empêchent également les travailleurs de recevoir des informations indépendantes et une aide juridique précieuses pour le respect de leurs droits relatifs au travail, notamment le droit de grève et le droit de s’organiser librement.

Amnesty International demande aux autorités égyptiennes de revenir immédiatement sur leur décision de fermer les bureaux du CTUWS, et de lever toute autre restriction imposée sur cette organisation, afin que le centre puisse fournir une aide bien nécessaire à la défense des droits des travailleurs.


Contexte

Le harcèlement du CTUWS et la fermeture de ses bureaux s’est produit sur fond de grèves dans divers secteurs industriels, principalement dans la région du delta du Nil. Les grévistes demandaient des augmentations de salaire, de meilleures conditions de travail et des primes, et critiquaient les fédérations syndicales affiliées au gouvernement, pour leur proximité excessive avec celui-ci, et pour ne pas avoir soutenu leurs exigences, en particulier après les irrégularités signalées lors des élections syndicales d’octobre 2006.

Les grèves de Mahalla al Kubra (gouvernorat d’al Gharbiya), qui ont entraîné une série d’autres grèves dans des usines du delta du Nil, ont commencé lorsque des travailleurs du textile ont demandé que la prime de 100 livres égyptiennes (soit environ 18 dollars des États-Unis) qu’il reçoivent à la fin de chaque année soit portée à l’équivalent de deux mois de salaire, dans le respect du décret n°4667 du Premier ministre datant de mars 2006, qui augmentait la prime de tous les travailleurs du textile dans le secteur public. Les grèves de Mahalla al Kubra se sont intensifiées lorsque la fédération syndicale du textile, affiliée au gouvernement, n’a pas respecté ses promesses des élections syndicales, en n’obtenant pas l’augmentation de prime du gouvernement ; ces grèves ont continué jusqu’à la proposition gouvernementale d’une prime de quarante-cinq jours.

La décision gouvernementale d’accorder cette prime de fin d’année aux travailleurs de Mahalla al Kubra a déclenché des grèves dans d’autres usines du delta du Nil. Des milliers de travailleurs de Kafr al Dawar (gouvernorat de Buhayra) et de Shibeen al Kum (gouvernorat de Manufiya) ont entamé une grève, demandant un traitement similaire, avec de meilleurs salaires et conditions de travail.

Le CTUWS a été accusé par le ministère de la Main d’œuvre et de l’Immigration d’avoir provoqué et encouragé des grèves dans un certain nombre d’usines du pays, en particulier à Mahalla al Kubra, où 20 000 travailleurs du textile ont fait grève pendant plusieurs semaines, en décembre 2006 et janvier 2007.

En 2003 et 2004, le CTUWS, qui est actuellement enregistré comme entreprise civile, a essayé de s’enregistrer comme association aux termes du texte de loi restrictif sur les associations (Loi 84 de 2002), mais s’est vu refuser cet enregistrement, car ce texte de loi interdit aux associations de se livrer à des activités syndicales et politiques. Le CTUWS a récemment demandé à s’enregistrer sous la forme de deux organes distincts : une entreprise civile fournissant formation et aide juridique aux travailleurs, et une association. Le ministère de la Solidarité sociale n’a pour l’instant donné aucune réponse à cette demande.

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