Égypte. Les autorités doivent libérer un blogueur traduit devant un tribunal militaire

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI - 5 mars 2010

Amnesty International a demandé ce vendredi 5 mars 2010 aux autorités égyptiennes de libérer immédiatement et sans condition un blogueur et prisonnier d’opinion passible d’une peine de neuf ans et demi d’emprisonnement pour avoir mis en ligne un article dénonçant le népotisme au sein des forces armées.

Ahmad Mostafa, 20 ans, doit être jugé devant un tribunal militaire au Caire le 7 mars pour avoir publié en mars 2009 un article sur son blog intitulé Matha Assabaka ya Watan (Que t’est-il arrivé, oh nation ?). Il est le premier blogueur égyptien à être jugé par un tribunal militaire pour ses activités présumées.

« Ahmed Mostafa a fait l’objet de poursuites uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression sur son blog, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Il a désormais à répondre d’accusations forgées de toutes pièces qui témoignent de la détermination des autorités à contrôler la blogosphère égyptienne, devenue un espace de libre expression dans le pays. »

Dans son article, il racontait l’histoire d’un étudiant qui aurait été contraint de démissionner d’une académie militaire afin de céder sa place à un autre postulant, sur fond d’accusations de népotisme.

Ahmed Mostafa, qui fait des études d’ingénieur à l’université de Kafr El Sheikh, a été accusé d’avoir mis en ligne des secrets militaires, publié de fausses informations sur l’armée et insulté les officiers chargés du recrutement à l’académie militaire.

Selon les avocats du Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme, il a été arrêté par des agents des services de renseignement militaire le 17 février 2010 et interrogé sur son blog.

Il a comparu pour la première fois devant un tribunal militaire lundi 1er mars. Or, ses avocats du Centre Hisham Mubarak pour le droit et de l’Association pour la liberté de pensée et d’expression ont révélé à Amnesty International que les autorités ne leur avaient fait parvenir son dossier que le mardi 2 mars.

« Il est consternant de constater que des blogueurs peuvent désormais comparaître devant une instance militaire. L’Égypte est régulièrement critiquée par les institutions des Nations unies chargées des droits humains pour son utilisation abusive de la justice militaire. Plutôt que de remédier à l’iniquité des procès de civils devant des instances militaires, les autorités égyptiennes cherchent à étendre leur champ d’application », a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui.

Ahmed Mostafa n’est pas le seul blogueur égyptien incarcéré pour ses écrits.

Karim Amer, adopté par Amnesty International comme prisonnier d’opinion, a été condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement en février 2007 pour avoir critiqué sur son blog le président Hosni Moubarak et les autorités religieuses égyptiennes d’al Azhar.

Hani Nazeer, autre prisonnier d’opinion, est maintenu en détention administrative depuis octobre 2008 pour avoir mis en ligne sur son blog la couverture d’un livre considéré comme insultant pour les musulmans.

Par ailleurs, Amnesty International a exhorté les autorités égyptiennes à accepter les principales recommandations de l’ONU sur la liberté d’expression et de dissidence pacifique.

Le 19 février 2010, lors d’un examen par l’ONU du bilan de l’Égypte en termes de droits humains, les autorités égyptiennes ont rejeté une recommandation les invitant à « libérer les blogueurs et les militants actuellement incarcérés aux termes de la Loi relative à l’état d’urgence et à mettre un terme aux arrestations et aux détentions de militants politiques », la qualifiant d’incorrecte et inexacte dans les faits.

Complément d’information

Dans le droit fil du droit international, Amnesty International s’oppose à ce que des civils comparaissent devant des tribunaux militaires. De tels procès bafouent le droit à un procès public et équitable devant un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, que garantit l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) auquel l’Égypte est partie.

Les tribunaux militaires ont été institués en Égypte en vertu du Code de justice militaire (Loi n° 25 de 1966). La Loi a été modifiée en avril 2007. Les changements apportés n’ont toutefois pas remédié aux problèmes de fond inhérents au fait de traduire des civils devant des juridictions militaires.

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