Égypte. La nouvelle loi anti-terrorisme ne doit pas accorder légitimité aux atteintes systématiques aux droits humains

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

MDE 12/013/2007

Le Caire - Les autorités égyptiennes commettent des atteintes systématiques aux droits humains au nom de la sécurité nationale, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public ce mercredi 11 avril. Au cours d’une conférence de presse au Caire, l’organisation a instamment demandé au gouvernement de veiller à ce que la nouvelle loi de lutte contre le terrorisme n’accorde pas légitimité aux atteintes aux droits humains.

Intitulé Egypt - Systematic abuses in the name of security, le rapport est rendu public près d’un mois après que l’organisation se soit alarmée de ce que les projets de modification de la Constitution et le nouveau projet de loi de lutte contre le terrorisme risquaient d’éroder encore la protection des droits fondamentaux.

« Des milliers d’Égyptiens ont été arrêtés au nom de la sécurité ; certains sont détenus depuis des années sans avoir été inculpés ni jugés, souvent malgré des décisions de justice ordonnant leur remise en liberté ; d’autres ont été condamnés à l’issue de procès inéquitables, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Il est du devoir du gouvernement égyptien de protéger la population et de combattre le terrorisme, mais ce faisant, il doit respecter un certain nombre d’engagements fondamentaux et respecter les droits humains ainsi que ses obligations au regard du droit international – ce qu’il a manifestement trop souvent négligé de faire. »

Le rapport fait état d’arrestations arbitraires, de détentions prolongées sans jugement, d’actes de torture et de mauvais traitements par des fonctionnaires de la sûreté, notamment des Services de renseignements de la sûreté de l’État (SSI), qui disposent de pouvoirs étendus au titre de l’état d’urgence maintenu en vigueur par le gouvernement depuis près de quarante ans de façon quasi continue. Le rapport condamne également le recours à des tribunaux d’exception et des tribunaux militaires pour juger des civils accusés d’atteintes à la sécurité et dénonce des procédures inéquitables. Certaines des personnes jugées par ces tribunaux ont été condamnées à mort et exécutées.

Selon le rapport, l ‘Égypte a également été l’une des destinations principales dans le cadre de la « guerre au terrorisme » menée par les États-Unis. De nombreux ressortissants égyptiens soupçonnés de terrorisme ont été transférés de pays étrangers vers l’ Égypte par des gouvernements arabes, européens et par les États-Unis en dépit des risques de torture et ont été arrêtés et torturés. Le sort de certaines de ces victimes de « restitutions » illégales par les États-Unis reste inconnu à ce jour. Leurs noms n’ont pas été révélés, pas plus que la raison ou le lieu de leur détention.

« Les autorités égyptiennes doivent dire la vérité et révéler le nombre, les noms, la nationalité et ce qu’il est advenu de toutes les personnes soupçonnées de terrorisme extradées, ayant fait l’objet de « restitutions » ou transférées à un titre ou à un autre aux autorités égyptiennes à partir de l’étranger », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.

Le rapport établit une liste de six recommandations au gouvernement pour briser le cycle des atteintes aux droits humains ; il préconise notamment la fin des détentions au secret ou dans des lieux tenus secrets et l’ouverture sans délai d’enquêtes sur toutes les allégations de torture.


« La torture est largement utilisée par les membres des SSI et autres organes de sécurité ou chargés du maintien de l’ordre public, mais les allégations de torture font rarement l’objet d’enquêtes et lorsqu’il y a enquête, elles ne donnent que peu de résultats,
a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui. Le gouvernement doit lever le voile d’impunité qui protège ceux qui torturent au nom de l’État. »

Il est indispensable que le gouvernement égyptien autorise les experts des Nations unies sur les questions de la torture et de la lutte anti-terrorisme à se rendre sur place au moment où est en préparation une nouvelle législation anti-terrorisme. Une telle présence serait une indication claire de l’engagement du gouvernement à respecter ses obligations internationales en matière de droits humains.

Amnesty International redit sa crainte que les modifications apportées à la constitution et l’adoption d’une nouvelle loi anti-terrorisme n’ouvrent la voie à de nouvelles violations des droits de la personne. Bien qu’aucun texte du projet de loi n’ait encore été rendu public, les autorités égyptiennes ont fait savoir qu’elles s’étaient inspirées de lois similaires dans un certain nombre de pays, notamment aux États-Unis.

« Ce serait une grossière erreur de la part de l’ Égypte de copier sa loi anti-terrorisme sur le Patriot Act américain, a déclaré Curt Goering, directeur adjoint de la section américaine d’Amnesty International. Le Patriot Act est dénoncé par beaucoup aux États-Unis comme une atteinte fondamentale aux libertés qui nous sont si chères, en raison de la légèreté avec laquelle ont été sacrifiés les droits humains et les principes du droit au nom de la sécurité. »

Le rapport Egypt : Systematic abuses in the name of security est disponible à l’adresse suivante :
http://web.amnesty.org/library/index/engmde120012007

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