Égypte. La répression liée au VIH se poursuit. Persécuter les personnes vivant avec le VIH/sida alimente l’épidémie

MDE 12/003/2008

New York – Les nouveaux actes d’accusation émis par le gouvernement égyptien contre plusieurs hommes manifestement arrêtés parce qu’ils sont soupçonnés d’être séropositifs au VIH bafouent leurs droits fondamentaux et compromettent gravement la lutte contre le VIH/sida en Égypte, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch ce mardi 11 mars 2008.

Les deux organisations ont demandé aux représentants de l’État égyptien d’annuler ces actes d’accusation, ainsi que les condamnations à un an d’emprisonnement prononcées contre quatre hommes en février 2008.

Le 4 mars 2008, au Caire, le ministère public a mis en accusation cinq hommes pour « pratique de la débauche », infraction qui désigne dans le Code pénal égyptien les relations homosexuelles entre hommes consentants. L’un d’entre eux est également accusé d’avoir favorisé la pratique de la débauche pour les autres. Leur procès doit avoir lieu le 12 mars. Les poursuites engagées contre trois autres hommes ont été abandonnées.

Avant d’émettre l’acte d’accusation, le procureur principal a affirmé à un avocat de la défense que ces hommes ne devraient pas être autorisés à « circuler librement dans les rues », car ils représentent « un danger pour la santé publique » aux yeux du gouvernement.

« Ces poursuites malavisées trahissent l’ignorance et les préjugés des autorités vis-à-vis du VIH, a expliqué Joseph Amon, directeur du programme VIH/sida à Human Rights Watch. En poursuivant des personnes parce qu’elles sont séropositives, les autorités vont faire peur aux Égyptiens et les détourner des traitements contre le VIH/sida ou des informations sur la prévention. »

Les cinq accusés comptent parmi les 12 hommes arrêtés pour leur séropositivité au VIH depuis octobre 2007, dans le cadre de ce qui s’apparente à une répression policière accrue (http://www.amnesty.org/fr/library/info/MDE12/001/2008/fr). Selon des défenseurs des droits humains du Caire, la police a interpellé deux premiers hommes alors qu’ils se querellaient dans la rue, l’un d’eux ayant déclaré aux policiers qu’il était séropositif. Leurs avocats ont indiqué à Human Rights Watch et Amnesty International que les policiers avaient arrêté leurs clients, les avaient battus et soumis à des examens physiques abusifs et intrusifs, dans le but de prouver qu’ils s’étaient livrés à des pratiques homosexuelles. La police a ensuite appréhendé d’autres hommes dont les noms ou des informations personnelles se trouvaient dans les affaires des deux premiers.

Selon l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne, organisation installée au Caire, des médecins du ministère égyptien de la Santé et de la Population ont soumis les 12 détenus à un test de dépistage du VIH sans leur consentement. Tous ceux dont la séropositivité a été révélée ont été enfermés dans des hôpitaux pendant des semaines, enchaînés à leur lit. Le 25 février, le ministère a ordonné d’ôter leurs chaînes en raison du tollé provoqué au niveau national et international.

Les dossiers des cinq accusés présentaient les résultats des examens anaux pratiqués sous la contrainte, qui ne sont pas seulement une aberration d’un point de vue médical, mais peuvent aussi constituer un acte de torture. Ces résultats ne débouchaient sur aucune conclusion et n’attestaient d’aucune activité sexuelle, mais précisaient sous la forme d’une réserve standard qu’il est possible de pratiquer la sodomie sans laisser de trace. Ces dossiers comportaient également les résultats des tests obligatoires de dépistage du VIH. Quatre des cinq hommes étaient séropositifs. Quant aux trois hommes pour lesquels les charges ont été abandonnées, ils étaient séronégatifs.

Le bureau du procureur a maintenu en détention deux des cinq hommes au-delà de la limite de 90 jours que prévoit le droit égyptien.

« Ces hommes ont été traités comme s’ils représentaient une menace pour le pays, simplement parce que quatre d’entre eux se sont avérés séropositifs
, a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Les autorités ne doivent pas les poursuivre en justice, mais enquêter sur les atteintes aux droits humains et les mauvais traitements qui leur ont été infligés, en vue de prendre des mesures garantissant que cela ne se reproduira pas. »

Sur les 12 hommes, au moins, arrêtés dans le cadre de la répression liée au VIH depuis octobre 2007, quatre ont déjà été condamnés à des peines d’emprisonnement. Le 13 janvier 2008, un tribunal du Caire les a déclarés coupables de « pratique de la débauche » et les a condamnés à une peine d’un an d’emprisonnement. Ce jugement a été confirmé en appel le 2 février.

L’emprisonnement de personnes au motif qu’elles se livrent, ou sont soupçonnées de se livrer, à des relations homosexuelles avec des adultes consentants, constitue une grave violation des droits humains. La loi égyptienne au titre de laquelle de telles poursuites sont engagées bafoue les protections de la vie privée et les garanties contre toute discrimination inscrites dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). D’après le Comité des droits de l’homme des Nations unies, l’orientation sexuelle comme le statut sérologique VIH sont protégés contre la discrimination au titre des provisions du PIDCP. Les personnes incarcérées uniquement parce qu’elles sont soupçonnées de s’être livrées à des relations homosexuelles avec des adultes consentants sont victimes de mesures de détention arbitraire et doivent être remises en liberté immédiatement et sans condition.

L’arrestation, en vertu de l’article du Code pénal égyptien sur la « débauche », de personnes en raison de leur séropositivité au VIH avérée ou présumée, ainsi que la pratique de tests de dépistage du VIH sans le consentement des intéressés, s’inscrivent également en violation des garanties internationales et de l’interdiction de la détention arbitraire.

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