Égypte. Les autorités n’assurent pas la protection des minorités religieuses

Déclaration publique

Index AI : MDE 12/001/2010 (Public) -
ÉFAI-
12 janvier 2010

Amnesty International a condamné ce mardi 12 janvier la fusillade qui a fait six morts et blessé des dizaines de personnes le 6 janvier dans le sud du pays au cours d’une attaque dirigée contre la minorité copte d’Égypte. Au vu des menaces répétées contre les coptes d’Égypte, l’organisation demande aux autorités égyptiennes d’ouvrir une enquête crédible sur la fusillade et de prendre des mesures pour protéger les minorités religieuses de telles attaques.

La fusillade a eu lieu au moment où les fidèles sortaient d’une église dans la ville de Nagaa Hammadi, en Haute-Égypte, à la fin de la messe de minuit célébrée la veille du Noël copte, le 6 janvier. Six fidèles et un policier, qui n’aurait pas été en service au moment des faits, ont été tués. Le 8 janvier, les autorités égyptiennes ont annoncé qu’elles détenaient trois personnes en lien avec cette attaque.

Selon les informations dont nous disposons, l’attaque aurait été perpétrée en représailles au viol présumé d’une fillette musulmane de douze ans par un chrétien en novembre 2009. La nouvelle avait fait descendre dans les rues des centaines de manifestants musulmans qui avaient mis le feu à des boutiques appartenant à des chrétiens dans la ville de Farshout, près de Nagaa Hammadi. Un chrétien soupçonné du viol a été arrêté et aurait été placé en détention dans l’attente de son procès.

Bien que des menaces de nouvelles violences contre les coptes aient été proférées à Nagaa Hammadi, après les troubles survenus dans la région en novembre 2009, les autorités égyptiennes n’ont, semble-t-il, pas pris de mesures pour leur assurer une protection adéquate en accroissant les mesures de sécurité. Les forces de sécurité, habituellement déployées lors des fêtes pour protéger les églises et les quartiers adjacents et restreindre la circulation dans les rues voisines, étaient absentes.

La fusillade de la semaine dernière est l’attaque la plus meurtrière jamais perpétrée contre des coptes depuis l’attaque de 2000 qui avait fait plus d’une vingtaine de morts dans le village de Kosheh, dans le gouvernorat de Sohag, à quelque 500 kilomètres au sud du Caire.

Le 7 janvier, plusieurs centaines de manifestants chrétiens se sont rassemblés devant la morgue dans laquelle se trouvaient les corps et ont scandé des slogans antigouvernementaux. Des affrontements ont eu lieu avec les forces de sécurité qui ont lancé des grenades lacrymogènes pour disperser la foule. Les coptes se plaignent souvent que les autorités égyptiennes ne prennent pas suffisamment de mesures pour les protéger et poursuivre en justice leurs agresseurs et que ceux contre lesquels des poursuites sont engagées n’écopent souvent que de peines légères.

En outre, des heurts se sont produits entre des musulmans et des coptes dans plusieurs villages alentours, notamment à Bahgoura, à trois kilomètres de Nagaa Hammadi, où des dizaines de boutiques et plusieurs maisons appartenant à des coptes ont été incendiées. Une vieille femme n’a pu s’échapper et est morte asphyxiée dans l’une des maisons incendiées. Selon les chiffres officiels, 28 coptes et 12 musulmans auraient été arrêtés en lien avec ces affrontements.

La violence intercommunautaire entre chrétiens et musulmans éclate souvent à la suite de querelles de familles ou de personnes. Amnesty International et les organisations égyptiennes de défense des droits humains ont noté une augmentation du nombre d’attaques pour des motifs confessionnels contre la communauté copte d’Égypte, qui représente entre 6 et 8 millions de personnes dans ce pays.

Amnesty International demande instamment aux autorités égyptiennes de prendre des mesures positives pour faire en sorte que le droit à la sécurité et l’intégrité des personnes appartenant à la minorité copte ou aux autres minorités religieuses soit respecté et que les personnes soupçonnées d’actes de violence soient jugées lors de procès conformes aux normes internationales d’équité des procès, excluant le recours à la peine de mort.

L’Égypte a obligation au titre du droit international relatif aux droits humains, d’assurer la protection des membres de tout groupe racial ou religieux afin de leur garantir la pleine et égale jouissance de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales. L’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Égypte est État partie, garantit le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement. En outre, le comité des droits de l’homme des Nations unies qui supervise l’application du PIDCP a précisé dans son observation générale sur l’article 2 que « les États parties ne pourront pleinement s’acquitter de leurs obligations positives de garantir les droits reconnus dans le Pacte que si les individus sont protégés par l’État non seulement contre les violations de ces droits par ses agents, mais aussi contre des actes commis par des personnes privées, physiques ou morales, qui entraveraient l’exercice des droits énoncés dans le Pacte dans la mesure où ils se prêtent à une application entre personnes privées, physiques ou morales. »

La récente attaque contre des coptes d’Égypte rappelle de façon impérative la nécessité pour les autorités égyptiennes de consacrer davantage d’efforts à la protection des minorités religieuses. À cet effet elles doivent immédiatement faciliter la venue de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction, dont la demande de visite est à ce jour restée sans réponse.


Complément d’information

D’autres minorités religieuses ont également été la cible d’attaques en Égypte. En avril 2009, les maisons de plusieurs familles baha’ies du village de Shuraniyya, dans le gouvernorat de Sohag, ont été incendiées par des habitants du village, résultat des incitations à la haine et à la violence contre les Baha’is lancé par un journaliste du groupe al Goumhuria, propriété de l’État, dans des articles de presse et à la télévision. Plusieurs Baha’is ont dû fuir leurs maisons en raison des violences qui ont suivi. Six organisations de défense des droits humains ont publié une déclaration conjointe dans laquelle elles demandaient instamment au procureur général d’enquêter sur les violences et de poursuivre en justice le journaliste d’al Goumhuria. L’enquête ouverte par le parquet pour incitation à la haine est toujours en cours mais, à notre connaissance, il n’y a encore eu aucune arrestation en lien avec les attaques lancées contre des maisons baha’ies à Sohag.

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