Égypte. Les amendements à la Constitution tels qu’ils ont été proposés représentent la plus grave tentative d’érosion des droits humains depuis vingt-six ans

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

MDE 12/008/2007

Amnesty International a appelé ce dimanche 18 mars les députés égyptiens à rejeter les amendements à la Constitution qui ont été proposés ; selon l’organisation, ils représentent l’atteinte la plus grave à la protection des droits humains en Égypte depuis que l’état d’urgence a été ré-imposé en 1981.

L’appel est lancé alors que le parlement égyptien s’apprête à approuver, dimanche 18 mars, des amendements à 34 articles de la Constitution, dont l’article 179. Les amendements apportés à cet article accorderaient tout pouvoir à la police en matière d’arrestation, permettraient la surveillance des communications privées et autoriseraient le président égyptien à soustraire à la justice ordinaire les personnes soupçonnées de terrorisme et à les faire juger par des tribunaux militaires et des tribunaux d’exception, peu enclins à l’équité.

« Les amendements proposés à la Constitution ne feraient qu’assurer la pérennité des abus nés des pouvoirs accordés au titre de l’état d’urgence et donner au mauvais usage de ces pouvoirs une légitimité factice. Au lieu de demander aux députés égyptiens de voter la fin des détentions au secret , « disparitions » forcées, actes de torture et procès inéquitables devant des tribunaux militaires et des tribunaux d’exception, on leur demande de se prononcer en faveur de l’abandon de toute garantie constitutionnelle contre ces atteintes aux droits humains », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

L’amendement de l’article 179 ouvrirait la voie à l’adoption d’une nouvelle loi anti-terroriste qui affaiblirait le principe de la liberté personnelle [article 41(1)], de l’inviolabilité du domicile [article 44] et de l’inviolabilité des correspondances, entretiens téléphoniques et autres moyens de communication [article 45(2)]. Les amendements proposés accorderaient également au président un droit d’ingérence dans les affaires judiciaires en l’autorisant à faire traduire devant des tribunaux militaires des personnes soupçonnées d’infractions liées au terrorisme, sans passer par les tribunaux ordinaires.

S’ils étaient approuvés par le parlement, les amendements à l’article 179 seraient soumis à un référendum populaire le 4 avril, en même temps que les amendements à 33 autres articles de la Constitution. Des ONG égyptiennes et internationales ont également fait part de leurs graves inquiétudes concernant ces autres amendements, qui prévoient notamment d’interdire la constitution de partis politiques sur une base religieuse et de réduire le rôle des juges en matière de contrôle des élections et référendums. Les premiers s’inscrivent dans le cadre de la stratégie du gouvernement pour affaiblir le parti des Frères musulmans après son succès relatif aux élections de 2005. Les seconds semblent être destinés à prévenir toute répétition des évènements de l’an dernier ; deux juges importants avaient dénoncé la passivité du gouvernement face à la fraude électorale au cours des élections présidentielle et législatives de 2005.

Les députés sont appelés à se prononcer par oui ou par non sur l’ensemble des amendements. Ils ne peuvent en accepter certains et en rejeter d’autres et ne peuvent soumettre à révision l’un quelconque de ces amendements.

« Amnesty International reconnaît la menace que fait peser sur l’Égypte le terrorisme, mais le respect et la protection des droits humains fondamentaux ne peuvent être balayés par un simple vote à la majorité, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.


« En faisant adopter ces amendements, le gouvernement inscrira de façon permanente dans la loi des pouvoirs instaurés par l’état d’urgence et utilisés pendant plus de vingt ans pour bafouer les droits des personnes ; de la sorte, lorsque enfin il s’inclinera face aux critiques internationales et lèvera l’état d’urgence, cela n’aura qu’un impact superficiel. Le parlement ne devrait pas cautionner cette démarche. Il devrait au contraire rejeter ces amendements et insister pour que le droit national égyptien protège de façon appropriée les droits universels inscrits en droit international que l’Égypte s’est engagée à respecter sans l’avoir fait. »

Amnesty International croit fermement que la réforme constitutionnelle actuelle doit être comprise comme une occasion de renforcer la protection des droits humains et de rompre avec les pratiques du passé. Aucune des dispositions des lois relatives à l’état d’urgence ne devrait être inscrite dans la nouvelle législation ni protégée par la Constitution.

Complément d’information

L’amendement proposé à l’article 179 dispose que l’État doit veiller à la protection de l’ordre public et à la sécurité de la société face aux dangers du terrorisme. Il précise que la loi doit imposer les dispositions susceptibles de protéger la société contre le terrorisme, de sorte que les dispositions des articles 41 (1er paragraphe), 44 et 45 (deuxième paragraphe) n’entravent pas la capacité des mesures de lutte contre le terrorisme de faire face à ses dangers et à ses conséquences majeures. Il souligne que la loi doit assurer un contrôle judiciaire sur ces mesures.
L’amendement proposé accorde au président de la République le droit de faire juger les crimes de terrorisme par tout organe judiciaire reconnu par la Constitution ou cité par la loi.

Des manifestants qui appelaient au rejet des amendements constitutionnels proposés ont été dispersés par la police au Caire vendredi 16 mars. De nombreuses personnes ont été interpellées ; la plupart ont été rapidement remises en liberté mais 23 ont été inculpées pour troubles à l’ordre public.

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