communiqué de presse

Égypte. Le président doit aller au-delà du décret d’amnistie et entreprendre une vaste réforme en matière de droits humains

Amnesty International salue le décret d’amnistie générale pris en Égypte par le président Morsi, qui concerne les personnes arrêtées ou jugées pour avoir participé à des manifestations depuis le soulèvement de janvier 2011, mais souligne que ce n’est pas cette mesure qui permettra aux 1 100 autres civils emprisonnés à l’issue d’une procédure inéquitable devant un tribunal militaire de bénéficier d’un procès conforme aux normes d’équité.

« Le principe d’égalité devant la loi signifie que tous les Égyptiens ont le droit de bénéficier d’un procès équitable, quelle que soit la nature des accusations pesant contre eux. », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« On ne peut pas utiliser les tribunaux militaires pour juger des civils. Toutes les personnes emprisonnées au terme d’une procédure militaire doivent être rejugées par un tribunal civil, ou bien remises en liberté. »
Annoncé à la date des 100 jours de la présidence de Mohamed Morsi, le 8 octobre, le décret d’amnistie générale concerne toutes les personnes détenues ou en cours de jugement devant des tribunaux civils ou militaires pour des faits (participation à des manifestations, essentiellement) commis dans le but de « soutenir la révolution » entre le 25 janvier 2011 et le 30 juin 2012 (date de l’accession au pouvoir du chef de l’État).

Parmi les bénéficiaires de l’amnistie devraient se trouver les manifestants jugés devant des tribunaux pénaux pour des motifs liés aux violences lors des manifestations près de la place Tahrir en novembre 2011 et lors de celles organisées devant le siège du gouvernement en décembre 2011, ainsi que les manifestants poursuivis par des juridictions militaires à la suite des protestations de mai 2012 aux abords du ministère de la Défense, dans le quartier d’Abbaseya.

Toutefois, le droit à un procès équitable de quelque 1 100 civils, selon les derniers chiffres officiels, reste bafoué. Ces personnes ont en effet été condamnées à l’issue de procédures inéquitables devant des juridictions militaires pour des infractions pénales sans lien avec le soulèvement – meurtre, viol, vol, détournement de fonds, utilisation de la force armée, entre autres.

Selon des chiffres officiels, quelque 12 000 civils ont été jugés par des tribunaux militaires entre le soulèvement et le mois d’août 2011 ; on ignore le nombre de ceux qui ont comparu devant des juridictions militaires jusqu’en juin 2012. Ces personnes ont été jugées pour « comportement violent », détention d’arme, destruction de biens ou non-respect du couvre-feu, entre autres chefs.

La liste des bénéficiaires de l’amnistie doit être publiée par le parquet général et le parquet militaire d’ici un mois, et devrait comprendre des personnes condamnées, des personnes en cours de jugement et d’autres sous le coup d’une enquête. Les personnes poursuivies pour meurtre en seront exclues.

Le président Morsi avait quelques temps auparavant mis en place une commission chargée d’examiner le cas des civils jugés lors de procédures inéquitables devant des tribunaux militaires ; il avait également ordonné la remise en liberté de plus de 700 civils condamnés à une peine d’emprisonnement par de tels tribunaux.

Le décret d’amnistie générale fait suite à l’une des recommandations formulées par la commission dans son rapport présenté au chef de l’État en septembre 2012.

« Amnesty International demande au président Morsi de faire en sorte que tous les civils jugés par un tribunal militaire et n’étant pas concernés par la récente amnistie soient maintenant déférés à une juridiction civile ou bien remis en liberté. », a ajouté Hassiba Hadj Sahraoui.

« Outre le problème des civils jugés par des tribunaux militaires, et afin d’éviter que les mesures ne demeurent isolées, l’organisation demande au chef de l’État d’élaborer maintenant un plan d’ensemble de réforme dans le domaine des droits humains, dans lequel seront détaillées les différentes initiatives que vont prendre les autorités pour combattre l’impunité et répondre aux exigences des Égyptiens, qui ont soif de respect des droits humains, de dignité et de justice sociale. »

« Enfin, Amnesty International demande au président Morsi de tout faire pour que les responsables présumés d’atteintes aux droits humains rendent compte de leurs actes ; cette étape est essentielle pour en finir avec les problèmes hérités du régime du Conseil suprême des forces armées (CSFA) et de celui d’Hosni Moubarak »

Le chef de l’État a certes nommé une commission chargée d’enquêter sur la mort de manifestants pendant le soulèvement et pendant la période où le CSFA était au pouvoir, mais dans la pratique les forces de sécurité bénéficient toujours actuellement de la plus totale impunité pour les violations perpétrées.

Amnesty International considère que la lutte contre l’impunité est un élément fondamental devant remettre l’Égypte sur le chemin des droits humains.

Selon les informations recueillies, les tribunaux militaires n’ont condamné que trois soldats pour « homicide involontaire » commis sur la personne de manifestants lors des événements de Maspero, il y a un an, alors que le CSFA était au pouvoir. Plusieurs dizaines de protestataires coptes avaient été tués.

Un seul policier antiémeutes est actuellement jugé pour avoir tué et blessé des manifestants.

D’autres membres des forces de sécurité ont été condamnés à des peines relativement légères pour la mort de manifestants lors du soulèvement.
Le dossier des violations des droits humains commises durant les trois décennies du régime Moubarak n’a pas été ouvert.

La nécessité d’amener les responsables de violations des droits humains à rendre comte de leurs actes était l’un des éléments essentiels du mémorandum adressé par Amnesty International au président élu le 29 juin dernier, un document dans lequel l’organisation lui demandait de donner la priorité absolue à la question des droits humains durant les 100 premiers jours de son mandat.

Cette question était aussi au cœur de deux rapports publiés par Amnesty International le 2 octobre.

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